Sa biographie par : Laurence Revais, journaliste et compagne de l’artiste (1951-2000)
1951-1968 : l’apprentissage
Didier Pierre Chamizo naît le 15 octobre 1951 à Cahors. Il vit au n° 6 de l’impasse Nadaillac avec sa grand-mère, sa mère et sa tante. À l’âge de sept ans il quitte Cahors pour Saint-Étienne. C’est un enfant intelligent mais turbulent, déjà doué pour les arts plastiques et curieux de tout, qui quitte l’école à treize ans pour entrer en apprentissage dans la serrurerie. Il dessine et peint depuis toujours et décide de s’inscrire, en septembre 1967, aux cours du soir de l’École des beaux-arts de Saint-Étienne. Là, au cours de l’hiver, il a l’occasion de présenter sa première exposition – des dessins – à la Maison de la culture. Les événements de mai 68 mettent un terme à son expérience aux Beaux-Arts.
1969-1972 : l’engagement politique
La tentation du héros habite Didier Chamizo: l’été 1969, il sauve trois personnes de la noyade dans un océan déchaîné à Contis-les-Bains. En décembre, il intègre le corps des Pompiers de Paris pour y faire son service militaire et il se fait remarquer par son insubordination en lisant Les Pensées de Mao Zedong dans la cour de la caserne. Son service achevé, il rejoint Saint-Étienne où il trouve un poste d’infirmier dans une chaudronnerie industrielle puis de soudeur à l’arc ; les petits boulots s’enchaînent, alimentant la révolte de Didier Chamizo contre la misère des travailleurs, et réveillant sa rébellion.
À partir de 1971, il est de toutes les manifestations : contre le nucléaire, contre la guerre au Vietnam, pour la libération de la femme, et il se politise fortement sans toutefois appartenir à un parti ou à un syndicat. Il se joint aux discussions de groupes d’étudiants organisés mais ne conçoit pas d’en rester aux discours. Il passe à l’action dans une démarche libertaire qui le conduit en Italie, en Allemagne et en Espagne, où il fait de l’agitation politique.
1973-1976 : de la clandestinité à la prison
À cette époque, l’artiste déchiré et intransigeant décide de détruire l’ensemble de sa production artistique ; il brûle trois cents peintures et dessins ainsi qu’un millier de poèmes. Chamizo est en guerre, ses causes ont besoin d’armes et d’argent. Il entre alors dans la clandestinité afin de soutenir des groupuscules armés en Europe.
Marié en décembre 1972, père d’Yvon-John né en janvier 1973, il sera arrêté et mis en détention en juin 1973. Le jugement intervenu le 18 décembre 1975 le condamne à cinq années d’emprisonnement pour l’attaque de la banque Veuve Morin-Pons à Saint-Étienne.
Toujours politisé, il participe aux mouvements de détenus de l’année 1974 et au Comité d’action des prisonniers. La révolte carcérale est motivée par des conditions de détention insoutenables. Didier Chamizo les connaît bien pour avoir, au cours de cette première peine, vécu l’enfermement dans les « cages à poules » de la prison d’Eysses, dans le Lot-et-Garonne.
1977-1980 : une réinsertion
Libéré en 1977, Didier Chamizo retrouve sa femme et son fils. Il a renoncé à la lutte armée et cherche du travail, conscient de ne pouvoir subvenir aux besoins de sa famille avec sa seule peinture. En 1979, il travaille comme chauffeur-livreur pour les Nouvelles Messageries de Presse Parisienne, à Lyon. Pour la première fois de son existence, il connaît un épanouissement dans le monde du travail. Son sens de l’analyse, son esprit de synthèse le poussent à faire des remarques sur l’organisation du travail; il est écouté et, en l’espace de dix mois, accède à la fonction de responsable de Midi-Poste, société commerciale des N.M.P.P. pour la région Sud-Est. Il peint toujours, quand il a du temps libre, une figuration critique ou narrative.
1981-1982 : la seconde arrestation
La réussite de sa réinsertion ne fait aucun doute, si bien que le procureur de Vienne lui demande d’héberger l’un de ses ex-codétenus qui vient d’être libéré. Chamizo accepte, ignorant que cela va l’entraîner dans une spirale infernale. Cet homme à qui il offre le gîte va se livrer, chez son hôte, à un trafic d’armes. Le jour de la livraison, Chamizo, ignorant tout, est seul chez lui. L’homme qu’il héberge s’est miraculeusement absenté mais les policiers qui suivaient l’affaire sont bien là. Nous sommes le 10 mai 1981, Didier Chamizo est arrêté pour la seconde fois et il doit répondre de l’accusation de trafic d’armes. Il est incarcéré pendant un an à la prison Saint-Paul de Lyon avant de passer en procès. Le non-lieu est rendu, assorti d’une libération conditionnelle.
Le 1er avril 1982, Chamizo est libre mais seul, son mariage n’a pas résisté à cette nouvelle épreuve. Il a cinquante-deux francs en poche et ne sait où aller. La seule personne qui lui ouvre sa porte s’appelle Raymond Vaccarizzi, le chef d’un célèbre gang de la région lyonnaise. Les deux hommes se sont connus en prison où ils ont été deux fois codétenus. Très vite, Chamizo apprend incidemment qu’il est recherché par la police dans le cadre d’un hold-up sanglant. Innocent mais convaincu par expérience qu’il aura beaucoup de mal à le faire entendre, n’envisageant pas de retourner en prison, il prend peur et part se réfugier à Amsterdam. Là, il contacte des galeries et commence à préparer une exposition de dessins.
1982 : l’accident
Mais la cavale lui pèse, et son innocence le pousse à revenir en France pour consulter ses avocats. Avec eux, il convient d’une reddition auprès du procureur de la République après le week-end du 11 novembre. Ce 11 novembre 1982, tandis qu’il roule à moto entre Saint-Étienne et Lyon sous une subite tempête de neige, une altercation se produit avec un chauffard mécontent d’avoir été doublé. Une course poursuite de plusieurs kilomètres s’engage alors sur l’autoroute. La voiture accroche la moto, qui cale. Le chauffard sort de son véhicule. Échange de coups de poings. Puis la voiture fait demi-tour et revient à une allure folle sur Chamizo qui se tient toujours à l’arrêt, sur le bas-côté. C’est le grand saut. Témoins de la scène, des policiers retrouvent une dizaine de mètres plus bas, de l’autre côté de la rambarde, un homme sans connaissance, au corps disloqué. L’ambulance arrivée sur les lieux embarque un moribond : trente fractures des jambes et du bassin, traumatisme crânien, main droite écrasée. Chamizo restera dans un état comateux pendant un mois, enfermé dans une chambre d’hôpital aux vitres et aux portes blindées, gardé en permanence par des policiers.
1983-1984 : la rééducation
Survenu un jour avant sa reddition, l’accident projette de nouveau Didier Chamizo dans un cycle infernal. Quand il reprend connaissance, il se voit accusé de nombreux délits qui sont reprochés au gang de Raymond Vaccarizzi. Innocent, il déploie son énergie à regagner tout d’abord son intégrité physique. Emprisonné au quartier d’isolement de la Talaudière, à Saint-Étienne, il se rééduque et peint. Sa main droite retrouve peu à peu sa maîtrise, il dessine beaucoup et peint à l’huile des œuvres datées de 1984-1985 – qu’il refuse toujours d’exposer.
Assis dans un fauteuil roulant, Chamizo comparaît à nouveau. Le 28 mars 1984, pour les coups échangés avec le chauffard, il écope de quatre années d’emprisonnement. Afin d’expliquer la lourdeur inconsidérée de la peine, le procureur lui dira: « Nous savons que vous n’avez pas fait grand-chose sur l’autoroute, mais l’occasion de vous tenir est trop belle. »
1985-1986 : les débuts de la liberté
En 1985, les premières toiles de la série « Liberté » sont peintes à la prison de Saint-Étienne, message lancé par le peintre détenu lors du bicentenaire de l’indépendance des États-Unis. Cette année-là, le tribunal de grande instance de Lyon ajoute trente mois. En juillet 1986, ce même tribunal condamne Didier Chamizo à cinq ans pour association de malfaiteurs. Quand il clame son innocence, il prend durement conscience que son passé pénal lui ôte toute crédibilité ; il décide cependant de faire appel, ne pouvant supporter l’illégalité d’une condamnation pour association de malfaiteurs tandis qu’il a bénéficié d’un non-lieu définitif pour le délit. Durant ce procès, maître La Phuong, l’un de ses avocats, dira à la cour: « Vous voulez juger Chamizo, alors réécrivez un code pénal pour lui. »
1986-1987 : L’Écrou et la peinture
En 1986, Chamizo est en prison à Lyon. Il peint à la bibliothèque et dans sa cellule. Touché par la détresse et par le désœuvrement des mineurs incarcérés, il crée pour eux un atelier de peinture. Impliqué, comme toujours, dans l’amélioration des conditions de détention, il redonne vie au magazine L’Écrou avec l’aide d’une petite équipe de détenus – ce magazine avait été fondé en 1982 avec le soutien de Christian Carlier, alors directeur. De 1986 à 1989, Chamizo en assurera les fonctions de rédacteur en chef, de pigiste et surtout d’illustrateur.
Les parloirs du détenu tiennent plus du salon que de la geôle. Des journalistes viennent y interviewer ce phénomène: Cécile Philippe, grand reporter à FR3 Rhône-Alpes, le filme en détention et crée le comité de soutien à Didier Chamizo; René Deroudille, éminent critique d’art, découvre le peintre et salue dans un article reproduit dans L’Écrou la série « Liberté », « marquée par les cris de communication et d’indépendance d’un artiste au cœur pur ». À chaque fois qu’il en aura l’occasion, le critique rappellera dans la presse locale lyonnaise l’existence et la force de l’œuvre de l’artiste emprisonné.
Au début de l’année 1987, François Reichenbach obtient l’autorisation de filmer Chamizo en détention à Saint-Paul. Le 19 février 1987, la cour d’appel de Lyon doit juger non pas le procès d’un gangster mais celui d’un artiste emprisonné et fortement médiatisé. La sanction tombe: huit ans, sans confusion avec les peines précédentes, ce qui porte la peine d’emprisonnement à quatorze ans et demi, suivis de dix ans d’interdiction de séjour dans les principaux départements français. Atterré, Chamizo retourne dans sa cellule où il se consacre plus que jamais à la peinture. Sa mère et son beau-père lui permettent d’exercer son activité artistique. Ils convoient le matériel nécessaire, négocient sans cesse avec la direction afin de pouvoir sortir les toiles achevées et représentent Chamizo à tous les vernissages – puisqu’il n’a jamais obtenu de permission pour s’y rendre.
1987-1988 : exposer la Liberté
Entre juin 1987 et avril 1988, l’exposition « Liberté » est présentée dans six villes françaises, parmi lesquelles la fondation Boris Vian, à Prades et à Paris, et « Octobre des Arts », à Lyon. Chamizo enfermé, le cadre de la toile ne suffit pas toujours. Durant l’été 1988, il dirige une équipe de détenus et peint avec eux l’intégralité du couloir souterrain qui relie les prisons Saint-Joseph et Saint-Paul. Là, sur le mur de béton, il créera son premier Quatre en cellule.
En août 1988, François Reichenbach rendra une seconde visite à Chamizo, et un portrait du peintre sera intégré à la première partie du film La Création vagabonde, diffusé sur Antenne 2 en 1990.
1989 : Révolution
De la série « Liberté » le peintre passe à la série « Révolution ». Marianne, La Marseillaise de Rude, le David Apollon de Michel-Ange remplacent la statue de la Liberté. En 1989, le ministère de la Culture nomme Chamizo lauréat du bicentenaire. Tout d’abord présentée à l’hôtel de ville de Lyon, « Révolution », une série délibérément populaire, obtient un tel succès que son exposition est programmée dans neuf villes en cette année de célébration. Hélas, le succès remporté par un artiste détenu fait peur à l’administration pénitentiaire et, au mois de mai, Chamizo apprend qu’il est transféré à la maison centrale de Val-de-Reuil, dans l’Eure. Les expositions sont annulées. Une fois encore, Chamizo est durement touché, il ne comprend pas que l’on balaie ainsi ses longues années de travail acharné. Son transfèrement remet en cause toute l’organisation matérielle qu’il avait réussi à monter peu à peu. Le début de son incarcération à Val-de-Reuil le contraint à renégocier le droit de peindre, à obtenir un lieu pour le faire, à décrocher l’autorisation d’introduire en prison peintures, pinceaux et toiles, à sortir les œuvres achevées… Il faudra l’intervention du ministre de la Culture Jack Lang pour qu’il ait, à nouveau, les moyens de travailler.
1990-1991 : jeux de mots
Chamizo se consacre dès lors à développer l’ »abstraction lettrique », une imbrication colorée de mots chers à son cœur, ceux de l’article 3 de La Déclaration universelle des droits de l’homme: « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. » Écrits dans toutes les langues, ces mots s’épanouissent en fond de ses tableaux ou sur des carcasses de téléviseurs. Les œuvres sont présentées à Lyon, à la galerie Chomarat, sous le titre Printemps 90. Puis elles franchissent l’Atlantique pour une exposition personnelle à la Binotti Gallery de New York. En décembre, les toiles sont montrées à Paris, à la galerie Albert Ier. Là, en pleine crise du marché de l’art, dix-sept toiles sur les dix-neuf exposées sont vendues le soir même du vernissage.
En juillet 1991, au terme de neuf années d’emprisonnement, Chamizo bénéficie de sa première permission. C’est là qu’il va rencontrer « Lolo », journaliste avec qui il correspondait de temps en temps. C’est le coup de foudre. La libération est proche. À la fin du mois d’août, ils se retrouvent à l’occasion d’un nouveau transfèrement vers la maison d’arrêt de Cahors où l’artiste doit bénéficier d’une semi-liberté pour achever sa peine. Il est libéré le 11 novembre 1991.
1992 : Chamizo fait le mur
Chamizo reste un paria dans son pays; désormais commence une seconde peine, l’interdiction de séjour de dix ans qui l’empêche de se déplacer ou de vivre où il le souhaiterait. Un grand chantier l’attend dans le Lot: le mur de Douelle. Durant l’été 1992, il réalise une peinture monumentale de huit cents mètres carrés sur un mur de béton brut implanté en bordure de la rivière Lot. Il y relate à sa manière huit mille ans d’histoire du vin, soutenu dans ce projet par le ministère de la Culture et la Fondation Cartier pour l’art contemporain.
Le mois de novembre voit aboutir Complicités d’évasions à Lyon puis à Créteil, un projet dont l’artiste était l’initiateur intra-muros. Chamizo n’est plus incarcéré et participe à l’exposition collective aux côtés de Gérard Garouste, Philippe Favier, Robert Combas, des frères Hervé et Richard Di Rosa…, quarante artistes ayant répondu à l’invitation de rentrer en prison pour rencontrer les détenus autour des pratiques artistiques. Chamizo est convié à participer au colloque de Créteil, et son intervention sera retranscrite dans l’ouvrage Création et prison, paru aux Éditions de l’Atelier. Puis il s’envole pour la Réunion où il fait une intervention aux Beaux-Arts du Port et peint en direct, devant les étudiants, deux portes de l’école.
1993 : la grâce
Chamizo réside en Ardèche quand, en janvier 1993, il reçoit un courrier de la chancellerie. François Mitterrand vient de lui accorder une grâce présidentielle. L’artiste est enfin libre. En mai, il expose à la galerie de Nesle, un espace magnifique de huit cents mètres carrés, au cœur de Saint-Germain-des-Prés. L’endroit est prêté à des artistes par les propriétaires, Hélène et Jacques Bonnaud. Chamizo tient là l’occasion de présenter la quasi-totalité des œuvres produites entre 1991 et 1993.
En octobre 1993, il se rend au vernissage de son exposition au centre culturel d’Andrézieux-Bouthéon, dans la Loire, accompagné d’un nourrisson: son second fils, Mahé, est né quelques semaines auparavant et fait sa première sortie. Cette exposition sera l’occasion pour Chamizo de réaliser une œuvre de commande portant sur l’histoire d’Andrézieux devant les enfants des écoles qui suivent attentivement le travail du peintre. En novembre, Chamizo emménage à Paris.
1994 : découvertes
En 1994, les expositions s’enchaînent: tout d’abord, en mars, un solo-show au salon « Découvertes » avec la galerie des 4 Coins de Roanne puis, en avril, une nouvelle exposition à la galerie de Nesle. En août, les Corridas rythment la feria de Dax; en septembre, Chamizo peint le fond de scène de la fête de l’Humanité, sur le thème de la danse, tout en participant à l’exposition « Plis d’excellence » au musée de la Poste, où sont présentées ses Lettres d’amour à Lolo, hautes de plus de deux mètres. L’année s’achève avec l’entrée de l’art contemporain au cirque: Chamizo réalise le rideau de scène pour la soirée de gala du cirque Arlette Gruss, sur une idée d’Yves Mourousi.
1995 : passeport pour l’art
En février 1995, Fragments Éditions consacrent à Chamizo un petit ouvrage appartenant à la collection « Passeport ». Deux galeries parisiennes montrent ses œuvres: Éric de Montbel en mai, puis S. 21, qui expose Jean-Pierre Raynaud, Chassepot, Richard Di Rosa, décide d’accueillir ses travaux en permanence. Le printemps est ensuite consacré à un petit séjour en Camargue pour découvrir la course camarguaise afin de préparer une exposition d’œuvres sur papier à la Maison du peuple du Cailar, en juillet.
La fin de l’année offre à Chamizo l’occasion de renouer avec le grand format qu’il affectionne: Jacques Konckier lui passe commande, pour la fondation Balenciaga, d’une œuvre de deux mètres sur deux, sur le thème de Narcisse. Puis une sélection de peintures récentes fait le voyage jusqu’à Abu-Dhabi pour une exposition privée au palais de Ganthoot.
1996 : à Surabaya
Début 1996, Chamizo crée une sculpture, Le Livre magique, pour « Livrôtrésors », exposition organisée par le centre culturel Aragon d’Oyonnax. En septembre, il peint pour le cinquantenaire de Filofax, à la galerie Gilbert Brownstone ; il s’associe à « Schizophrénies-Discordances », une présentation collective qui se tient salle Gaveau, à Paris, aux côtés de Peter Klasen, Erró, Ben, Combas… Puis la ville d’Hirson, en Picardie, accueille la rétrospective « Droits de l’homme 1986/1996 » dans l’abbaye Saint-Michel. Plusieurs projets d’expositions à l’étranger sont nés. Le premier se réalise: d’octobre à décembre, Chamizo réside et expose au centre culturel français de Surabaya, en Indonésie. Côté création, sous le pseudonyme « Chamirosa », des œuvres peintes naissent d’un travail à quatre mains, en collaboration avec le sculpteur Richard Di Rosa, d’après les contes et les légendes du monde entier. L’idée en est venue aux deux artistes, amis et presque voisins d’atelier, pour l’exposition « Rendez-vous conte » du centre culturel Aragon d’Oyonnax. Cette exposition ouvre l’année 1997.
1997 : l’Église est cathodique
Le mois de juin 1997 est celui de l’exposition « Art dans la ville » à Saint-Étienne, où Chamizo présente, chez Horizons Nomades, un petit parcours rétrospectif ainsi que les six premiers tableaux de la série « Masques » qui produit un grand effet. En septembre, la rétrospective « Droits de l’homme 1986/ 1996 » s’installe à Fourmies, en Picardie, et « Ma mythologie du cinéma » célèbre le festival du cinéma américain de Deauville, au casino.
Parallèlement à son œuvre, Chamizo s’implique activement, et volontairement sans éclats médiatiques, à des actions humanitaires en faveur des enfants. Tout au long du conflit yougoslave, il a mobilisé de nombreux amis artistes pour collecter argent et produits de première nécessité. Ensemble, ils offrent à la fin de la guerre de nombreuses œuvres à l’Académie des beaux-arts de Sarajevo. Chamizo n’est pas homme à renier son passé, aussi répond-il souvent aux demandes d’interventions lors de colloques portant sur la prison. En octobre 1997, il retrouve Caroline Legendre, qui avait co-écrit Création et prison, et il lui accorde une longue interview publiée dans Le Journal des psychologues.
À l’atelier, Chamizo poursuit sa quête de « Masques » en même temps qu’il donne naissance à une autre série, « L’Église cathodique ».
1998 : planète foot
En juin 1998, Chamizo participe à « 80 artistes autour du Mondial », une exposition collective organisée par la galerie Enrico Navarra, à Paris, avec Francesco Clemente, Jeff Koons, César, Arman, Niki de Saint-Phalle, Kenny Scharf… Chamizo ne sera à Paris que pour la photographie de groupe des artistes participants. En effet, il retourne à Saint-Étienne pour un mois, juste le temps de s’attaquer à un nouveau mur. Le thème en est Planète Foot, et le lieu est un mur pignon du quartier de La Terrasse. Une fois encore, l’artiste renoue avec le public ce contact direct qu’il apprécie tant. Passants et automobilistes le rencontrent autour de son « atelier-échafaudage » et suivent pendant quatre semaines la réalisation d’une œuvre d’art contemporain, en pleine rue. Puis il part trois semaines à Blainville-sur-Mer, dans le Cotentin, où il anime un atelier d’arts plastiques destiné aux adolescents d’un centre de vacances. C’est là, au château de Gonneville, que seront érigés les Trois Totems. L’année 1998 se clôt sur une nouvelle exposition stéphanoise, à la galerie Les Tournesols, où Chamizo présente ses tableaux aux côtés des sculptures de Richard Di Rosa.
L’année 1999 est marquée par la rétrospective. À Cahors, le musée Henri Martin, la Chantrerie et la galerie d’Art fêtent l’enfant du pays en initiant la rétrospective Chamizo. Un parcours éclaté. Puis ce sera le grand saut vers le Nouveau Monde: pour l’an 2000, à New York, Marisa Berenson offre l’occasion d’apprécier Chamizo dans sa très belle galerie de Soho. Quant aux inévitables célébrations du millénaire, le bouillonnant artiste, qui se rêve citoyen du monde, s’interroge: « Qu’allons-nous fêter? Deux mille ans de barbarie ? » Mais rebondissant, comme toujours, il ajoute déjà qu’il aimerait faire une action pour les enfants, une action pour le futur.