Auteur/autrice : christian.esteve Page 5 of 10

Léon Gambetta

Léon Gambetta,
député, ministre de l’Intérieur, président du Conseil

Avocat, né à Cahors en 1838 dans une famille italienne, Léon Gambetta, monté à Paris pour y chercher la fortune, incarne les débuts de la Troisième République. Il devient célèbre en 1868 après sa plaidoirie dans le procès Baudin. Il est élu député l’année suivante sur un programme qui en fait le porte-parole des Républicains les plus intransigeants.

Le bazar des parents de Gambetta était proche de la cathédrale et l’enseigne
en est toujours visible.

Partisan de la guerre à outrance en 1870-1871, il est membre du gouvernement de la Défense nationale. Après la défaite de Sedan (2 septembre 1870), il participe à la journée du 4 septembre au cours de laquelle sont proclamées la chute de l’empereur et la Troisième république.

Ministre de l’Intérieur, il quitte Paris en ballon le 7 octobre pour préparer la résistance à l’ennemi à Tours, où il prend également le portefeuille de la Guerre.

10 francs Gambetta

Le 4 septembre 1870, il est avec Jules Favre à la tête des légalistes qui veulent l’établissement de la République dans l’ordre. Bien qu’hostile à la capitulation, il accepte l’armistice en janvier 1871 pour mieux préparer la « guerre à outrance ».

Il démissionne lorsque ses électeurs du Bas-Rhin sont abandonnés à l’Allemagne, mais est réélu en juillet 1871.

Après s’être opposé à Thiers car refusant une République conservatrice, il devient un politique clairvoyant et attentif aux réalités.

Il participe à provoquer la crise du 16 mai 1877 (qui voit s’opposer le président Mac-Mahon et le chef du gouvernement J. Simon), dont il est considéré comme le vainqueur.

Mais certains sont jaloux de son succès (Jules Grévy), et Gambetta est maintenu à l’écart du pouvoir sauf pendant une courte période de novembre 1881 à janvier 1882 (pendant laquelle, d’ailleurs, il décevra et sera accusé de « trahir la République » par Clemenceau).

Il meurt à 44 ans d’une septicémie consécutive à un banal accident.

 
Cahors, le monument à Léon Gambetta

Inauguré en avril 1884. Statue de Falguière, qui nous montre le tribun, devant les allées Fénelon, appuyé sur un canon, bras tendu, en pleine déclamation patriotique.

A droite une carte postale ancienne, nous montre le monument dans son état d’origine : le soubassement du socle était décoré de statues de marin et d’un drapeau de bronze, lesquels furent envoyées à la fonte durant l’occupation.

Deux bronzes et une médaille en argent commandés par la ville de Cahors
pour l’inauguration du monument à Gambetta le 14 avril 1884

Cahors, le collège Gambetta Lycée de 1803 à 1974, il est collège depuis cette date. Il est installé dans les bâtiments de L’Ecole Centrale (1793-1803) qui étaient eux-mêmes ceux de l’ancien collège et du couvent des Cordeliers.

Portrait de Gambetta Une salle lui est consacré au musée Henri Martin. On y verra portraits et documents, y compris, dans une vitrine, l’oeil de verre du tribun.

Léon Lafage

Léon Lafage  écrivain, poète occitaniste a brossé dans son oeuvre une fresque de ce Quercy, partie intime de son être. En dépeignant les villes, les routes, les habitants au phrasé si particulier, les coutumes, les récoltes, la vigne…, il s’est montré à la fois géographe, historien, sociologue. Son oeuvre permet aux lecteurs d’aujourd’hui de renouer avec un passé définitivement disparu.

Buste à Saint-Vincent-Rive-d’Olt

Il naît à Saint-Vincent-Rive-d’Olt, en 1874, au sein d’une famille bourgeoise, fervente occitaniste, cultivée (le grand-père quelque peu helléniste initie ses trois petits-fils à l’oeuvre d’Homère).

Après un passage à l’école du village, Léon Lafage suit les cours au Lycée de Cahors, avec entre autres comme camarades : Pierre Calel (Jules Lafforgue), Gustave Fréjaville…

La quiétude familiale se trouve bouleversée par la ruine du père, obligé d’éteindre les dettes d’un boutiquier indélicat en faveur duquel il a commis l’imprudence de se porter garant, règlement d’autant » plus douloureux que ses vignes sont alors ravagées par le phylloxéra. Reconverti dans le métier de percepteur, le chef de famille prend l’habitude d’effectuer ses déplacements en compagnie de son jeune fils. Quelles merveilleuses occasions pour l’enfant de s’imprégner des usages, des dictons, des locutions des villages !

Le baccalauréat en poche, Léon Lafage écrit déjà dans les journaux locaux. Il est alors Cadurcien, logeant sur les quais, dans un quartier où une foule de métiers artisanaux sont représentés et où règne la langue occitane.

Etudiant parisien, Lafage fréquente moins la Faculté de Droit que la « Taverne du Panthéon » ou le « Café Vachette » (les deux hauts lieux littéraires d’alors). Engagé par le « Réveil du Lot », il ne fréquente plus guère que les théâtres. Encouragé par Gustave Larroumet, c’est l’époque aussi de ses premières compositions.

Dilettante, le jeune auteur se tourne temporairement vers d’autres activités, en particulier l’exploitation à Piolenc, en Vaucluse, d’une colline comportant des coulées de sable à verre, « La Montagne « , que possède sa mère. Les affaires sont mauvaises, il doit renoncer, regagner Paris et trouver un emploi.

C’est chose faite au Ministère de la Justice. Mais son travail le passionne peu, ses horaires s’avèrent plus que fantaisistes, et pourtant quelle source d’inspiration toutes ces plaintes enregistrées ! La plupart s’appuient en effet, avec ténacité, sur la tradition orale, séculaire, qui régit la vie rurale.

La « Revue Hebdomadaire » a édité son premier texte : un conte qui puise son inspiration dans les coutumes ancestrales de la campagne quercynoise ainsi cette invocation au cours d’un pèlerinage :

Pregalz per nautres Sant Perdos,
Que nautres espingarem per vos.

Priez pour notre Saint Perdoux,
Nous danserons pour vous.

D’autres contes et nouvelles trouveront leur place au supplément illustré du « Petit Parisien », et au « Journal » dirigé par Catulle Mendes. Bernard Grasset, alors tout jeune éditeur, publie en 1907, son premier livre : « La chèvre de Pescadoire « . Les deux premiers récits se déroulent dans le Comtat Venaissin, les autres contes, dans le Quercy. Pescadoire, un grand-oncle de Lafage, a donné son nom au recueil. Cet ancien lieutenant aux zouaves pontificaux qui, après « treize duels » et une vie des plus singulières, promenait sa chèvre de par les chemins, « en veste d’alpaga, pantalon clair, gants beurre frais, coiffé d’un panama retroussé à la mousquetaire, un jonc à la main » , était connu de tout Piolenc. « La vie a passé dans ces pages… » commentera la « Revue de Paris ». Daudet, charmé par l’accent de cette première oeuvre, s’empresse d’en faire connaître l’auteur (1).

Le succès de « La chèvre de Pescadoire » pousse Grasset à demander à Lafage de franchir une étape, en écrivant un roman. « Par aventure » se présente en fait plutôt comme une longue nouvelle ayant pour toile de fond Paris et le Vaucluse. Puis paraît un recueil plus achevé : « Bel Ecu de Jean Clochepin », un « livre tout de Querci « . Le premier conte, titre du recueil, narre l’histoire de Jean Clochepin, pauvre gueux, mendiant roulant sa bosse çà et là, bagarreur, rimailleur aussi à l’occasion, ce qui lui permet de plaire aux femmes et d’être maudit par les hommes. Une rixe justement l’entraîne derrière les barreaux. Qu’importe ! l’homme est débrouillard, que meure son geôlier, le voilà qui reprend sa place sans problème, dans la prison, mais aussi dans le lit conjugal !

En août 1914, la guerre retient Léon Lafage à son poste au Ministère, successivement à Cahors puis à Mont-de-Marsan. En 1916, il occupe à Londres le poste de Secrétaire général du Haut-Commissariat de France en Grande-Bretagne. Il détestera Londres, où il restera jusqu’à la fin de la guerre.

Lafage publie en 1921 son second roman : « Les abeilles mortes » histoire des pérégrinations orientales d’un gentilhomme quercynois ; puis son troisième roman « Bottier-Lampaigne » (1926), titre éponyme d’un député dont l’avènement, l’apogée et la chute sont relatés. Avec « La felouque bleue », (1927), l’écrivain renoue avec un langage un peu suranné, aux mots rares, oubliés, chers à son coeur, restituant merveilleusement l’esprit, la naïveté du temps jadis. Le « Fifre et le buis » (1931), réunit quarante contes tour à tour pathétiques ou au contraire divertissants « telles les histoires du coq ivre mort, du lièvre qui subtilise les écus du chasseur » (2), du jeune soupirant de la fille du gardien du cimetière – spectateur assidu de tous les enterrements , « du vieil âne qui porte collées à sa peau les mouches nécessaires au pêcheur de truites… » (3). Après « Le pays de Gambetta » (1933), « La rose de cuir » en 1940, son dernier recueil de contes, passe quasiment inaperçu dans le contexte troublé de l’époque.

Léon Lafage passe la Seconde Guerre mondiale entre Tarbes et Lourdes, charmé par les Pyrénées. Il retourne à Paris en 1948, ne livrant plus qu’une production littéraire de plus en plus rare. Il meurt dans la capitale le 9 mars 1953, et repose dans son village natal.

Il a brossé dans son oeuvre une fresque de ce Quercy, partie intime de son être. En dépeignant les villes, les routes, les habitants au phrasé si particulier, les coutumes, les récoltes, la vigne…, il s’est montré à la fois géographe, historien, sociologue. Son oeuvre permet aux lecteurs d’aujourd’hui de renouer avec un passé définitivement disparu.

Texte extrait de :
La Mémoire vive, par Sophie Villes, Cahors, 1998

(1, 2 et 3) A. MOULIS : Léon Lafage, écrivain du Quercy », Cahors, 1959.

Jean-François Champollion

Jean-François Champollion dit Champollion Le Jeune, égyptologue

Né à Figeac, le 23 décembre 1790 dans la maison de la rue de la Boudousquarie, il était le septième et dernier enfant de la famille Champollion. Le père était libraire et la mère issue d’une famille de tisserands.

Le jeune Jean-François fait preuve d’une grande précocité : à cinq ans il apprend à lire seul, dans les livres de la librairie paternelle, à 11 ans, il entre au tout nouveau lycée de Grenoble. Le jeune garçon stupéfie les inspecteurs généraux en traduisant à la perfection les vers les plus difficiles de Virgile et Horace.

Durant cette période, il étudie l’hébreu, l’arabe, le syrien, l’araméen. En 1804, il analyse l’étymologie hébraïque des noms de la Bible et écrit Remarques sur la fable des Géants . En 1805, il apprend l’éthiopien et le copte.

En 1807, il quitte le lycée et présente son essai de Description géographique de l’Egypte avant la conquête de Cambyse devant l’Académie des Sciences et des Arts, ce qui lui vaut d’être élu à cette Académie.

De 1809 à 1810, Champollion poursuit ses études à Paris à l’Ecole spéciale des langues orientales et au collège de France où il suit les cours de sanscrit, de chinois et de persan. Son intérêt pour l’Egypte ancienne ne fait que croître. Il approfondit l’usage du copte car il sait déjà que son travail sur les papyrus sera basé sur cette langue. Il réalise deux grammaires du copte ainsi qu’un dictionnaire.

A Paris, il travaille sur une copie de la pierre de Rosette découverte en 1799. Il ne partira pas en Angleterre pour travailler sur l’originale ; il se passionne au point de publier dès 1809 une théorie sur l’écriture égyptienne.

Grâce à l’intervention de Joseph Fourier, Napoléon dispense Champollion de la conscription. Jean-François revient à Grenoble auprès de son frère aîné lui-même professeur es-sciences. Il devient à 20 ans, professeur d’histoire ancienne à l’université de Grenoble en 1810.

En 1814, il publie les deux tomes de l’Egypte sous les Pharaons. Il identifie les groupes épithètes, ainsi que le pluriel. En 1815, il veut éditer un dictionnaire et une grammaire copte, mais ses travaux ne sont pas encore acceptés par l’Institut. Son frère Jacques-Joseph devenu secrétaire de Napoléon plaide sa cause, mais la défaite de Waterloo et la chute de l’Empire obligent les frères à quitter Grenoble.

A Paris il se consacre au déchiffrement des hiéroglyphes et en 1821 les travaux de Jean-François Champollion prennent un tour décisif : il déchiffre le nom de Ptolémée inscrit sur le cartouche, il dresse un tableau des correspondances entre signes hiéroglyphes et hiératiques. Sur l’obélisque de Philae, il reconnaît le nom de Cléopâtre, il retrouve ainsi les valeurs alphabétiques des 11 signes : 7 rendent des consonnes, 4 des voyelles.

Les Hiéroglyphes

Stèle de Nèfertiabet, bas-relief Gizeh (2590 avant JC) – Musée du Louvre

Cependant, en comptant les 1419 signes de la pierre de Rosette, pour rendre les 486 mots grecs, il déduit que les hiéroglyphes ne pouvaient transcrire uniquement des mots. En comparant des relevés provenant d’Abou Simbel, du temple de Ramsès II et du temple de Amada en Nubie, il arrive à la conclusion que l’écriture est à la fois symbolique, figurative et alphabétique dans un même texte, une même phrase ou un même mot.

Le 27 septembre 1822, Champollion fait l’exposé de ses découverte à l’Académie réunie en assemblée extraordinaire. En 1823 il publie son Panthéon égyptien, puis un an plus tard Le précis du système hiéroglyphique des Anciens Egyptiens.

En 1824 il part pour un long périple en Italie, où il étudie dans tous les musées et les bibliothèques, les papyrus, les obélisques et collections rapportées de l’expédition de Bonaparte. A la demande de Champollion, le roi Charles X achète la collection d’antiquités égyptiennes du consul Henry Salt.

En 1826 il est nommé conservateur de la section égyptienne du Musée du Louvre, et il assure un cours public et gratuit d’archéologie. En 1827, Champollion embarque enfin vers la Vallée du Nil pour un voyage de dix-huit mois. Il reviendra avec des masses de notes, documents, textes et récits.

En 1826, Champollion est nommé conservateur du département d’égyptologie du musée du Louvre. En 1827, Champollion embarque enfin vers la Vallée du Nil pour un voyage de dix-huit mois. Il reviendra avec des masses de notes, documents, textes et récits.

A son retour en 1830, il est élu à l’Académie des inscriptions et Belles Lettres et reçoit en 1831 la chaire d’égyptologie créée pour lui au Collège de France. Il fait paraître quatre volumes de dessins relevés et croquis Ls monuments d’Egypte et de Nubie. Il écrit sa Grammaire égyptienne et son Dictionnaire égyptien, mais meurt à 42 ans, le 4 mars 1832 d’une attaque d’apoplexie sans avoir pu l’éditer.

Son frère Jacques-Joseph se charge d’éditer la Grammaire égyptienne en 1836, le Dictionnaire égyptien en écriture hiéroglyphique et les monuments de l’Egypte et de la Nubie en 1841. A son tour il meurt en 1867.

François de Salignac de Lamothe-Fénelon

François de Salignac de Lamothe-Fénelon dit FÉNELON, prélat et écrivain français est né au château de Sainte-Mondane en Dordogne (alors paroisse du diocèse de Cahors)  en 1651.

Philosophe, poète, évêque, il a laissé cinquante-cinq ouvrages, dont deux au moins le placent au premier rang de nos gloires littéraires.

A l’âge de douze ans, il vient suivre des cours à l’Université de Cahors. Après des études de belles-lettres et de philosophie, il se rend à Paris en 1665, pour achever plus rapidement sa formation.

Éprouvant un vif désir d’entrer dans la carrière ecclésiastique, il choisit de continuer ses études au séminaire de Saint-Sulpice. Il est ordonné prêtre à Sarlat le 17 avril 1677. (La lettre d’ordination est signée François, évêque de Sarlat).

Son goût passionné pour l’éloquence, le porte à devenir bientôt le prédicateur du jour. Tout en s’attirant l’admiration d’un public, il acquiert de nouveaux titres à l’estime de ses supérieurs. L’archevêque de Paris le nomme, en 1678, directeur des Nouvelles Catholiques, institution destinée à la rééducation de jeunes filles protestantes converties au catholicisme.

Protégé de Bossuet, doté d’une grande habilité dialectique, il commence à écrire quelques traités, comme les Dialogues sur l’éloquence en 1681 Il écrit en 1687 son Traité de l’éducation des filles, pour les huit filles du duc de Beauvilliers, dans lequel il professe des idées pédagogiques très modernes par leur tolérance. Cet écrit attire sur lui les regards du Roi : en 1689, Louis XIV, poussé par des courtisans amis de Fénelon, nomme ce dernier précepteur de ses petits fils, le Duc de Bourgogne et le Duc de Berry.

Fénelon rentre à l’Académie française en 1693. C’est dans cette intention de « perfectionner l’âme des princes » qu’il écrira son : Abrégé de l’histoire des anciens philosophes et ses Dialogues des morts (publié en 1712).

Louis XIV le nomme archevêque de Cambrai. En 1697, dans son ouvrage L’explication des Maximes des Saints, il défend le quiétisme contre Bossuet. Les deux grands prélats, naguère amis, se livrent désormais des combats théologiques.

Les Aventures de Télémaque (publiées en 1699), déplurent à Louis XIV qui, se déclarant pour Bossuet, exile Fénelon de sa Cour, le prive de ses titres et pensions, et sollicite la condamnation de son livre auprès du pape Innocent XII. L’ouvrage est en effet condamné en 1699, mais les raisons de cette condamnation ne sont pas toutes religieuses, les vues politiques très avancées de Fénelon y sont sûrement aussi pour beaucoup.

Le roi n’aime pas Fénelon qui écrit des ouvrages où il montre qu’il espère voir réformer le gouvernement de la France. Il meurt dans son diocèse de Cambrai en 1715.

Complément sur la vie de Fénelon (article signé André Décup, La Vie Quercynoise 8 juin 2023, p. 41

Jean-Baptiste Bessières

Jean-Baptiste BESSIÈRES,
maréchal de France, duc d’Istrie
Prayssac, 1768 – Rippach (Saxe), 1813

Jean-Baptiste Bessières est né à Prayssac le 6 août 1768. Après des études au Collège royal de Cahors, où il est très bien noté, il se destine à faire des études de médecine à Montpellier, pour succéder à son père dans sa charge de chirurgien-barbier.

Mais sa famille étant subitement ruinée, le jeune Jean-Baptiste reste à Prayssac où il s’initie au métier avec son père.

Envoyé par ses concitoyens dans la garde constitutionnelle de Louis XVI en 1791, garde à cheval en avril 1792, licencié le 5 juin, entré dans la légion des Pyrénées, devenue le 22ème Régiment de chasseurs à cheval, le 1er novembre 1792, il connaît un avancement qui n’a rien de vertigineux surtout pour un garçon instruit.

A l’armée des Pyrénées, il gagne ses grades de lieutenant et de capitaine avant de passer en Italie et de servir sous Bonaparte comme commandant des guides. D’une très grande bravoure, il est plusieurs fois cité pour ses exploits.

C’est la campagne d’Italie qui va le mettre en pleine valeur : un rare coup de main devant Crémone le signale à l’attention du général en chef Napoléon-Bonaparte qu’il ne quittera plus guère et qui lui donne à former, organiser, commander la Compagnie des Guides (qui deviendra la Garde Impériale). Chef de brigade le 9 mars 1798, Bessières fait merveille en Égypte, où il participe avec Murat et Lannes à la victoire d’Aboukir.. Bonaparte l’emmène avec lui lorsqu’il quitte l’Égypte en catimini.

Lors du coup d’État de Brumaire, tandis que Murat chasse les députés, Bessières assure la protection de Bonaparte. Murat comme Bessières sont originaires du Lot, mais de tempérament opposé, Murat hâbleur et fonceur, Bessières taciturne et réfléchi, tous deux d’un égal courage.

L’inimitié entre ces « pays » si différents se renforcera lors du mariage de Caroline Bonaparte, Bessières ayant soutenu la candidature malheureuse de Lannes contre Murat. Nommé commandant des grenadiers à cheval de la garde consulaire, Bessières charge à Marengo. Promu général de brigade un mois plus tard, général de division en 1802, fait maréchal d’Empire le 19 mai 1804, le même jour que Murat ; en 1805, Bessières marche sur l’Autriche à la tête de la cavalerie de la garde impériale.

Sa charge à Austerlitz est un des temps forts de la bataille. A Eylau, c’est encore son intervention et celle de Murat qui emportent la victoire. En 1808, Bessières part pour l’Espagne et gagne la bataille de Medina del Rio Seco (14 juillet 1808). Rappelé par l’Empereur pour la guerre contre l’Autriche, il écrase la cavalerie ennemie à Landshut (21 avril 1809).

A Wagram, son cheval est fauché par un boulet. Duc d’Istrie depuis mai 1809, il passe quelques mois en Espagne en 1811. A la tête de la cavalerie de la garde impériale. Il fait la campagne de Russie. Son principal fait d’armes est le dégagement du quartier général de l’Empereur, attaqué par 8 000 cosaques à Maloiaroslavets, les 24-25 octobre 1812.

Quand débute la campagne de Saxe en 1813, l’Empereur lui confie toute la cavalerie de l’armée, mais Bessières est tué parmi les premiers près de Weissenfells, le 1er mai 1813 par un boulet de canon, lors d’une reconnaissance la veille de la bataille de Lützen. Son nom est inscrit sur l’arc de triomphe de l’Etoile, sur le coté est.

Bessières a été un des plus habiles lieutenants de Napoléon, un homme de guerre de premier ordre, doté d’une probité et d’un dévouement rares.

D’après Sophie Villes :
« La Mémoire Vive ou l’histoire du Collège Gambetta et de ses grands hommes« , 1998 (PAE Collège Gambetta, Cahors)

Costard trois pièces

Costard trois pièces

par Bernard Davidou

C’était au temps ou l’informatique était un art pratiqué par des hommes qui connaissaient l’ordinateur qu’ils utilisaient dans ses moindres recoins. Certains étaient de vrais artistes qui se passionnaient pour leur machine et étaient capables d’accéder aux endroits les plus protégés du logiciel de base que le constructeur livrait avec celle-ci et qui s’appelle le système d’exploitation.

Ils étaient amoureux de leur « bécane » au point que quelques extrémistes passionnés du « bit » (binary digit pour les spécialistes) préférèrent divorcer que renoncer à passer leurs nuits à mettre au point des programmes, dans l’ambiance climatisée de la salle machine, bercés par le ronronnement de l’imprimante ou du lecteur de cartes perforées.

Il y avait, au début des années soixante-dix, à Rodez, un directeur d’une administration qui, tardivement, contracta ce virus.

Au terme de brillantes études de droit, il avait obtenu son doctorat avec félicitations. Au moment de rentrer dans la vie active, il aurait préféré faire de la poésie ou bien approfondir la connaissance qu’il avait déjà acquise de l’occitan. Les nécessités de la vie matérielle et les mondanités coûteuses de sa femme l’obligèrent à y renoncer. Il devint fonctionnaire ce qui lui permit de gagner correctement sa vie tout en préservant du temps libre pour l’une et l’autre de ses passions. Après quelques années horribles à Paris, il eut enfin l’opportunité de revenir dans son Rouergue natal avec le titre envié de directeur pour le département de l’Aveyron.

Il accueillit le premier ordinateur dans son service avec scepticisme. Après quelques mois il en reconnaissait l’intérêt pour produire plus vite et plus sûrement les divers documents, tableaux croisés et statistiques que ses subordonnés devaient fabriquer sous sa responsabilité. Bien que littéraire et donc plus enclin à la rêverie qu’à la rigueur nécessaire à ces machines, il était cependant tenté de chercher à comprendre son fonctionnement. C’est lorsqu’il reçut son IBM Série3 qu’il décida de voir comment ça marchait.

La machine avait été livrée, installé et mise en route par un jeune ingénieur technico-commercial frais émoulu d’une école renommée et du centre de formation d’IBM. Cheveux courts, sourire perpétuel, ni barbe ni moustache et l’obligatoire costume trois pièces cravate étaient les standards de présentation de ces promotions de jeunes. Ils rentraient à vingt trois ans, après une sévère sélection sur tests et entretiens, chez le premier constructeur d’ordinateurs au monde, à cette époque, comme on rentre en religion. Ils avaient foi en leur entreprise, persuadés d’être l’élite et assurés d’y passer toute leur vie professionnelle. Celle-ci en salaire et primes diverses, savait récompenser leur dévouement mieux que tous les autres employeurs.

Basé à Toulouse, rue Bayard ou était installé la direction régionale d’IBM, non loin des locaux de « La Dépêche », qui l’une et l’autre ont déménagé depuis vers les zones « high-tech », Christian TAURINES-PONCHARD, vivait mal son premier poste d’ingénieur technico-commercial au fond de notre province. Il attendait avec impatience que la direction du personnel lui accorde la mutation au siége parisien afin qu’il puisse enfin assouvir son immense ambition. N’aimant pas la campagne, il avait hâte de retrouver son appartement du 16ième arrondissement. Il était mal à l’aise avec ce directeur, que l’on disait très brillant et qui citait ses classiques ou bien déplaçait un rendez-vous au prétexte que ce jour-là « il tuait le cochon » et n’était pas disponible.

Le directeur était amusé par ce jeune qui avait l’age de sa fille et il l’invita à déjeuner au restaurant de « la tour mage » en lui disant : « Nous sommes en Occitanie ici et je vais vous prouver qu’on y mange aussi bien qu’en France » . Lorsqu’ils furent installés, dans cette maison réputée, sous le clocher de la cathédrale, il le fit parler. Après avoir avalé sans lui prêter attention un magnifique tripoux rouergat arrosé d’un somptueux vin de Cahors « domaine Eugénie », il dit son ambition et sa foi dans son employeur. Il conclut en disant « nous sommes le plus grand constructeur d’ordinateurs car nous sommes les meilleurs, vous avez fait le meilleur choix possible et IBM ne laisse jamais son client en panne ». Bercé par le ronronnement du ventilateur et déjà sous le charme de la digestion qui commençait, aux frais de l’administration, le directeur suivait avec amusement son discours.

Après le café, il continua en expliquant que, pour des raisons de rapidité, le tutoiement était de rigueur entre collègues même ne se connaissant pas. Il décrivit comment chaque agent était nommé, en abrégé par un « trigramme ». Cette habitude, souvent utilisée par les entreprises anglo-saxonnes, consistait à prendre la première lettre du prénom, la première et la dernière du nom lorsqu’il est simple ou la première lettre des deux premiers noms lorsqu’il est composé comme le sien: Ainsi, Christian TAURINES-PONCHARD, était-il désigné par CTP dans toutes les notes, documents ou compte-rendus qui le concernaient.

Le directeur avait l’habitude de rester tard le soir à son bureau. Dans la quiétude enfin retrouvée des grands bâtiments de la cité administrative déserte, il signait son courrier, préparait la journée suivante ou … relisait ses classiques et rêvait.

Ce soir-là, après le départ de ses subordonnés et du jeune ingénieur, il se remémorait avec délectation le tripoux et le discours de Christian avec amusement. Il se promit de vérifier si le mot « trigramme » existait dans le dictionnaire. Au fait, pensa-t-il subitement CTP, … CTP …, Christian ? ? ?, il n’arrivait plus à retrouver les deux noms accolés qui indiquaient une naissance bourgeoise. Il se souvenait simplement que le premier nom était d’origine terrienne et vraisemblablement rouergate ou quercynoise. Soudain un éclat de rire muet le secoua : CTP, CTP … Costard-Trois-Pièces, c’était amusant !

Il se ressaisit en pensant qu’il n’était pas très charitable envers ce jeune. Il décida que, vu l’écart d’age, il pourrait toujours se permettre de l’appeler Christian s’il ne retrouvait pas sa carte de visite.

Il ouvrit le manuel d’auto-formation à l’IBM série 3 en version anglaise, qu’il lui avait discrètement subtilisé et commença à l’étudier.

Comme prévu par le contrat de location de l’ordinateur, Christian passait une journée par mois, à Rodez, dans son service. Il consacrait la matinée à étudier la liste des anomalies de fonctionnement que la machine avait détectées et répertoriées dans sa mémoire. Il faisait ensuite les ajouts, modifications et améliorations du logiciel que , quelque part dans le monde, la compagnie avait décidé pour tous les ordinateurs du même type . Puis il lançait les programmes de test des différentes fonctions et organes périphériques. Invariablement, le système lui répondait le message en anglais qu’il attendait et Christian notait dans la « check-list » la conformité constatée. Vers midi le directeur venait s’assurer que tout allait bien et très souvent, quand son agenda le permettait, l’emmenait découvrir un nouveau restaurant ou une nouvelle spécialité. L’après-midi était réservée à l’assistance des programmeurs à qui il apprenait les astuces techniques et … les incitait à faire le plus de choses compliquées possible afin de saturer la machine et obliger ainsi son client à passer au modèle au-dessus.

Au bout de deux mois le directeur avait fini son auto-formation et savait réaliser des programmes et accéder à tous les recoins de la mémoire de la machine. Il lisait le binaire dans le texte. Après deux mois de plus et quelques nuit de travail, il pensait comme la machine, en binaire et était capable d’anticiper son comportement. Il ne disait rien de sa nouvelle passion. Ses informaticiens, qui soupçonnaient quelque chose, comprirent lorsqu’ après la compilation d’un programme, alors qu’ils attendaient le message anglais habituel « End of Compile OK », ils virent arriver « es acabat tant millour ». L’histoire fit le tour du service : Le Directeur avait « cassé » le compilateur. Il avait pénétré le saint des saints de la machine et avait changé le message anglais d’origine par celui en occitan qui signifiait que l’opération de compilation était terminée et que l’on pouvait s’en réjouir. Il avait réussi son coup la nuit précédente, à minuit vingt exactement, et, très fier de son exploit, caressé les boutons du pupitre de commande de la bête. Celle-ci, domptée, vaincue, avait répondu par une rafale de clignotements de son voyant lumineux « power on » puis s’était assoupie au pied de son maître.

Désormais les programmeurs ne disaient plus « Mon programme est compilé » mais « Mon programme es acabat » aussi naturellement qu’ils se disaient « Adiou » en se quittant le soir.

Lorsque Christian revint pour la prochaine maintenance, il posa sa mallette « Sansonnite » et sa montre « Seiko Quartz » sur la tablette du pupitre de l’ordinateur et ouvrit son stylo « Mont-Blanc ». Il déroula les divers contrôles prévus. Comme d’habitude, excepté pour le café de dix heures, personne ne vint le déranger. A midi trente il semblait soucieux et conversait depuis une demi heure déjà au téléphone. Ce jour-là, le directeur avait décidé de s’offrir un nouveau « tripoux rouergat », et était impatient d’aller déjeuner. A treize heures, redoutant que le restaurateur ait épuisé le plat, il ouvrit la porte de la petite salle machine et considéra la mine défaite de Christian :

– « Enfin que se passe-t-il, vous avez l’air d’avoir un sérieux problème ! »

– « En effet, Monsieur le directeur, j’ai un message inconnu. J’ai mis l’assistance technique de Paris sur le coup et on interroge les américains. Avec le décalage horaire ils dorment mais on est allé les réveiller».

Chaussant ses grosses lunettes le directeur regarda par-dessus l’épaule du jeune homme et sourit en reconnaissant son œuvre.

Il se mit au pupitre de l’ordinateur et en trois opérations rapides rétablit la situation.

Majestueusement il rangea les lunettes dans leur étui et lança à la secrétaire qui grignotait du bout de ses petits doigts aux ongles outrageusement peints sa salade dans une barquette translucide :

– « Sylvie, quand ces messieurs d’IBM Paris rappelleront, dites leur que le problème est résolu grâce à CTP. Notez bien s’il vous plait : C comme Christian, T comme TAURINES et P comme PONCHARD. Dites aussi que pour le remercier je l’emmène déjeuner ».

Puis se tournant en souriant vers le jeune et talentueux ingénieur il ajouta:

– « Mon cher Christian j’ai noté que vous aviez aimé notre tripoux rouergat, allons voir à la tour mage s’ils l’ont réussi aujourd’hui. »

Il était treize heures trente et, journée continue oblige, les salariés revenaient de la cafétéria. En croisant les deux retardataires dans le couloir ils se dirent que l’après midi risquait d’être courte car le Directeur avait un repas d’affaire dont la conclusion devait être bien engagée en faveur de l’administration, car il était hilare.

Bernard DAVIDOU (réécrit en 06/2004, premier texte en 93)

Je dédie cet amusement à mon ami Jacques F., éminent spécialiste de l’ IBM 38, quand nous étions jeunes ! !

Le martien

Le martien de la combe de la croix
par Bernard Davidou

Parfois, les soirs d’été après le repas, je prends ma canne et je me laisse porter par mes pas. Tout en remuant les pensées de la semaine, je rends visite à mes amis les chênes, j’écoute le vent et essaye de surprendre les biches ou sangliers qui sont très nombreux dans nos bois.

Je devine sous le tapis végétal, les traces de nos prédécesseurs, murettes, gariottes ou chemins abandonnés, pampres attestant la présence d’une ancienne vigne et j’imagine les hommes qui depuis les soldats sur la voie romaine à nos jours se sont succédés sur cette terre ingrate où je suis né et je retournerai.

Un jour mes pas me conduisirent dans la combe de la croix (sur la commune de Calamane) où je m’assis sur une souche pour profiter des dernières couleurs du ciel. Devant moi s’étendait une petite clairière.

Tout était calme et le jour finissait doucement, me permettant de retrouver l’équilibre après une semaine dans la fébrilité de Toulouse. Dans le cours de ma rêverie je me remémorais les propos de mon ami Daniel à qui j’avais fait lire quelques jours auparavant une de ces petites histoires où, sur une page maximum, je raconte un souvenir ou invente une histoire autour de celui-ci.

« C’est bien toi ! Tu es toujours tourné vers le passé de ton village natal. » Je n’ai jamais eu d’autre ambition ce faisant, que de m’évader d’un « comité stratégique de direction » ou d’une réunion de type « brain storming » décidée par le président sur le conseil cher payé d’un consultant, (comme Daniel), extérieur à l’entreprise qui avait la faveur très éphémère du précédent.

Cependant, Daniel avait raison et comme je regrettais de ne pas être né plus tard, au cœur d’une ville tentaculaire, dans un appartement aseptisé et ripoliné et une famille sans passé, ne faisant aucun cas de ces absurdités. La vie eut été plus simple, je n’aurais eu que l’avenir à assumer.

J’en étais là de mes pensées lorsque je pris conscience de sa présence attentive mais discrète. Il m’observait sans bouger depuis quelque temps certainement, car les grillons et les oiseaux dont j’avais inconsciemment noté le silence subit peu de temps auparavant avaient repris leurs chants.

C’était un petit homme vert de la tête aux pieds, affublé d’une antenne sur le casque et d’un giro-phare que – me dit-il plus tard – les règles de la politesse martienne obligent à éteindre quand on veut engager la conversation.

Nous nous saluâmes fort civilement et je l’invitai à prendre place à côté de moi sur mon tronc d’agar. Après quelques banalités sur le temps sur terre, la dernière histoire de Bouvard aux grosses têtes, il me demanda de reprendre le cours de mes réflexions qu’il avait suivi car il accédait sans peine à la longueur d’onde de celles-ci, comme celles de tous les autres humains: Il avait été programmé pour cela avant son départ de sa base cosmique, (baptisée «Aldous Huxley » en hommage à notre écrivain visionnaire,) dont il me montra la direction dans le ciel.

Peu soucieux de trouver un allié à Daniel et un second détracteur de mes rêveries, je refusai de les poursuivre et lui demandai de me parler de lui et de ses souvenirs de jeunesse.

Il se figea dans un garde-à-vous impeccable et éructa une bordée de x d’y de z et de t suivie d’un numéro qui correspond à son nom mais contient aussi toute l’information utile pour le joindre et le réparer quand c’est nécessaire. Il me parla un peu de sa naissance qui résultait d’une manipulation de cellules « in vitro » dans le laboratoire central (1), mais fût incapable de m’en dire plus sur ce qu’avait été son enfance ou l’histoire de sa famille.

Il semblait gêné d’aborder ce sujet, comme s’il était obscène ou injurieux d’évoquer tout ce qui a trait à la mémoire. Pressé par mes questions, je compris par ses réponses que le mot « mémoire » n’avait pas, chez lui, le sens que nous lui donnons. Il s’agissait pour lui d’un terme technique qui désignait l’information que le laboratoire central installait dans chaque individu. Celle-ci était limitée au strict nécessaire pour le bon fonctionnement de la machine ultra-sophistiquée qu’il était.

Je n’insistai pas sur ce sujet. Après un moment de silence qui nous permit d’apprécier la féerie du crépuscule qui s’installait, il en vint à ce qui était son objectif en venant vers moi. Peu de temps auparavant, sur ordre du grand ordonnateur d’Huxley, il avait récupéré deux de nos compatriotes « le bombé » et «le glaude », afin de produire sur sa planète la fameuse soupe aux choux décrite par René Fallet.

Sa seconde mission, aujourd’hui, consistait à trouver la boisson qui serait digne d’accompagner ce plat qui, depuis lors, faisait fureur sur mars. Sans hésiter et avec le prosélytisme que j’ai toujours manifesté pour notre noble breuvage, je lui suggérai le vin de Cahors. Je lui conseillai aussi, pour les soifs d’entre les repas, un fond de verre de cet excellent « ratafia » que fabrique mon Beau-Frère, René.

Malgré le nombre respectable de méga-hertz de son unité centrale il eut du mal à prononcer correctement ce mot et s’amusait à le répéter comme un parisien en vacances chez nous. Il voulut goûter l’un puis l’autre puis l’un puis recommencer revenant sur le premier et ne souvenant plus du second qu’il fallait regoûter…

Verre après verre, il appréciait de plus en plus les deux nectars. Il avait du mal à comprendre comment, des terriens aussi en retard sur le plan technique, avaient acquis une avance aussi considérable dans ce domaine œnologique précis. Je lui expliquai le long travail de mémoire qui, depuis Noé, l’antiquité, les romains, le bon roi Henri, jusqu’à mon oncle Robert et maintenant son fils, avait abouti au produit parfait qu’il appréciait tant et qui pouvait accompagner la fameuse soupe aux choux pour laquelle René Fallet avait oublié d’indiquer la boisson.

La nuit avançait, les merles s’étaient tus et les hauteurs de Saint-Pierre LaFeuille, à l’est, commençaient à rosir. Il décida de repartir en emportant une de mes bouteilles « Domaine des Tilleuls 1985 » qui fait l’orgueil de mon Tonton et la joie de son neveu.

Je l’accompagnai jusqu’à sa soucoupe qui, malgré l’aube naissante, illuminait toute la clairière. Après un dernier signe d’adieu de son bras manipulateur robotisé, il mit le contact, tira sur le démarreur, tira sur le démarreur, … tira sur le démarreur, … agita ses antennes avec colère et dit quelque chose que je ne compris pas mais qui ne devait pas être très joli, … tira à nouveau sur le démarreur … mais rien ne vint.

Alors, et là Daniel ne me croira pas quand il me lira, mais je jure que c’est la vérité : M’arc-boutant sur le tronc d’Agar, sur les pampres de vigne et sur la gariotte en ruine, j’ai poussé son magnifique vaisseau jusqu’à ce qu’il démarre enfin dans un énorme nuage bleuté d’ozone malodorant.

Depuis cette soirée, je n’ai pas revu mon martien. Je sais qu’il reviendras’approvisionner (celui qui a goûté à nos produits ne peut pas les oublier) et que je ne le suivrai pas puisque les vignes sont dans les environs de Cahors et pas ailleurs. Je regarde souvent le ciel étoilé en pensant à lui et certains soirs il me semble y voir un point vert qui scintille.

(1) L.C.A.H.F.T. Laboratoire Central d’Approvisionnement en Humanoïdes à Flux Tendu (« just in time » pour ceux qui préfèrent)

PS : Je dédie cet amusement à Daniel SANSEIGNE, Consultant en Knowledge Management, spécialiste de la mémoire des entreprises. Avec mes amitiés. Par ailleurs, Daniel, diplômé des Eaux et Forêts est un éminent amateur de « ratafia ».

Bernard DAVIDOU Juillet 200

Le viaduc de Calamane

C’est en 1881 que commença la construction de notre viaduc.

Lors des études, avant les travaux, le projet ne semblait présenter ni plus ni moins de difficultés que ses onze frères qui étaient prévus de Cahors à Brive. Sa hauteur, de vingt et un mètres et sa longueur de cent huit mètres en faisaient un ouvrage très accessible aux techniques de l’époque.

Les travaux commencèrent par les piles extrêmes, des deux côtés de la vallée, qui furent établies facilement, à sec, sur le rocher. Il n’en alla pas de même lorsqu’on arriva aux piles centrales et les fouilles révélèrent l’absence de rocher bien qu’on soit descendu, par sondage, à dix-huit mètres. A la place du socle dur attendu, on s’aperçut que la vallée, qui résulte d’un plissement très obtus (dû selon les savants à un cataclysme géologique) a été remplie de blocs de calcaire noyés dans l’argile déposée par le ruisseau de Reignac.

A ce stade, on ne pensait pas pouvoir continuer l’ouvrage comme il avait été commencé. Les travaux furent interrompus en 1883 et trois projets étudiés pour combler le vide laissé au centre: Une poutre métallique droite, un arc métallique incurvé et un remblai de terre incurvé.

Si l’on peut retrouver facilement la preuve de ce qui précède, il n’en est pas de même de ce qui suit qui m’a été raconté par les anciens dans ma jeunesse.

Il semble que le projet de remblai, qui aurait défiguré le village, ait soulevé l’unanimité de nos prédécesseurs contre lui.

Que l’on s’imagine le chantier et l’état du village: Des ouvriers partaient dès l’aurore des villages voisins (Caillac, Crayssac, Saint-Pierre …) pour venir travailler à Calamane où des commerces s’étaient créés: restaurants, buvettes, artisans… Cet apport de population entraînait une effervescence inhabituelle dans le bourg et tout le monde disait du mal du projet de remblai.

En ces temps-là vivait dans l’actuelle maison Serres, un homme que l’on voyait toujours en haut de forme et médecin de son état: Monsieur Valette. Le Docteur, cousin de la femme de Gambetta, avait de plus usé ses fonds de pantalons avec ce dernier sur les bancs de l’école qui maintenant porte son nom.

Monsieur Valette partît donc à Paris – avec une barrique de bon vin selon les uns, après avoir juré de renoncer à son nom si le talus se faisait selon les autres – plaider auprès de son ami devenu président du conseil (1881-1882) la cause de notre viaduc.

Les travaux reprirent en 1887. Les piles centrales furent enchâssées dans du béton d’une largeur suffisante. La ligne Cahors-Brive fut mise en service le seize juin 1889.

L’ouvrage avait coûté six cent trente huit mille francs d’alors pour vingt deux mille six cent mètres cubes de maçonnerie. La charge à l’essieu qui était de dix tonnes en 1889 a été doublée pour répondre aux besoins actuels de la ligne sans que notre viaduc en paraisse affecté.

Reconnaissez qu’après une récente restauration, bien que conçu sans l’aide de l’ordinateur, le viaduc, plus que centenaire, se porte bien.

Bernard DAVIDOU 1998

Le miracle de Berthot

par Bernard Davidou

Cette histoire m’a été racontée par mon père qui la tenait du sien. Notre lignée (je n’aime pas ce mot que les hommes de notre contrée emploient dans leur patois avec le sens de bois coupé pour aller au feu), franchit les millénaires en deux ou trois générations, mais nous avons l’habitude de compter les années, comme le font les humains, depuis la naissance du Christ.

Vous noterez que pour eux, il faut plus de trente générations pour un millénaire. Pour cette raison cette histoire s’est perdue dans leur souvenir. Je vais donc vous la restituer.

C’était au cours des années qui ont précédé l’an mille. Mon Grand-Père s’était pris d’amitié et de compassion pour un vieil homme qui vivait sur le causse de Calamane, non loin de notre terre de Berthot.

Il avait l’habitude d’écouter et observer la nature et appris ainsi le langage des végétaux et des animaux. Il avait avec mon aïeul, les soirs d’hiver, de longues conversations silencieuses empreintes de cette sagesse qui nous est naturelle, mais qui, disait mon ancêtre, est exceptionnelle chez les humains.

Peu avant l’an mille, les hommes avaient, à Paris, un roi qui s’appelait Robert II. Il était fils et successeur de Hugues CAPET fondateur de la dynastie. Malgré sa grande piété, il s’était mis en tête de divorcer de la belle Rozala, fille de Béranger roi d’Italie, pour épouser sa cousine Berthe veuve d’un petit comte de province (dont il était fort épris malgré ses grands pieds).

Bien que son comportement et son assiduité aux offices lui aient valu le surnom de  » Robert le pieux « , il aimait la compagnie des filles. Il se maria une troisième fois quelques années plus tard. Le pape menaçait Robert d’excommunication (ce qu’il se résolut à faire finalement) et l’affaire, avec l’anarchie dans laquelle se trouvait le royaume et la réputation de fainéantise que s’étaient forgé les rois précédents, occupait les conversations des hommes de toutes conditions.

A cette époque, où les rares et courtes périodes de paix et de relative prospérité alternaient avec la barbarie de la guerre, les famines ou les épidémies, tout était sujet de pessimisme et raison de désespérer pour le vieillard qui, de plus ayant perdu ses enfants en bas age, était persuadé que tous ces signes annonçaient avec la fin du millénaire, celle de son espèce et des temps. Cet avis, disait-il, était partagé par ses semblables qui déploraient, eux aussi, le relâchement général des mœurs et de la religion.

Nous avions encore, en cette fin du premier millénaire, la suprématie sur la forêt qui s’étendait sur la presque totalité du royaume. Le  » Mas del Leu  » était habité par des loups qui lui avaient donné son nom. Des moines avaient repris une vieille villa gallo-romaine à  » Bouydou  » et s’occupaient à reconstruire et défricher, abattant à grands cris nos cousins issus des glands que les animaux avaient disséminés aux quatre coins du causse. La cloche de leur chapelle égrenait les heures de la journée.

La beauté de cette nature presque vierge que le soleil réinventait chaque matin, le travail des hommes et leurs efforts pour coloniser cette terre qui leur était destinée depuis la bible, tout était pour mon grand-père motif de joie, d’émerveillement et de confiance.

L’homme l’écoutait poliment sans le croire ou partager son assurance dans l’avenir.

Au fil des jours, il espaça ses visites , les rhumatismes, la vieillesse l’empêchaient de rendre visite plus souvent à son ami. Puis il ne vint plus et le glas de Calamane porté par le vent mauvais du nord renseigna mon grand-père sur les raisons de son absence.

Mon aïeul resta seul, pleurant son ami de toutes ses feuilles. L’an mille tant redouté vint puis disparut et avec lui les terreurs des hommes. Le défrichement timidement engagé s’amplifia, les terres vierges mises en culture, les nouvelles techniques d’assolement triennal, d’attelage par joug frontal permirent le développement de la population. Les hommes oublièrent la terreur de l’an mille.

Peu après on vit s’installer à Berthot un jeune couple avec un petit prince blond comme le blé qui désormais remplaçait la broussaille et les bois.

Le vieillard avait eu tort de penser que le temps allait s’arrêter et qu’il n’aurait pas de succession. Les hommes, dés qu’ils eurent repris espoir perdirent l’habitude de parler aux chênes, mais nous continuons à les observer et les aimer.

Si l’an deux mille ou Internet vous font peur, retrouvez notre langage, venez me voir, je vous l’apprendrai : Je suis le gros chêne de Bayonnet sur le bord du plateau. Je vous connais tous, le soir je contemple les lumières de vos maisons du haut de Calamane mais aussi des villages environnants que sont Espère, Mercués, Douelle, Caillac ou Saint-Henri, Saint Pierre la Feuille …. (en étirant beaucoup mes plus hautes branches j’arrive à voir le bourg de Calamane et Nuzéjouls).

Venez vous asseoir entre mes racines, je vous apprendrai l’optimisme.

PS : Je dédie ce texte à Claudine, Jean-Pierre et leur petit prince blond.

Bernard DAVIDOU 6 décembre 1999

Le voyage

Le Voyage

par Philippe Desjeux    Extrait …

Il avait été prévu de quitter le Val de Loire pour rejoindre le Quercy et de passer quelques jours dans la propriété dont Flavien avait hérité des ses parents dans le Lot.

Après Brive et Martel, après le passage de la Dordogne à Montvalent la route remonte sur le causse de Rocamadour, traversant des étendues caillouteuses, plus ou moins désertiques, parsemées de loin en loin de bouquets de genévriers autour desquels poussent seulement quelques herbes rares. Et puis, tout d’un seul coup, en arrivant à Alvignac, le paysage change.

On quitte le causse pour rentrer dans la Limargue, cette bande de terre fertile et verte, qui s’étend au nord, de Rocamadour à Saint Céré, en passant par Padirac. La coupure d’avec le causse est très brusque, mais, néanmoins, les habitudes de vie, de l’un ou l’autre coté, ne diffèrent guère. Le sentiment d’appartenance à une région bien déterminée ne touche pas les autochtones. Pourtant les familles ne sont pas dispersées. Elles vivent depuis toujours dans les mêmes lieux, sur les mêmes terres, enracinées.

En fin d’après midi, après avoir traversé cette bande de terre fertile, ils arrivèrent de nouveau dans le causse, de l’autre coté de Gramat, à Lunegarde.

C’est là que Flavien avait sa propriété, un manoir du XVIII ème siècle, carré, trapu, avec une cour intérieure marquée en son milieu par un puits à qui l’on avait gardé son caractère un peu vieillot.

La maison, couverte de lierre, dans le style des maisons quercynoises, au toit de tuiles vieillies, était flanquée à l’ouest d’une tour carrée, qui, sans doute jadis avait servi de pigeonnier, mais où une vaste chambre confortable avait été aménagée. La vue par les fenêtres qui donnaient sur le causse portait au loin jusqu’à la braunhie, cette forêt de petits chênes rabougris, dans laquelle les promeneurs non initiés pouvaient se perdre.

Cette maison, le manoir de Tartadelle, avait été la propriété des parents de Flavien après la guerre de 1914. Son père l’avait restaurée avec soins ; sa position en dehors du village de Lunegarde l’avait séduit. Isolée, sans maisons voisines que l’on pouvait voir, elle était entourée d’une trentaine d’hectares de cailloux et de landes, où seule, sur une petite colline, avait été plantée une vigne rabougrie, qui à l’époque de son acquisition donnait un mauvais vin, proche d’une amère piquette. Depuis, le travail, le savoir-faire de son père, lui avait permis en quelques années de produire un vin très buvable. La rentabilité qui couvrait les frais de cette propriété était assurée par un troupeau de moutons aux yeux noirs qui font la renommée des moutons du Quercy.

Flavien était né dans cette maison et gardait pour elle une très grande tendresse. Il y avait passé naturellement sa plus petite enfance, un peu en sauvageon courant dans les bois, libre de toutes contraintes, autres que d’être à la maison aux heures des repas, signalées un quart d’heure avant par une sonnerie de la cloche qui avait toujours eu un son particulier dû au fait qu’elle avait été fêlée un jour par le gel d’un hiver rigoureux. Et puis un second appel signalait qu’il fallait se mettre à table, les mains propres.

– Mon père, dit Flavien, avait sa place au milieu de la table, en face de la grande cheminée, au-dessus de laquelle, semblant comme vous narguer, était accrochée la tête d’un énorme sanglier aux défenses inquiétantes. Cette salle à manger a gardé le décor que j’ai toujours connu. Je n’ai rien changé, en partie pour conserver la tradition, en partie parce qu’elle me plait telle qu’elle est. Sur un corbeau de pierre est placée une statue ancienne d’une sainte dont la tradition disait qu’il s’agissait de Jeanne d’Arc, et sur lequel mon père avait fait graver la devise  » Ne t’hesbahit pas, mais prend tout en gré, Dieu t’aidera « 

Flavien avait fait préparer les chambres. Lui retrouvait la sienne en haut de la tour dont les fenêtres donnaient au sud et à l’ouest, d’où il avait une vue étendue sur la campagne et d’où, par temps clair, il pouvait voir jusqu’au château de Rocamadour. Pour Prisca il avait choisi la chambre que sa grand’mère avait occupée à la fin de sa vie. Mais il n’avait pas voulu la séparer de Tiphaine à qui il avait donné la chambre contiguë que ses sœurs avaient choisie au cours de leurs présences à Tartadelle …

Téléchargez la totalité du récitLe voyage Philippe Desjeux

La fille muette – La filha muda

Propausat pel Sèrgi Rossèl de Cabrairets, amb l’ajuda postuma del canonge Amadèu Lemozi.

Photo Tourisme Lot

Voici le « cantique de Notre-Dame de Paillès », légende indiquant l’origine du pèlerinage de Notre-Dame de Paillès, commune de Marcilhac-sur-Célé, (Lot).

Il s’agit de la légende de la fille muette, connue également dans d’autres régions, sous des formes variables. Cette version est entièrement en occitan, avec quelques gallicismes. Nous en donnons un résumé en français.

A Paillès, près de la grotte de Bellevue, on peut voir au bord de la route une chapelle, vraisemblablement construite à la fin du XIX° siècle ou au commencement du XX°.

Il existe une carte postale ancienne, non datée, où figure, au recto, une photographie de l’intérieur de la chapelle du pèlerinage et, au verso, le texte du cantique. Actuellement, la mélodie de ce chant n’a pu être retrouvée.

Ecrit à l’origine avec une orthographe phonétique, le texte est ici transcrit en occitan actuel.

La filha muda

Sus Marcilhac la bèla, coma sabètz, se tròba una capèlaal cap del puèg.

L’istòria es agradeta, la vos dirai. S’agís d’una filheta qu’al Bon Dieu plai.

S’apèla Isabeleta pòt pas parlar « cependant » la siá maire la fa pregar.

La pregaria qu’ensenha lo chapelet, la filheta fa signeque l’a comprés.

Cada jorn Isabèla Se’n va gardar las fedas de son paire de vèrs Palhièrs.

Un bèl jorn una femna li apareguète
la foguèt pas en pena
li soriguèt.

Bonjorn Isabeleta, la Dama ditz,
io soi una visita del paradís.

Tu voldriás pas pichona, mon Isabèl,
me donar una feda del tieu tropèl ?

Isabèl es plus muda : Si fèt, si fèt, Madama, se vos volètz.

Tu diràs al tieu paire, mon Isabèl : voldriái la feda blanca del sieu tropèl.

Son paire, e mai sa maire, son plan estonats avián lor filha muda, ara pòt parlar.

Òc ben, òc ben, ma filha, mon Isabèl la Dama a la causida dins ton tropèl.

Mon paire vos fa dire ma maire « aussi », que sul tropèl Madama podètz causir.

E ben mon Isabèla, anèm partir, Tu ès la feda blanca del paradís. An trobada Isabèla, lo lendeman, mòrta, una letra escricha entre sas mans.

Li a pas clergue, ni prèire, ni capelan, Que pogue prendre la letra qu’a entre sas mans.

Li a pas que lo sieu paire, quand li foguèt que poguèt prendre la letra, la legiguèt.

Soi la Maire de Jèsus. Me bastiretz aicí una capèla ont pregaretz !

La fille muette

Isabelle est une jeune bergère de Marcilhac.

Elle est muette, ses parents l’élèvent dans la foi catholique.

Elle garde le troupeau de brebis familial tous les jours au lieu-dit Paillès.

Un jour, une belle dame lui apparaît (c’est la sainte Vierge) et lui demande de lui donner une brebis.

Du coup la fillette est guérie et se met à parler.

Ses parents, ravis du miracle, sont d’accord pour offrir une brebis à cette dame mystérieuse.

Mais la brebis qu’elle choisit… c’est la bergère !

Le lendemain, on retrouve la fillette morte, dans la main elle serre une lettre que personne ne peut lui prendre, sauf son père.

Il la lit.

C’est un message de la sainte Vierge qui demande à ce qu’on construise une chapelle à l’endroit des apparitions.

 

 

La naissance de Figeac

En ce temps là, le monastère du bon abbé de Lunan, Anastase, était dans un état de vétusté que les inondations répétées auxquelles il était soumis, n’arrangeaient certes pas.

Le bon curé avait en vue une vallée riante, ensoleillée, à l’abri des flots destructeurs, mais pour l’instant, personne pour financer son projet de construction.

Ce matin là, il cheminait tranquillement vers son petit paradis quand, au pied d’un buisson, il aperçut une colombe qui se débattait prise au collet d’un braconnier.

Très doucement, il délivra la pauvre bête, la caressa, puis la laissa partir. Mais la colombe ne prit pas tout de suite son envol.

– « Tu m’as sauvé la vie, lui dit-elle, que veux-tu en échange. »

– « Rien que tu ne puisses me donner, gentille colombe. Mon monastère est vieux, humide et malsain ; il me faudrait un riche mécène pour en construire un autre ici. »

– « Qu’à cela ne tienne ! Je sais que le roi doit venir en Quercy. Fais en sorte de le faire venir ici-même, je me charge du reste … »

Et la colombe disparut dans le ciel.

En effet, à quelques temps de là, le Roi s’en vint en Quercy avec toute sa cour et Anastase en profita pour guider ses pas vers la riante vallée, lui promettant un miracle.

– « Que devrais-je voir Anastase ? »

– « Sire, regardez au ciel. »

Et en effet, loin vers l’est, un gros nuage blanc avançait vers eux et au fur et à mesure où le nuage s’approchait, les yeux émerveillés du Roi, de ses soldats, de toute la cour et d’Anastase distinguaient, sur le bleu du ciel, des milliers de colombes blanches.

Elles tournoyèrent au-dessus de leurs têtes, quand, tout à coup, l’une d’elle se détacha et vint poser sur la terre à l’emplacement souhaité par Anastase, un brin de laurier.

Puis, elle repartit droit dans le ciel et disparut au milieu des milliers d’ailes éparpillées.

Tous tombèrent à genoux et le roi promit à Anastase son monastère.

 » Fiat là ! (qu’il soit fait là ! ) dit le Roi, d’où le nom de Figeac qu’on donnera ensuite à la ville qui se construira autour du monastère.

 

Nouvelle rubrique Généalogie

La récupération des archives de Quercy Net se poursuit avec la reprise de la rubrique Généalogie.

Cette rubrique réalisée, il y a quelques années par Claude Lufeaux, avec le concours de l’Association de Recherche sur l’Histoire des Familles ARHFA est en cours de mise à jour.

De nombreux articles supplémentaires seront ajoutés dans les semaines à venir.

Pierre Verlhac

Pierre Verlhac est né en 1868 à Souillac. Il est mort aux Quatres-routes en 1955.

Il fit une carrière d’instituteur. Laïque, ami de Louis-Jean Malvy, Pierre Verlhac militait en faveur des exclus et de la langue d’oc. Il a été l’animateur de la section de Souillac de la ligue des droits de l’homme, et s’est engagé en faveur des républicains espagnols.

Il était aussi un musicien populaire, un fin conteur occitan, un auteur de poèmes et de chansons. Signalons également qu’il fut un des premiers à militer pour l’enseignement de l’occitan.

A lire l’article qui lui est consacré par Gaston Bazalgues dans la revue QUERCY RECHERCHE dans son numéro 96.

Tous les textes et poèmes ci-dessous sont reproduits par Quercy Net, avec l’autorisation de la famille de Pierre Verlhac ©


T’aïmi Soulhac (chanson sur l’air de « Charme d’amour »)

T’aïmi Soulhac, polida vila,
Pincada sus un pitchou riu,
Acocolada dins ton niu,
Ont la vida i es bien tranquila,
T’aïmi Soulhac, polida vila.

Es rescondut dinsun trauquet,
Oval, tout pres de la riviera,
Que faï bronzit son fin orquet,
En lo bressen l’annada entiera,
Coma un nene dins sa brassiera.

Quand lo solelh sus el lusit,
Sus sa companha bravonela
Que cosqueletga e resolit
Mon vielh Soulhac sembla una estela
Es escompat dins de dentela.

Contaria pas per ma vilota
Mai me donesson tout Paris
Per que la trova trop bravota
e qu’ai l’amor de mon païs
Contaria pas per va vilota.

Dins mon Soulhac ieu restarai
Fier s’aqui ma vida s’engruna
Lo servirai, lo contarai
Que sera tota ma fortuna
T’aïmi Soulhac, o ma comuna !

 

La lampe (écrit en décembre 1938)

L’ennui tombe sur moi comme un lourd crépuscule.
Ma chambre est pleine d’ombre et mon coeur est désert.
Espoirs, regrets, désirs, tout est mort ! et dans l’air,
Je ne sais quoi de morne et de glacé circule.

Mon âme, où tout le deuil des choses s’accumule,
Tremble devant le soir, d’un grand frisson amer.
L’horizon a sombré dans la brume d’hiver.
On dirait que la vie, incertaine recule.

Je vais mettre très haut ma lampe et ma pensée,
Pour que, si quelque ami, passant sur la chaussée,
Vers mon humble logis vient à lever les yeux,

Ou bien si quelque rêve égaré dans les cieux,
Cherche, pour s’y poser, une âme triste et tendre,
L’ami songe à monter, et le rêve à descendre.

Mon front trop lourd s’incline et je suis las d’attendre.
Voici que le jour point ; ma lampe va mourir.
Ils ne sont pas venus, ceux qui devaient venir.


Josepon e l’Emperur

Josepon e l’emperur est une histoire de fin de banquet sans prétention. C’est l’histoire d’un souillagais qui lors de son service militaire rencontre l’empereur Louis Bonaparte, mais le héros n’est pas celui qu’on croit. Ce texte décrit bien une époque où les quercinois parlent mieux l’occitan que le français.

Josepon Bernotel fasia son servici al 78ème quand, un matin, una novèla recruda arribèt à l’escoada.

Josepon, assetat sus son bas-flanc, fumava una vièlha pipa culotada quand lo novèl blu s’aprochèt, li demandèt del fèc e s’assetèt a costat de guel.

– Comment t’appelles-tu ?
– Josepon Bernotel.

– Tu parles français ?
– Je le comprenne mais pour le parladis j’étions plus fort en patois.

– D’où es-tu ?
– De Souillac.

– Où celà se trouve-t-il ?
– Tu n’en connes pas ta jographie, ni mai ieu tanpauc. Tu ne saves pas où se trouve Souillac, la plus poulide ville du Lot où res manque, mila Dius ?

– Si c’est dans le Lot, je vois.
– Et toi caman que tu t’appelles ?

– Louis Bonaparte.
– Quoi que tu fais dans le civil ? Tu n’as pas une place ?

– Oui, pas trop mal.
– Eh bé tope aqui Bonatrappe. Tu déves savre lisir, tu m’apprendra à lisir un peu.

– C’est entendu et toi tu m’apprendras ta belle langue patoise (qui de l’avis de Charles Nodier développe tant de noblesse et d’imagination.
– Je n’enconné pas tous ces bestials mais pel potois tè: diga-li que vengue mila Dius !

Louis Bonaparte aprenguèt perfectament lo potois mas Bernotel poguèt pas aprene a legir. Tot parièr, fasquèron un brave parelh d’amics.

Bernotel, son temps acabat, torna a Solhac. Tres ans après, lo portur li porta una letra. Josepon la vira e la revira entre sos dets.

– Tè factur, legis-me aquela letra. Lo factur la duèrp, la legis e ne’n tira un bilhet de cinq cents francs.
– Bogre, quo’s l’Emperur que t’escriu e t’espèra dissabte a detz oras.

– L’Emperur, mila Dius, e qué me vol aquel ome ? Pagui regulieroment ma talha, n’ai jamai fach de mal a degun, mos certificats al regiment portan: bon soldat, bonne conduite… Qué diable me vol aquel ome ?

Josepon, la letra a la man, vai trovar lo mèra.

– Digatz-me, monsur lo mèra, qué me vol l’Emperur ?
– E mon brave Josepon, del moment que t’envoia los sous pel viatge, te cal i anar, veiras aital de qué te vol.

Mon Josepon part per Paris. A detz oras se presenta a las Tuilarias. Es arrestat a la porta per un oficièr que li demanda ço que vol.

– Vèni veire l’Emperur, pardi !
– Avez-vous une lettre d’audience ?

– De qué, nom d’un Diu, n’ai pas de letra de dança mai l’Emperur m’a mandat venir. Tenètz, legissètz aquel papieron.

L’oficièr legis e saluda. Josepon dintra, agacha de tots pans e, a una fenèstra, te guèita Louis Bonaparte.

– O ! per mon arma ! A ! pr’exemple, quo’s un pauc fort, es aqui mon vièlh Louis, o ! lo diable me flambe ne’n soi tot estomagat, davala un psuc, me foras veire ont cal passar.

Un autre oficièr, tot cambaligat d’or, ven prene Josepon e lo mena davant Bonaparte. Louis e guel s’embraçan coma pan tendre.

– Mai diga-donc Louis, ès dins un polit ostal ! Tu tanben ès vengut veire l’Emperur ? As una bona plaça ? Qué fas ?
– Que soi content de te veire Bernotel e de parlar un brieu lo potois que m’as après.

– Es maridat Louis ?
– Oui.

– Coma s’apela ta femna ?
– Eugénie.

– Génie quo’s un polit nom. Es qué as deus mainatges ?
– Oui, un drolle.

– N’a màs un troç de gaulem ? Me faras pas veire ta femna ?
– Si, mai es pas levada encara.

– Es pas levada ! Qual troç de fenhanta ! E la daissas far ? E ben, mon vièlh, li te brandiria las negras ieu !

L’emperur risia, risia, risia de bon cur.

– Quo te fai rire aquo. La nostra se lèva a poncha d’auba e d’aquesta ora a bacat los tessons, mozut las vacas e estremat la bugada. Podes pas la degordir un pauc nom d’un Diu !

An aquel moment, I’lmperatriça intrigada peus escluts de rire de l’Emperur, alors qu’aquel d’aqui èra totjorn triste, dintra ambe lo pichon mainatjon.

– Quo’s Génie aquela ?
– Oui.

– Compren lo potois ?
– Non.

– Tant pis ! Bonjour Génie comme ça va ? Oh que votre drolle il est mindiou, il est brave mais qu’il est prin: c’est un regoutsioulou: il faudra me le donner, je le d’emporterai à Souillac et quand il tournera, il aura des galojes comme s’il avait les gotages. II faut que je le poutoune ce drolle. Tenez Génie véqui deux sous pour lui cromper un croque-lin.

L’lmperatriça es aurida. L’Emperur ritz a se’n téner las costas.

– Mai diga-donc Louis, quo’s pas tot aquo, quo’s pro parlufejar, I’Emperur m’a escrich de venir lo veire. Se Io conneisses, mena-me près de guel. Tè, agacha sa letra. Qué diable me voI ?

– Mon amic Bernotel, I’Emperur volia te veire per serra la man d’un brave ome. Quo i arriba pas trop sovent. Quo’s ieu que soi l’Emperur.

– Ane, ane, fasque pas lo nèci, bogre de falordas vos està suau.
– Mai te disi que quo’s ieu l’Emperur.

– C’est varté Génie ?
– Oui.

– E ben mon tesson, en parlent per respect, escusa-me, ne’n soi tot embluat. Me racontas pas de porrimelas benleu ? E ben que lo diable me crame, podètz o dire qu’avètz una brava plaça. Coquin de Diu, I’estonament me copa l’alen, bufi coma un cordaire.

Mai parlem que valgue. Soi content de t’aver vist mai me tarda d’esprandir, soi tot escafornit. I a pas moien de far chabrot ?

 

Louis Jean Malvy

Louis Malvy est né à Figeac le 1er décembre 1875, il est décédé à Paris le 9 juin 1949.

Louis-Jean Malvy est issu d’une famille de Souillac, dont on retrouve des traces dans les registres locaux jusqu’en 1466 et de la petite bourgeoisie active d’artisans et de commerçants : aubergistes, vitriers, plâtriers, négociants….

Son père, Martin Malvy, directeur d’une minoterie, a été élu maire (de gauche ; radical-socialiste) de Souillac en 1892 et conseiller général du canton en 1894.

Avocat, Député radical-socialiste de 1906 à 1919, il fut un spécialiste des questions économiques et financières. Très proche de Caillaux, il fut considéré comme le meilleur représentant de la politique financière de ce dernier. Gaston Doumergue lui confia le portefeuille du Commerce et des PTT en 1913, et après l’assassinat de Gaston Calmette et un remaniement ministériel, celui de l’Intérieur en juin 1914 (ministère René Viviani), poste qu’il conserve dans les ministères Briand et Ribot

En août 1917, alors que la propagande défaitiste est à son paroxysme, Louis Malvy est attaqué par la droite (Léon Daudet, directeur du journal royaliste L’Action française) qui lui reproche son manque de fermeté dans la répression des grèves, et son « défaitisme ».

Louis Malvy, photo du journal Le Réveil du Lot du samedi 22 novembre 1924.

Il est même accusé d’avoir renseigné l’ennemi lors de l’attaque du chemin des Dames (1).

Il démissionne le 31 août 1917 et entraîne dans sa chute le ministère Ribot. Traduit à sa demande, devant la Haute Cour de justice, il est accusé de forfaiture et condamné à cinq ans de bannissement (août 1918).

Il revient en France après avoir expurgé sa peine, reçoit l’accueil de la population lotoise et est élu député du Lot (1924 à 1942). Nommé ministre de l’Intérieur dans le cabinet Aristide Briand (1926), il est forcé de démissionner après un mois par les violentes attaques de la droite.

Il fut l’ami de Pierre Verlhac, célèbre poète occitan.

(1) Louis-Jean Malvy, ayant connu l’emprisonnement et l’exil à la suite de l’épuration Clémenceau, a expliqué l’affaire simplement : « Il fallait un responsable à certains échecs militaires, il fallait trouver des causes d’ordre politique aux mouvements qui se produisirent dans l’armée en juin 1917. »

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