Auteur/autrice : christian.esteve Page 7 of 10

Le Quercy vu par Georges Coulonges

Quelques années avant sa mort, en octobre 2001, Quercy Net avait demandé à Georges Coulonges de nous parler de son Quercy !

Voici le texte qu’il nous avait gentiment adressé.

 

Fait du Lot et du Tarn-et-Garonne, de truffes et de chasselas, de roc et d’eau vive, de moulins, de châteaux, de ciel large et de grottes multiples, le Quercy a deux capitales : Cahors et Montauban.

Mon grand-père était né à Montauban. J’habite à quelques petits kilomètres de Cahors.

A Cahors se dresse, magistral, majestueux, le pont Valentré. Dés que je le vis, portant ses trois tours au-dessus de la rivière, dès que j’appris qu’en sept siècles jamais il n’avait cédé à l’ennemi, je décidai qu’il serait mon ami.

Mieux : sans modestie aucune, je décrétai qu’il me ressemblait, qu’il est un peu moi-même : il n’attaque jamais. Mais… si on l’attaque, on le trouve. Solide. Lorsque je vais le voir, à voix basse – pour ne pas effaroucher les touristes – je fredonne l’une de mes chansons que Ferrat mit en musique, chanta, porta au succès. Elle s’appelle Potemkine et n’a, bien sûr, rien à voir avec les barques qui glissent sur le Lot. Il n’empêche : il est des jours où (ne le répétez pas), je crois que, dans sa pierre, le pont, sûr de son droit, chante avec moi :

M’en voudrez-vous beaucoup si je vous dis un monde
Où l’on n’est pas toujours du côté du plus fort ?

A Montauban, bien sûr, vous connaissez la place Nationale, cette merveille entourée de briques roses, d’arcades, de galeries que l’on admire à la première rencontre, qui nous émeuvent lorsqu’on apprend qu’elles avaient nom « Couvert des fleurs » et « Couvert des sabots », « Couvert des drapiers » mesurant à l’aune de bois le cadis, gloire de la ville et fortune des tisserands.

Sous ces couverts peut-être joua mon grand-père. Et sur les bords du Tarn aux moulins imposants, aux gabarres emportant vers Bordeaux, les Colonies, les Amériques, le travail des hommes d’ici, joua sans doute ce petit garçon qui devait devenir M. Jean-Auguste Ingres, peintre de son état et violoniste à temps, peut-être pas perdu.

Le Musée de Montauban s’appelle le Musée Ingres. Le violon de M. Ingres est à l’intérieur du Musée. Le Musée est un étui grandiose, dominant le Tarn et valant dans sa pierre et ses bois autant que les expositions toujours renouvelées, toujours belles qu’il présente.

Cela commence par les sous-sols où somnolent, désormais inutiles, les instruments de torture de jadis. Montons. La torture disparaît, la culture se montre.

Oui, comme le pont Valentré, le Musée Ingres m’est cher : enfonçant la barbarie, il s’élève vers l’art. C’est-à-dire vers la Paix.

J’aime la paix du Quercy.

Je la trouve dans la plaine et sur le causse, au détour du chemin. Je la respire, je la garde et parfois je la mets dans un roman. Pour la partager.

Avec vous.

 

 

Georges Coulonges

auteur populaire, scénariste de télévision.
Il résida plus de 35 ans en Quercy Blanc  1923-2003

Si la chanson oblige l’homme à faire une toute petite gymnastique cérébrale, elle devient cet instrument grâce auquel l’homme se cultive. GEORGES COULONGES

La France entière a chanté et chante encore du Georges Coulonges. Car cet écrivain aux talents multiples, né le 4 avril 1923, à Lacanau, fut d’abord auteur pour les plus grands de nos chanteurs:

Potemkine, La fête aux copains et la commune pour Jean Ferrat, L’enfant au tambour pour Nana Mouskouri sont de lui.

Et Marcel Amont, Mouloudji, Les Frères jacques, Juliette Gréco, Bourvil, Annie Cordy,… lui doivent une part de leur succès, sans oublier, bien sûr, ce gigantesque PARIS POPULI qui, en deux heures de chant original, raconte sur une musique de Francis Lemarque l’histoire de Paris de 1789 à 1944.

Parallèlement, pour son premier roman, Georges Coulonges reçoit des mains de Jules Romains le Grand Prix de l’Humour 1964, suivi, pour son deuxième ouvrage, en 1966, du Prix Alphonse Allais.

Dès lors, il s’éloigne peu à peu de la chanson, pour laquelle il écrit encore deux essais très remarqués : LA COMMUNE EN CHANTANT, étude fouillée de la Commune de 1871 à travers les textes de ses chansons (dont il tirera un spectacle chanté notamment par Mouloudji) et LA CHANSON EN SON TEMPS, que ses confrères récompensant d’un Prix Exceptionnel de la SACEM. En 1980, la même SACEM couronne Georges Coulonges pour l’ensemble de son oeuvre.

II écrit ensuite pour la télévision et fait entrer Anatole France dans les foyers avec La Rôtisserie de la reine Pédauque, jouée entre autres par Georges Wilson. II adapte également ses propres romans : Pause-Café, Joëlle Mazart et La Terre et le Moulin.

Véritable « baladin de l’écriture », c’est au théâtre qu’il mène alors ses pas en écrivant pour Jean-Louis BARRAULT deux de ses plus belles réussites : Les Strauss et Zadig, d’après Voltaire, qui sera couronné par le Prix Plaisir du théâtre en 1979.

Depuis 1984, Georges Coulonges se consacre au roman. C’est d’abord la grande série romanesque des CHEMINS DE NOS PÈRES dont le cinquième volet, LA FÊTE DES ÉCOLES, contant l’aventure en Aveyron, à la fin du siècle dernier, d’une jeune institutrice partagée entre sa foi religieuse et son désir de servir l’école de la République, comptera plus de 400 000 lecteurs. La télévision le rappelle alors et son roman LES TERRES GELÉES, paru en 1994, est adapté par France 3 l’année suivante.

LA MADELON DE L’AN 40, (1995) – qui raconte l’histoire d’une adolescente révoltée par la défaite de 1940, par l’arrivée des Allemands et le comportement de ceux qui, dans son village, l’acceptent trop facilement et L’ENFANT SOUS LES ÉTOILES (1996) sont encore et toujours la plus belle illustration de ce que disait Jean-Louis Barrault :

 » Tout ce que Coulonges écrit est savoureux. Cela a du rythme. II y a du soleil dans son style. »

LES FLAMMES DE LA LIBERTÉ, (1997) parle du climat paroxystique de la France de 1944 où les passions exacerbées des habitants d’un village girondin se font jour: héroïsme ou lâcheté, haine ou amour. Dans MA COMMUNALE AVAIT RAISON (1998), Coulonges raconte sa vie jalonnée de rencontres, amis, interprètes, artistes ou comédiens, dont il fait le portrait vivant et pittoresque. LES BLÉS DEVIENNENT PAILLE (1999), narre la vie d’un couple, bouleversée par des circonstances exceptionnelles au début de 1914. Entre Albin, catholique patriote, et Janotte, protestante pacifiste, l’amour est-il possible ?

Dans L’ÉTÉ DU GRAND BONHEUR, Georges Coulonges évoque la joie des premiers congés payés en 1936 à travers le portrait de deux adolescentes. Ce livre a reçu le Prix des Maisons de la Presse 2000.

Mai 1968 et Limoges plantent le décor de son roman DES AMANTS DE PORCELAINE où, avec beaucoup de justesse, Georges Coulonges évoque le bouleversement des rapports parents / enfants.

En mars 2002 paraît LE PAYS DES TOMATES PLATES, une satire savoureuse sur notre société.

Texte bibliographique : Presses de la Cité, production Jeannine Balland, mars 2002.

Il décède le 12 juin 2003 dans sa maison « La Cachotte » à Lhospitalet.

 

Poèmes de Paul Froment

Retrouvez ci-dessous en graphie normalisée,

quelques poèmes de Paul Froment 


Nadal

Tot lo monde al canton s’arruca
Près del fuèc,viu coma un radal
E dins cada foguièr s’aluca,
Flamba la soca de Nadal.

De castanhas, a la velhada,
Grílhan e mínjan, dinc’apuèi
Qu’aniràn, figura emborlhada,
A la messa de mièjanuèit.

Dins son cap baissat l’ancian folha,
Cèrca quauque vièlh sovenir ;
La mamet, filant sa conolha,
Ditz un conte a ne’n plus fenir

Parla d’un prince a fièra mina,

Polit, joine e qué sabi mai !
Los drollets prés de la menina,
D’escotar s’alàssan jamai ;

E la blonda filheta ainada
Que dejà n’a pàs fred als-uèlhs
Rèiva benlèu que n’es l’aimada
D’un bèl galant d’aquels temps vièlhs.


En processiu

L’autre jorn qu’èra l’Ascensiu,
Sèi estat a la processiu,
Coma pas un en devociu.

Tant que podiái los uèlhs a tèrra,
Renat coma un soldat en guèrra
E la man dreita sus l’esquerra.

Son braç anant balinç-balanç,
Lo de darrèr vai me possant
Suls talons d’aquel de davant.

Lo solelh sus òmes flambava,
Sus las femnas, lo vent bufava,
E sus tots la calor tombava.

Dus per dus, plan-planet, tot doç,
Sul camin blancós e poscós,
Nos n’anàvem coma d’aucons.

En lai, la campana tintava,
Davant, la banièra flotava,
E darrer , lo curè cantava.

Cantava <<Criste, audi-nòs !>>
E los clèrcs, n’as aquí ne’n vòls,
Respondián, un fin, l’autre gròs.

Un degaunhava lo tonèrre,
L’autre, un pòrc que per tuar van quèrre,
E l’autre, las vacas del Pièrre.

Per tenir las femnas en reng,
Vai un vielh fabricièn que ten
Lo baston de comandament.

Près de las polidas se carra
E travèrs las joinas se sarra.
– L’an que ven, io, preni la barra ! –

E flor de lire al cur tot blanc,
Las filhetas, alai, davant,
Polidas coma un sòl se’n van !

En cantant, de printemps vestidas,
Sembla autant de ròsas floridas
Al solhel de mai espelidas.

Tant frisada coma d’anhèls,
N’i a que pòrtan al cap dels pièls
Un folard, d’autres de capèls

Ronds e grands coma de crubèlas
Que suls uèlhs, flambentas estèlas
Semblan d’eteignoirs a candelas.


Flor d’estiu

L’aire risent, tendre, amistós,
La pèl canda, la talha fina
E color d’òr, un pièl sedós,
Mitat defèit, frisant l’esquina,

L’uèlh, coquin, temptaire, amorós,
Viu, coma un miralh ilumina;
Sus sa boca, niu de potons
L’enveja vai cridant famina.

Mai leugèra qu’un parpalhòl,

Canta en venint de la segada
Milhor que cap de rossinhòl.

Son corsatge fai badalhòl
E, dinca el sen mièi despolhada;
Lo vent folet baisa son còl.


Per segasons

(Vist e sentit)

De las clicas dinca a la nuèit,
Lo blat rostit daureja anuèit
Coma lo solelh que l’a cuèit.

Un aigat de calor rajòla
D’aquel grand lustre que pindòla,
E la cigala se desòla.

Canta, vaquí tot çò que fai;
D’aicí, d’amont, d’aquí, d’en-lai,
Crida, mès trabalha jamai.

En ausint parèlha ressèga
Qu’estorditz las gents d’una lèga,
Lo paisan del lièit se derega.

Cal segar ! Lo blat es madur,
E, de paur qu’arribès malur
Diu s’arremausar viste e dur.

Es temps d’atrapar la faucilha;
Avant l’alba cadun se quilha
e dins los grans camps s’escampilha.

Lo rastolh atend de volams,
La canha a quitat los fenhants;
Partèm totis, pichos e grands;

Totis partèm a la segada,
L’utís al punh, mancha troçada.
E nos alinham en cordada.

Fasèm lo signe de la crotz.
Que Diu nos presèrve surtot
De tot mal ! en tot e pertot !

Començam: lo de davant tira,
Per lo siègre cadun s’estira,
En pausant juste se revira.

Un galòpa l’autre que fug,
Jan vai cauçat, Pièrre pè nut,
Paul marcha mèma tot cap nut.

Omes, vièlhas son en camisa,
Mès lo mantèl de nuèit defisa
Sus las dròllas tota analisa.

Portant un fin cotilhonet
Daissa prene l’aire al molet
E de genolhs mostra un cornet …

Lo vent folet que permena
Davant io fai flotar sans pena …
En curiós bufa a pèrdre alena.

Malur d’aver de distracciu !
Al flotament plen d’atenciu,
Ei picat un artelh al viu !

Ma curiosetat es pagada:
Per una maudita pensada,
Tortejarèi una mesada !

***

Lo pif en l’èr, rens corbats,
Lo morre al sòl, aquí doblats,
Copam, marcham escambarlats.

La tèrra se desemmantèla,
Darrèr nosauts cada gabèla
Pareis un riban de dantèla.

E davant, quitam pel costat,
Coma una mar d’espics de blat
Que lo vent fliussa a volontat.

L’òme, dins la granda estenduda,
Sembla una formic que se muda,
E portant l’aurà lèu tonduda.

***
Al solelh que tomba d’aplomb,
En aiga l’esquina se fond;
Un riu pissa del cap al fons;

E de susor nòstre front nada.
La luseta, seca, cramada,
Auriá besonh d’èstre luntada.

Pintam, pintam coma de traucs,
A plens veires, a plens ichaus,
E mai bevèm, mai venèm cauds.

Mès cada còp quaqu’un s’entalha,
Copa un det per copar la plaha,
Lo sang pissa coma en batalha …

De romècs e d’arrèsta-buèu,
De caucides, pertot ne plèu,
Dins las patas s’engúlhan lèu.

Sans permissiu e sans patanta,
N’èi sentit dintrar mai de cranta;
Un tronc sortit, l’autre se planta.

En veirent aquò, me sèi mes
Chirurgien; opèri per res,
Jamai digun n’a pus mens pres !

Tiri los troncs sans far de plaga,
Surtot als dets finòts sans baga
Dont la mèstra dins l’uèlh me paga !
***

« Ardit ! anem, nos cal botar,
Ça dits quauqu’un, viste e cantar ! »
Son tot prestes l’escotar !

E còp sec, d’una voès qu’enaira,
Fan bronzir la marcha tindaira
D’una vielha cançon segaira.

Aquò derevelha en passant,
Dels talons fai montar lo sang,
E dins las regas nos preissam.

Nos preissam tant qu’apuèi nos triga
D’adreçar los rens de fatiga,
E la coina ven nòstra amiga.

A pena avèm juntat las celhas,
Una voès bufa a las aurelhas;
« Se cal tirar de per las pelhas ! »


La cancon de la cigala

Levatz-vos, pauròts,
Cauçatz los esclòps,
E, lonjant la sèga,
Començatz, amics,
Dins lo talh d’espics !
Sèga, sèga, sèga !
En copant lo blat
Quilhetz pas lo cap
Per çò qu’avèm triga;
Arribats amont,
Galopatz al fons.
Sèga, sèga, liga !
Lo volam en man,
D’un jorn a doman
I a log d’una lèga,
Mès cal tirar dur,
Lo blat es madur.
Sèga, sèga, sèga !
Goiats, al trabalh !
Quitetz pas l’ostal.
D’anar veire miga
N’es plus la sason
Per velhar ‘l canton.
Sèga, sèga, liga !
Copatz bas e rond,
Tot fai plan besonh
E quand se derèga,
Sul volam, en crotz,
Ziu ! passatz la cot.
Sèga, sèga, liga !
Quan siòsque matin,
Viste cal partir
Car ciá que Diu crèga
Diuriá s’amassar
Sans tròp trigossar.
Sèga, sèga, sèga !
Que cadun amb io
Cante sa cançon,
De mon ziga-ziga,
Tot en caminant,
Seguiretz lo lanç.
Sèga, sèga, liga !


Pels paures !

A Jacques de Bonal

Riches, revelhatz-vos !… L’ivèrn negre qu’apròcha
Vos diu far sovenir dels malurós sans fuèc,
Sans un bocin de pan, sans un sòu dins la pòcha,
Sans abric per passar la nuèit.

Sèm per nos adujar dins aqueste bas monde;
Lo bon Diu nos a fèits per tant de nos aimar:
Donatz, riches, donatz ! Que vostre cur responde
Al que vos alonga la man.

Dels bens qu’avètz reçuts fasètz un bon usatge,
Si voletz viure urós e morir sans socis
Donatz als paures vièlhs que tot corbats per l’atge
Tristament siegon los camins.

Pels que a l’entorn de vos vívon la sofrença,
Tròp fièrs per demandar, rescondent lors dolors;
Sans o lor far sentir, sioguètz lor providença,
Sans dire res secorrètz-los.

Prenètz pietat d’aquels que n’an paire ni maire,
Coma d’ausels sans niu abandonats solets;
Que, pertot rebutats, digun n’aima, pecaire;
Pensatz als paures pichienets !

Donatz, n’auretz plan pro ! Quand seretz dins la tomba,
N’auretz besonh de res, ni res vos servirà;
Vostre òr se n’anirà coma l’aiga que tomba,
Lo bien fèit sol vos restarà.

Al mes n’aublidetz pas los de dins la misèra,
Zo meriten o non, donatz, donatz totjorn !
Diu vos en tendrà compte a vòstra ora darrèra;
La recompensa aurà son torn.

Lo Calelh, 23 d’octòbre de 1892


Lo ressegaire

Es amont, pincat dins l’aire.
Sus son chavalet tot dreit,
Fague calor, fague fret,
I es totjorn, lo ressegaire.
De sa femna, de son paire,
De son dròlle pichienet,
Cal que ganhe lo panet.
A ! cal far mai que se jaire !
Agusa quand pica gaire
Sa ressèga, beu s’a set,
S’a talent, minja’n crostet.
Guèita se tot vai d’escaire
E pincat amont, tot dreit,
Ressèga sul chevalet.

Massels 1892 – (Lo Calelh, 15 de març de 1892)


Novembre

La fuèlha dels albres rosseja
Tombarà dins gaire de temps.
Bufa dejà la bisa freja;
L’ivèrn adara nos atend.

Dins los bòscs despolhats e tristes,
Los casses van èstre flaurits
E los auselons que havem vistes,
Pendent los bèls temps son partits.

L’iròndela se n’es anada,
Quitent nòstre cèl sombre e gris,
Vèrs una pus doça contrada,
Luènh, plan luènh, dins un caud païs.

Los brolhards, la plèja, los gibres,
Arríban per nos enojar.
Grivas e mèrles pels genibres
Cèrcan quaques gruns a minjar.

Dins los prats capelats d’albièra,
buèus o vacas paisseran plus.
Caldra restar sus la litièra,
Per tots mets verds, de caulets crus.

Mosca, parpalhòl e ligosta
Disparesséran a bèl talh,
Quand pels rius lo gèl farà crosta,
Cambiarà l’aiga en fred cristal.

Lo solelh, plen de fenhantisa,
Se levarà plus de matin,
Cobèrt de quauqua bruma grisa,
Lo pus sovent per l’escantir.

E la nèu, de sa raubba blanca,
Sailarà las planas, los tucs,
Per aquèls que son a tot manca,
Piètre temps, pels paures pè-nuds.


Vendenhas

Nòstres valents paisants, lo long de la penjada,
Pér anar vendenhar se son escampilhats;
En man los grans panièrs, atentifs e corbats
Amàssan vistament la recòlta sucrada.
Quan del bèl madur, la desca es emplenada,
Líuran dins lo tonèl ont los rasions grudats,
Bulíran pauc a pauc, cada còp empacats,
E forníran bien lèu la liquor tant aimada !
Qu’as d’amics, paure vin, tu qu’escauduras tant
Lo còs. l’esprit, lo cur. Per io, res qu’en pensant
A ton gos parfumat, me’n prusís la luseta !
S’enquèra los marchands te daissàven tit pur !
Mès lo diable sol sap qual es lo pus volur;
Nos fóton un bardís que val pas de piqueta !


Floressàs, mon país natal

Benlèu de mos lecturs que m’interèssi gaire,
Digun n’a jamai vist l’endreit ont sèi nascut
E d’ont sèi davalat aiciu, tal qu’un perdut,
En quêtant mos amics e mon paire e ma maire.

O Floressàs aimat, per tant de poder plaire
Al passant que te vei, sès pas pro bien metut !
Mes ses mon brèç, es pro, t’èi totjorn conescut,
Ei galopat tos camps e viscut de ton aire.

Tanben, se quauque còp vèni te visitar,
Corri mai qu’un lapin, mon cur bat a petar
Quand vesi puntejar tas duas tors que s’enàrtan.

Aquò’s pus fort que io, me ven la grema a l’uèlh
En pensant al bèl temps, dins l’ostal paternèl…
A ! malurós tres còps, malurós los que pàrtan !

(Lo Calelh. 1èr de janvièr de 1893)

Paul Froment

Humble et charmant poète laboureur
(1875-1898)

Paul Froment est né près de Floressas, commune de Puy-L’Evêque dans le Lot, le dimanche 17 janvier 1875.On peut voir encore, au hameau de Lamuraque, à 1.500 mètres du bourg, l’humble maison, aujourd’hui transformée en grange, où il vit le jour.

Il était l’aîné d’une honnête famille de petits paysans, à peu près ruinés par le phylloxéra, qui prirent le parti héroïque, pour payer quelques dettes, de se mettre en condition.

Aller à la journée dans les fermes voisines, puis se louer à l’année, ce fut aussi le sort de Paul, dès que ses bras eurent la force de tenir un outil, c’est-à-dire presque au sortir de l’école primaire.

Nous le trouvons, en 1892, à Massels, près de Penne, en Agenais. Dès ce moment, sans aucune préparation livresque, ignorant même les notions élémentaires de la prosodie, il commence à rimer, tout en labourant, ses premières inspirations.

« Au bout de chaque sillon la stance s’envolait (fragnolo); à la fin du journal de labour, il tenait son poème. « 

1892, c’est l’époque où Victor Delbergé lance, à Villeneuve, un petit journal de patoisants, lou Calel, largement ouvert à toutes les bonnes volontés; Froment y fait ses débuts (15 mai 1892), y rencontre quelques bons amis: Alban Vergne, Aristide Salères, et devient un collaborateur régulier et apprécié du journal.

En 1893, se trouvant à Bélugue, près de Floressas, il fait la connaissance d’un écrivain de talent, son voisin de Ferrières, Francis Maratuech.

Celui-ci a raconté, comment il fit la conquête de cet adolescent timide et un peu ombrageux, sa joie de le voir arriver chaque soir dans le négligé de sa tenue de travail et les bonnes veillées littéraires, sous le manteau d’aïeule de la vaste cheminée, où on lisait en commun quelques pages à la lueur économique du calel.

Ce qu’il faut noter, c’est l’influence des plus heureuses qu’exerça Maratuech, homme de goût autant que de cœur, sur le développement du jeune talent. Il fut des premiers à comprendre le poète et à l’encourager. Leur amitié ne se démentit jamais et, après avoir mis à Flous de Primo une préface étincelante, Maratuech fut en quelque sorte l’exécuteur testamentaire de Froment et donna à la Revue de France et au Feu Follet les derniers poèmes que nous connaissions de lui.

L’existence de Froment se partage dès lors entre Floressas, où il fait des séjours prolongés, et la région de Villeneuve, où il occupe diverses places.

En 1895, Froment – il était alors valet de ferme au Laurier, près de Villeneuve – envoya aux jeux floraux de l’Escolo Moundino, à Toulouse, un manuscrit de Sasous e Mesados et obtint un deuxième prix de sonnet.

Il fit plus : il se rendit à Toulouse et prit part à la félibrée du 26 mai. Il faut imaginer l’apparition, dans la salle des fêtes du Conservatoire, de ce petit paysan timide, disant simplement, sans grands gestes, les yeux au ciel, sa pauvre vie de misère et les histoires du village.

Les toulousains ne lui ménagèrent pas leurs bravos. Encouragé par ce premier succès, Froment résolut de réunir en volume ses premières pièces. Ce fut un gros sacrifice pour sa pauvre bourse; il dut faire presque entièrement les frais de l’édition.

Vers la fin de l’année, A trabès regos paraissait à Villeneuve, chez Victor Delbergé, en une élégante plaquette de soixante-douze pages. L’auteur avait vingt ans.

Ce petit livre fut une révélation.

Mistral, le premier, en deux longues colonnes de l’Aiôli (17 janvier 1896), souhaitait une affectueuse bienvenue au  » poète Froment  » et résumait ainsi son appréciation:  » A trabès regos es la cansoun veritablamen viscudo d’un enfant de la terro que la Muso a flourejat « .

Paul Mariéton saluait, dans la Revue Félibréenne,  » L’avènement de ce pur artiste de nature  » et ajoutait, en conclusion:  » Paul Froment est en situation favorable pour donner au Midi un nouveau grand poète « .

Antonin Perbosc, dans la même revue, consacrait un article important au nouveau venu, et l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse, qui avait rétabli, en 1895, ses concours en langue d’oc, « marquait d’une note blanche cette œuvre de début  » (rapport de 1896).

Le petit valet, cependant, continuait à produire et, I’année suivante, il adressait à la même Académie le manuscrit de Flous de Primo. Un œillet d’argent récompensa cet envoi.

L’œillet d’argent, applicable à tous les genres, avait une valeur de 100 francs, et le pauvre Froment, dons les gages à l’époque étaient de quelque 30 pistoles, s’autorisant au surplus de précédents illustres, troqua contre un beau billet la fleur immortelle.

Quelques mois après, au début de novembre 1897, le recueil de Flous de Primo sortait de l’imprimerie Chabrié, à Villeneuve. Sur ces entrefaites, le poète était appelé au service militaire et, le 15 novembre, il partait pour le 12è régiment d’infanterie, à Lyon.

Mistral le recommanda à un de ses bons amis lyonnais, Eugène Vial ; mais, en dépit de cette amitié précieuse, Froment, qui gardait la nostalgie de la terre natale et n’arrivait pas à se consoler d’un amour malheureux, connut à Lyon des jours de profonde tristesse: témoin ses dernières poésies, d’un accent étrange, inouï dans son œuvre antérieure, et qui ont une amère saveur de larmes et de désespoir.

Sept mois après son entrée au régiment, le 10 juin 1898, au retour d’une permission passée à Floressas, le petit soldat disparut. Le 15 juin, son corps était retiré du Rhône, aux Roches-de-Condrieu (Isère), à une quarantaine de kilomètres au-dessous de Lyon.

Ses amis s’émurent, on fit une enquête, mais le mystère de cette fin tragique ne fut jamais pleinement élucidé. Mistral, qui l’appréciait et qui songeait à lui pour le grand prix de poésie aux Jeux Floraux du Septénaire de 1899, pleura la fin prématurée de  » l’humble et charmant poète laboureur, tombé, comme un fils de roi, sous le poignard de quelque assassin stupide « .

Des démarches entreprises par ses amis, au premier rang desquels Georges Leygues, député de Villeneuve, aboutirent au transport du corps à Floressas aux frais de l’Etat. Les restes de Paul Froment reposent dans le petit cimetière du village natal.

En 1903, ses admirateurs lui érigèrent, par souscription publique, à Penne-d’Agenais, un monument modeste qui fut inauguré le 23 juillet, sous la présidence de M. Chaumié, ministre de l’Instruction publique.

En 1998 à Floressas, à l’occasion du centenaire de sa mort, une stèle réalisée par Jean Luc Rouquié tailleur de pierre à Floressac était édifiée à la mémoire de l’enfant du pays. Le buste de Paul Froment est l’oeuvre de Louis Laur sculpteur villeneuvois.

A l’initiative du Maire de Floressas, Yves Froment, la place du village porte désormais son nom.


ŒUVRES DE PAUL FROMENT :

Retrouvez quelques poèmes de Paul Froment en cliquant ici

1892. – Les premiers essais de Froment ont paru dans lou Calel, Journal patois de Villeneuve-sur-Lot, directeur Victor Delbergé, année 1892, 1893, 1894, 1895 et 1896.

1895.-A trabès régos, rimos d’un pitiou paysan 72 pages. Imprimerie Victor Delbergé, Villeneuve-sur-Lot.

1897.-Flous de Primo, rimos d’un pitchou paisan, pre-facío de Francis Maratuech, XVI-72 pages. Imprimerie Ernest Chabrié, Villeneuve-sur Lot

1898.-Dernières poésies de Paul Froment, publiées par Francis Maratuech à la Revue de France, numéro spécial de septembre 1898, consacré aux Cadets de Gascogne.

1899.-Voix d’outre-tombe, poésies inédites de P. Froment publiées par Francis Maratuech à la revue le Feu Follet décembre janvier 1899.

1928.-Lous èls e la bouco, poème inédit (Oc, 1″ juin 1928).

 

Olivier de Magny

Poète Cadurcien de la Renaissance  (Cahors, 1529-1561)

Olivier de Magny est né dans une famille bourgeoise de Cahors, d’un père magistrat et banquier, d’une mère très cultivée ayant la passion des lettres.

Après des études à l’Université de Cahors, poussé par le goût de l’aventure, il part pour Paris en 1547, ayant avec lui, grâce à sa mère, une lettre de recommandation de l’évêque de Cahors au poète Hugues Salel (Abbé de Saint-Chéron).

 

Extrait de A ELLE MESME - Sonet, Les gayetez.

J’entreboyoi soubz un vestement noir,

Le marbre blanc de ta cuisse arrondie,

Lors que ta main jalousement hardie

Priva mes yeux du bon heur de la voir.

C’est auprès de lui, entouré aussi de Pierre de Ronsard et de Joachim du Bellay qu’il perfectionne ses aptitudes naturelles à la poésie. Secrétaire du poète, il fréquente la cour de François 1er. A la mort de son protecteur, il s’attache à Jean de Saint-Marcel qui, chargé d’une mission diplomatique auprès du Saint-Siège, l’emmène avec lui à Rome en 1555.

En passant à Lyon et rencontre Louise Labé dont il tombe amoureux. Il s’exprime à son propos ou en rapport avec elle dans plusieurs de ses recueils et il est l’auteur de trois textes des Escriz de divers poètes, à la louenge de Louize Labé. Certains textes parfois attribués à Louise Labé sont présents dans les livres de Magny.

Grâce à Hugues Salel, il se voit attaché au conseiller du roi, Jean d’Avanson, proche de Diane de Poitiers. De 1550 à 1555 il l’accompagne en qualité de secrétaire dans son ambassade d’Italie.

Après son retour en France (1556), il est nommé au poste de secrétaire du roi Henri II, qu’il occupe deux années.

Disciple de Ronsard, Magny se montre souvent plein de grâce et d’invention, mais ses oeuvres sont souvent marquées par un abus d’érudition et d’un maniérisme à la Pétrarque. Il a surtout cultivé le sonnet. On lui doit Les Amours (1553), Les Gayetez (1554), Les soupirs (1557), Les Odes (1559) et Sonnets (1560).

Il meurt en 1561. Ce fût un poète doué d’un vrai mérite, bien que ses vers soient aujourd’hui tombés dans l’oubli. Il fût enterré dans l’église de la Daurade sur l’emplacement de laquelle se trouve le square Olivier de Magny.

 

Quelques poèmes :

A sa demeure des champs

Petit jardin, petite plaine
Petit bois, petite fontaine,
Et petits coteaux d’alentour,
Qui voyez mon être si libre,
Combien serais-je heureux de vivre,
Et mourir en votre séjour !

Bien que vos fleurs, vos blés, vos arbres,
Et vos eaux ne soient près des marbres,
Ni des palais audacieux,
Tel plaisir pourtant j’y retire
Que mon heur, si je l’ose dire,
Je ne voudrais quitter aux dieux :

Car ou soit qu’un livre je tienne,
Ou qu’en rêvant je me souvienne
Des yeux qui m’enflamment le sein,
Ou qu’en chantant je me promène,
Toute sorte de dure peine
Et d’ennui me laisse soudain.

Toutes fois il faut que je parte,
Et faut qu’en partant je m’écarte
De vos solitaires détours,
Pour aller en pays étrange
Sous l’espoir de quelque louange
Mâlement travailler mes jours.

Ô chaste vierge Délienne,
De ces montagnes gardienne,
Si j’ai toujours paré ton dos
D’arc, de carquois et de sagettes,
Couronnant ton chef de fleurettes
Et sonnant sans cesse ton los :

Fais que longtemps je ne séjourne,
Ainçois que bien tôt je retourne,
En ces lieux à toi dédiés,
Revoir de tes nymphes la bande,
Afin qu’en ces autels j’appende
Mille autres hymnes à tes pieds.

Mais soit qu’encore je revienne
Ou que bien loin on me retienne,
Il me ressouviendra toujours
De ce jardin, de cette plaine,
De ce bois, de cette fontaine
Et de ces coteaux d’alentour.


Bienheureux est celuy, …

Bienheureux est celuy, qui loing de la cité
Vit librement aux champs dans son propre heritage,
Et qui conduyt en paix le train de son mesnage,
Sans rechercher plus loing autre felicité.
Il ne sçait que veult dire avoir necessité,
Et n’a point d’autre soing que de son labourage,
Et si sa maison n’est pleine de grand ouvrage,
Aussi n’est-il grevé de grand’ adversité.
Ores il ante un arbre, et ores il marye
Les vignes aux ormeaux, et ore en la prairie
Il desbonde un ruisseau pour l’herbe en arouzer :
Puis au soir il retourne, et souppe à la chandelle
Avecques ses enfans et sa femme fidelle,
Puis se chaufe ou devise et s’en va reposer.


Je cherche paix …

Je cherche paix, et ne trouve que guerre,
Ores j’ay peur, ores je ne crains rien,
Tantost du mal et tantost j’ay du bien,
Je vole au ciel et ne bouge de terre.

Au cueur doubteux l’espérance j’enserre,
Puis tout à coup je luy romps le lyen,
Je suis à moy et ne puis estre mien,
Suyvant sans fin qui me fuyt et m’enferre.

Je voy sans yeux, je cours sans desplacer,
Libre je suis et me sens enlacer
D’un poil si beau que l’or mesme il egale.

J’englace au feu, je brusle dedans l’eau,
Je riz en pleurs et ronge mon cerveau,
Chantant tousjours comme fait la cigalle.

 

Hugues Salel, poète

Hugues SALEL,

poète de la Renaissance  1504 – 1553

Ouvrage de Salel, 1545, (Bibliothèque Municipale de Cahors)

Hugues Salel est né à Cazals en 1504, d’Hilaire Salel et de Jeanne Peyrusse, dans un milieu aisé. Ayant perdu son père à l’âge de cinq ans, il est sous la protection du seigneur de Montcléra et à ce titre, il est l’un des treize boursiers du Collège Pelegry, de 1516 à 1526.

Il acquiert à l’Université de Cahors une parfaite connaissance des langues et littératures grecques et latines, érudition essentielle à cette époque. Il est enthousiasmé par la poésie et surtout celle de Virgile et d’Homère avec son ton héroïque. A l’Université, il rencontre la famille d’Olivier de Magny qui deviendra son secrétaire en 1547.

A Toulouse, il est secrétaire des Présidents du Parlement Jacques Minot puis Jean Bertrandi ; c’est ce dernier qui l’aurait recommandé à la Cour. Tout à sa vocation poétique, Salel se joint à l’entourage de François Ier, à une époque où le Roi tente de ressusciter l’éclat des beaux-arts pour fixer tous les regards sur le royaume de France.

La place Hugue Salel à Cazals

Son goût dominant pour l’étude l’amène à fréquenter assidûment les leçons de Du Bellay et de Guillaume Budé qui avaient ouvert chez eux une sorte d’académie. Son talent retient l’attention de ses maîtres, qui s’empressent de le distinguer aux yeux du roi.

Jodelle et Ronsard consacrèrent à sa mémoire des vers qui prouvent la haute réputation que Salel s’était acquise.

L’épitaphe que lui fit Jodelle commence ainsi :

Quercy m’a engendré, les neuf soeurs m’ont appris ;
Les rois m’ont enrichi, Homère m’éternise

Plusieurs essais poétiques le révèlent alors ; sa renommée s’accroît. François Ier l’élève à la dignité de valet de chambre ; il devient le compagnon de Clément Marot auprès du monarque.

Dizain

Un jour Vénus, désirant me fâcher

Pour un dépit piéça! sur moi conçu;

Fit à son fils Cupidon delâcher

Un trait sur moi, mais il fut bien déçu,

Car, aussitôt que j’eus le coup reçu,

Et que la plaie était fraîche et entière,

Pallas y mit tel onguent et matière

Que je me vis guéri le lendemain ;

Arrière donc, Vénus rebelle et fière,

Puisque Minerve y met pour moi la main.

Entré en défaveur sous Henri II (1547), il se retire dans l’abbaye que lui a donnée François Ier, à Saint-Chéron près de Chartres. Il s’y consacre à sa grande œuvre : une traduction en vers de l’Iliade. Désirant se vouer tout entier à son entreprise, le poète endosse l’habit ecclésiastique. Pension et riche bénéfice lui permettent d’accomplir sa tâche.

Hugues Salel meurt malheureusement en 1533, avant l’achèvement de son ouvrage. Il n’a pu traduire que les douze premiers livres d’Homère. Son travail, incomplet, parut quelques années après sa mort, en 1553.

A Cazals, sur l’un des piliers de l’Hôtel de ville, on peut lire ces vers de Clément Marot :

Quercy, Salel de toy se vantera

Et comme croy de moi ne se taira

Clément Marot

D’après : La Mémoire vive, Sophie Villes, Cahors, 1998 et Anthologie des Poètes du Quercy, par Gilles Lades, éditions du Laquet et Encyclopédie du Lot, Bonneton Statistique du Département du Lot, JA Delpon, 1831.

La statue de Gambetta était aussi au vietnam !

 

Sur cette carte postale, on peut retrouver la statue de Gambetta.

Mais on est à Saigon/Hô Chi Minh Ville

Cette statue de Gambetta est la même que celle qui est à Cahors et avait été installée à Saïgon.

 

 

Je me suis rendu à Saïgon/Hô Chi Minh Ville en mai 2005, je l’ai cherchée, je ne l’ai pas trouvée. Je pense qu’elle a été déposée et sans doute fondue… JB

Des cours d’occitan à Cahors

Lancement de cours d’occitan sur la ville de Cahors : Venez apprendre et vous réapproprier la langue d’aicí, la lenga nòstra.

Pourquoi apprendre l’occitan ?

-Apprendre l’Occitan, c’est apprendre une langue millénaire, une langue latine qui fait passerelle avec d’autres langues, italien, portugais, castillan, roumain, on la dit « soeur » du catalan.

-Apprendre l’Occitan, c’est apprendre la culture de son pais, ses racines, comprendre les origines des noms de villages, de familles, de ruisseaux, de champs, de lieux dits, de rues. Comprendre l’espace qui nous entoure et qui a était nommé, pensé, imaginé dans une langue

-Apprendre l’Occitan, c’est aussi mettre une langue sur des mots communs employés par chez nous, ça pegue ( pegar=coller), poutou ( poton = un bisou), a bisto de nas ( vista de nas = à vue de nez), un drôle (dròlle = un enfant), fada = une fée.

-Apprendre l’Occitan, c’est participer a un renouveau culturel occitan, écrits, poésie, théatre, musiques diverses et autres.

-Apprendre l’Occitan, c’est apprendre une langue inter-compréhensible de Bordeaux a Nice.

-Apprendre l’Occitan, c’est l’ouverture d’un monde, comme avec toute langue, mais celle-ci sera particulière pour vous, c’est celle du territoire sur lequel nous sommes assis.

Qui est le professeur ?

Guilhem Boucher travaille pour l’IEO 46, l’Institut des Etudes Occitanes. Ce cours est parti de l’initiative de jeunes qui veulent apprendre la langue de leur pais. Nous sommes ouverts à accepter tous les âges pour ces cours d’occitan (à partir de 18 ans).

Nous sommes en train de nous constituer en association, pour plus d’informations n’hésitez pas à nous contacter.

Per una lenga viva, anem òc!

Maël Borredon : 06 76 85 04 02
Sarah Conquet : 06 34 48 56 37

Nadau en Vidéo

Le Groupe Nadau reviendra dans le Lot en 2019.

Ce sera à Luzech, à l’occasion de l’arrivée de la 10ème transhumance Rocamadour – Luzech, le samedi 13 avril.

En attendant cet événement vous pouvez les « déguster » en vidéo avec un spectacle de l’année 2002 !

Clément Marot : le blason

Outre le sonnet, qu’il a contribué à imposer, Clément Marot est l’inventeur d’un jeu littéraire : le blason.

Blasonner, initialement, consiste à détailler et expliquer les armoiries d’un écu. Ici, les poètes rivalisent en chantant à leur tour telle ou telle partie du corps féminin.

Le blason du beau tétin  Épigrammes (1535)  (Extrait)

Tétin refait, plus blanc qu’un œuf, (1)
Tétin de satin blanc tout neuf,
Toi qui fait honte à la rose
Tétin plus beau que nulle chose,
Tétin dur, non pas tétin voire (2)
Mais petite boule d’ivoire
Au milieu duquel est assise
Une fraise ou une cerise
Que nul ne voit, ne touche aussi,
Mais je gage qu’il en est ainsi.
Tétin donc au petit bout rouge,
Tétin qui jamais ne se bouge,
Soit pour venir, soit pour aller,
Soit pour courir, soit pour baller (3)
Tétin gauche, tétin mignon,
Toujours loin de son compagnon,
Tétin qui portes témoignage
Du demeurant du personnage, (4)
Quand on te voit, il vient à maints
Une envie dedans les mains (5)
De te tâter, de te tenir :
Mais il se faut bien contenir
D’en approcher, bon gré ma vie,
Car il viendrait une autre envie.
Ô tétin, ni grand ni petit,
Tétin mûr, tétin d’appétit,
Tétin qui nuit et jour criez
«Mariez moi tôt, mariez !»
Tétin qui t’enfles, et repousses
Ton gorgias de deux bons pouces : (6)
A bon droit heureux on dira
Celui qui de lait t’emplira,
Faisant d’un tétin de pucelle,
Tétin de femme entière et belle.

(1) refait : nouvellement formé
(2) voire : qui n’est pas, à vrai dire, un tétin
(3) baller : danser
(4) demeurant : de tout le reste de la personne
(5) trois syllabes
(6) décolleté, haut de la robe, corsage

 

D’après : X. Darcos, J.-P. Robert et B. Tartayre, Le moyen âge et le XVIème siècle en littérature, Hachette, 1987

Clément Marot

Clément MAROT, une adolescence clémentine
(Cahors, 1496 ou 1497 – Turin, 1544)

Fils de Jean Marot, réthoriqueur célèbre, Clément Marot passe son enfance en Quercy, terre de langue d’Oc puis, en 1506, il s’en va « en France ». Ses études sont sommaires : il ne savait pas le grec et son latin était hésitant. Malgré les efforts qu’il fera plus tard pour combler ces lacunes, on ne pourra jamais le comparer aux artistes et érudits de sa génération.

Ayant, grâce à son père, approché très tôt les fastes de la cour, il ne songe guère qu’à s’assurer l’existence facile d’un amuseur de cour. Il devient d’abord page au service de Nicolas de Neufville (secrétaire des finances). Lorsque François 1er monte sur le trône (1515) il lui compose un hommage (Temple de Cupido), œuvre sans originalité.

Clément Marot,
par Christian Verdun,
artiste plasticien

En 1527, il prend une charge de « valet de chambre » de François 1er et connaît un certain succès comme amuseur de cour.

Lors de l’affaire des Placards (1534), il est inscrit sur la liste des suspects et a juste le temps de se réfugier à Nérac, en Navarre, d’où Marguerite, remariée en 1527 avec Henri d’Albret (grand père d’Henri IV), le fait passer à Ferrare où il devient secrétaire de la princesse Renée de France. Ferrare est alors le refuge de nombreux huguenots, et l’on pense que Marot a l’occasion d’y rencontrer Calvin.

Il meurt à Turin le 10 septembre 1544.

Maniant avec aisance le décasyllabe, il contribua à épurer la langue de son temps, s’exprimant avec un pittoresque (inventions verbales) et une clarté que vantèrent Boileau et La Fontaine.

On lui doit le recueil l’Adolescence de Clémentine (1532), les Épîtres (Épître à Lyon Jamet, 1526, Épître au roi, pour le délivrer de prison (1527), L’Enfer (une satire allégorique des mœurs judiciaires), les Élégies et la traduction des Psaumes (1536).

… au lieu que je declaire
le fleuve Lot coule son eau peu claire
qui maints rochers traverse et environne
pour s’aller joindre au droict fil de Garonne
a brief parler c’est Cahors en Quercy

La tradition rapporte que le poète Clément Marot serait né à Saint Clément commune de Cezac et que son nom lui viendrait du lieu de Marot où existait une maison forte. L’on dit qu’il y était né. Dans la fameuse épitre au roi, sur le vol dont il avait été l’objet de la part d’un valet de gascogne, il dit à François 1er:

« Avisez donc si vous avez désir
De me prêter, vous me ferez plaisir
Car depuis peu, j’ai bâti à Clément
La où j’ai fait un grand déboursement
Et à Marot qui est un peu plus loin
Tout tombera, qui n’en aura le soin »

Sur la cloche de la chapelle de Saint Clément (inscrite sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du 29 mars 1929) deux vers de Clément Marot figurent sur la cloche :

« J’ai la langue pendue au milieu de mon corps
J’appelle les vivants et sonne pour les morts »

Clément Marot est l’inventeur d’un jeu littéraire : le blason

 

Contribution : Gilbert Pons    

Jehan des mares

Jehan des Mares, dit Jean Marot (Mathieu, vers 1450 – Cahors, vers 1526)

Malgré une éducation très incomplète car élevé dans une famille pauvre, Jean se forme comme il peut par la lecture du Roman de la rose et autres vieux ouvrages français.

En 1471, il se rend à Cahors où il se marie et exerce le métier de chapelier. Très féru de poésie, il y montre tant de talent qu’il attire l’attention d’Anne de Bretagne.

En 1507, il devient son secrétaire et l’accompagne à la cour de France. Nommé ensuite historiographe par Louis XII, il le suit en Italie dans sa guerre contre le pape Jules II. Il sera plus tard valet de chambre de François 1er.

On lui doit :

  • La Vraydisante Advocate des dames (1506) écrit pour Anne de Bretagne,
  • le Doctrinal des princesses et des nobles dames (1508), dédié à la même,
  • les Voyage de Gênes (1507) et Voyage de Venise (1509) rapporté de l’expédition italienne,
  • l’Épit sur la défaite des Suisses à Marignan (1515).

 

La collégiale Saint Martin

Édifice de style gothique qui abrite des tapisseries flamandes d’exception, la collégiale Saint-Martin fait référence à son constructeur le cardinal Pierre des Prés (vers 1280-1361).

La publication consacrée à cet imposant édifice présente les tapisseries flamandes illustrant des épisodes de la vie de Saint Martin, tissées pour l’église vers 1519-1524 et qui ont été restaurées en 2016.

Visite : Tous les jours, du 01/04 au 30/09, de 8 h à 18 h ; du 01/10 au 31/12, de 9 h à 18 h. Visite libre gratuite ou possibilité de visite guidée sur réservation. Collégiale Saint-Martin. Avenue du cardinal Des Prés, 82270 Montpezat-de-Quercy. Tél. 05 63 02 05 55 (Office de Tourismecontact@tourisme-montpezat-de-quercy.com

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Texte : Emmanuel Moureau  Photographies : Claude Moureau
Graphisme : Jérôme Soleil Graphiste  Édition : édicausse  Causse de Pasturat – 46090 Arcambal 05 65 31 44 00

Les compères

par Bernard Davidou

La canicule qui a sévi en deux mille trois et qui situa cette année parmi les plus chaudes et sèches du siècle, inquiète à juste titre les météorologistes, écologistes et toutes les personnes dotées d’un peu de bon sens. Ce phénomène est d’autant plus inquiétant que si l’on regarde la distribution des années de canicule et sécheresse dans le siècle écoulé, on s’aperçoit qu’elles sont groupées sur la dernière décade.

Ceci signifie que les choses ne s’arrangent pas.

L’absence d’eau pendant plusieurs mois, au moment ou la végétation en a le plus besoin, risque de changer les paysages. La raréfaction des points d’eau et des herbes à des conséquences dans le monde animal et notamment le gros gibier. Celui-ci a proliféré dans notre département, depuis l’introduction par l’homme des biches et de cochon-sangliers. Ces derniers, plus prolifiques que les sangliers si appréciés par notre ancêtre Obélix, sont à l’origine de dégâts considérables dans les vignes de la vallée et les récoltes, maïs ou céréales, des plateaux calcaires du Quercy blanc. Ne trouvant plus, dans les sous-bois, l’eau indispensable à leur survie, ils se rapprochent des lieux habités.

La chaleur, plus que la sécheresse, influence aussi le comportement des humains qui trouvent toujours, dans la fraîcheur de leur cave, le moyen de remédier à la soif, mais sont incommodés par la canicule quand elle dure trop longtemps comme cette année deux mille trois.

Ils travaillent plus tôt le matin, font la sieste ou restent à l’ombre quand le soleil grille la campagne et au réveil, quand «le Mahomet » commence à décliner, font « quatre heures » avant de reprendre leurs occupations. C’est ainsi que Jean Masset, petit agriculteur de S.. en Quercy, sur le plateau de calcaire blanc entre Castelnau- Montratier et Lhospitalet appelait le soleil, depuis que, sur la fin des années cinquante, il avait dû passer trente mois à faire du « maintien de l’ordre » dans les Aurès en Algérie.

Il en avait rapporté, outre une casquette Bigeard et un treillis qu’il ne sortait que pour l’ouverture de la chasse, une fois par an, pour défier la confrérie des chasseurs, dont il n’était pas, quelques mots ou expressions qu’il imposait à son inséparable ami « Gus ».

Nés la même année peu avant la guerre, la vraie, reconnue, celle de quarante, dans le même village, dans deux fermes qui se ressemblaient par leur superficie et jusque dans la disposition en « L » des bâtiments, ils avaient grandi du catéchisme, la communale, le certificat d’études, les premières filles, au conseil de révision, ensemble, comme des frères. Des frères différents cependant car, Jean était fort et hardi alors que Gus était chétif et timoré. Il semblait que Gus ne pouvait vivre que dans l’ombre de Jean. Cependant, bien que ne le laissant pas paraître, Jean avait besoin de Gus et leur amitié faite de complémentarité et de ressemblance faisait qu’ils étaient un, tout en étant deux : On disait les « Compères » ou bien Jean et Gus et on ne pouvait imager citer l’un sans l’autre.

C’est après cet événement capital, censé représenter l’entrée dans le monde des adultes, que cessa, pour un temps du moins, le parallélisme de leurs vies. Jean fut déclaré « bon pour le service » Gus ne le fut pas. Ceci valut au premier de partir deux mois apprendre le métier de soldat à Castelnaudary, puis finir le reste de son temps en Algérie à « crapahuter » dans le bled, tandis que le second restait à S.. à s’occuper de sa ferme et de celle de son ami dont il aidait les Parents.

Pendant l’absence de son ami, le réformé, qui ne s’appelait pas encore Gus, prit l’habitude d’aller au café, à Castelnau, le samedi soir. Il passait là plusieurs heures en pensant à Jean qui dans ses lettres lui racontait sa vie. Il croyait se rapprocher de lui en buvant la même bière. Sa mère lui ayant dit qu’il avait de la chance, il prenait parfois un billet de loterie et effectivement il gagna le gros lot.

De ce jour il cessa les soirées à Castelnau et décida d’acheter un tracteur. Il aurait pu choisir un Renault, dont le concessionnaire était un copain, ou bien un David Braun qui ont si bonne réputation mais il hésitait constamment regrettant le premier quand il était devant le second et inversement, incapable de choisir seul. Il se décida pour un Massey-Fergusson neuf de quarante-cinq chevaux, sur le conseil de Jean qui voyait chaque jour une machine de cette marque dans la ferme du « pied-noir » qu’il protégeait des rebelles. Comme il ne leur avait rien dit de son gain au jeu, les voisins et les amis furent surpris, parfois jaloux. Le premier compère s’appelant Masset, la logique populaire fit qu’on baptisa le second Fergusson. Avec le temps on finit par l’appeler Gugus puis tout simplement Gus et on oublia l’origine ou l’historique de ce surnom.

Après cet intermède militaire et « française des jeux », Jean retrouva son ascendant sur son copain dès son retour d’Algérie et la vie reprit comme si les « évènements » ne l’avaient pas interrompue. Elle s’écoula simplement, comme hélas bien souvent pour les petits agriculteurs, célibataires par défaut, usés, cassés par le travail, mais heureux et libres comme des seigneurs qui n’ont jamais eu ni toit ni maître dans l’exercice de leur si pénible mais noble métier. La noblesse a changé et ils ne le savent pas. Elle est dorénavant dans l’alignement des melons sous plastic ou dans la féerie des jets d’eau qui prennent leur source dans les lacs collinaires.

chasseEn cet après-midi de septembre deux mille trois, à l’ombre dans la maison de Gus les deux compères faisaient « quatre heures » en attendant le déclin du « Mahomet ». Les volets fermés à cause de la chaleur laissaient passer à travers leurs planches rongées par le mauvais temps et le Pic-Vert, assez de lumière pour éclairer la longue table recouverte d’une toile cirée tachée. Dans la partie la plus sombre et reculée de la pièce, la pendule par son tic-tac régulier assurait la continuité entre présent et passé. Bien des choses avaient changé depuis leurs vingt ans. Les parents étaient décédés leur laissant les bâtiments et les terres mais aussi tous ces petits travaux domestiques qui font la vie d’ une maison et qui sont souvent encore le domaine réservé et quotidien des femmes.

Restés célibataire, de renoncement en négligence, leurs maisons respectives étaient mal tenues et sales. Sur la table, à même la toile cirée, calée par deux pierres, un tonneau de vin évitait la fatigue des escaliers de la cave après la journée courbé dans les champs sous le soleil. Le jambon plié dans son drap douteux était lui aussi en permanence sur la table, à portée du grand couteau qui ne voyait pas souvent l’évier. Au plafond pendait un attrape-mouches indispensable à cause de la proximité de la grange dont les bêtes remuaient leurs chaînes en chassant les mouches dans de grands mouvements circulaires de cornes.

Pourtant certains agriculteurs dans les vallées du Lendou ou de la Barguelonne avaient suivi le progrès. Ils produisaient des melons ou des semences ce qui leur assurait de meilleurs revenus et leur avait permis d’accroître leur surface agricole utile.
Chez l’un comme chez l’autre de nos Compères, la vie semblait s’être arrêtée après le départ des Parents et se dégradait doucement depuis. Heureusement leur amitié était intacte et, ayant renoncé à pratiquement tout le reste, elle leur était devenue indispensable. Ils s’en nourrissaient chaque jour sans se soucier des voisins, qui les voyaient sombrer dans la marginalité sans trop chercher, à de rares exemptions prés, à leur tendre la main. Avant leur retraite, le maire avait obtenu un petit secours qu’ils refusèrent vexés d’être traités comme des indigents. Après la liquidation de celle-ci ils connurent une aisance dont ils ne soupçonnaient pas qu’elle put exister. Ils s’autorisèrent un voyage au Pas-de-la-Case en autocar, départ le matin retour le soir, paëlla comprise. Comprenant leur participation à cette sortie en commun comme le désir de rejoindre la communauté, le club du troisième age de la commune de S… leur proposa d’adhérer. Ils répondirent la même chose avec presque les mêmes mots, sans s’être concertés : « J’adhérerai à votre club quand je serai vieux. »

Pendant leur collation de « quatre heures » la conversation avait abordé encore une fois leurs deux sujets de prédilection qu’étaient, dans l’ordre, les Anglais et les dégâts causés par le gros gibier.

Les vieilles maisons paysannes sont depuis quelques années devenues à la mode et souvent rachetées par des sujets fortunés de sa gracieuse Majesté. Ainsi leurs fermes étaient cernées par un ballet incessant de voitures immatriculées GB. Ceci irritait Jean qui voyait dans cette invasion pacifique, la fin du pays qu’il l’aimait « tel qu’ il était avant ».

Après leur solide casse-croûte fait de soupe, chabrot, d’un reste de poulet froid et de jambon, le tout bien arrosé de rouge et ratafia, Jean s’avança sous le bolet de la terrasse et d’un regard circulaire reprit possession de son causse. Dans la grange la « Marquise », une blonde d’aquitaine fraîchement délivrée d’un veau qui faisait l’orgueil de Gus meuglait de façon pathétique en tirant sur sa chaîne. « Elle a soif elle aussi » dit-il en ajustant son béret. Le soir tombait et la fournaise se calmait comme à regret. Dans la lumière déclinante mais encore agressive, Jean aperçut une tache sombre au fond du champ de maïs, du côté de la maison de l’un de ses voisins anglais. Il jura et rattrapa Gus qui se dirigeait vers sa grange ou Marquise meuglait toujours.

– « Pas le temps dit-il, on verra après, allons chercher ton fusil : les sangliers dévastent le maïs. »

De retour dans la pénombre de la pièce, il débarrassa un coin de toile cirée qu’il essuya d’un revers de main et disposant la bouteille pour simuler le noyer, le couteau pour la haie d’aubépine et le verre pour la bête il expliqua à son soldat comment progresser vers l’objectif sans se faire voir, , … comme en Algérie. Puis décrochant le « manufrance » du grand père il introduisit deux chevrotines et tendit l’arme à Gus. Comme ils atteignaient le bas de l’escalier, le téléphone sonna :

– « Laisse tomber dit-il, il rappellera. »

Gus progressait le long de la haie tandis que Jean par une manœuvre tournante se disposait à rabattre le sanglier sur lui.

– « Gus, tu le vois ? »

– « Oui, je le tirerai quand je serai à hauteur du noyer. »

Jean se rapprocha de la bête dont il commençait à bien cerner les contours. Il le trouva très gros et s’en réjouit. Soudain son visage, illuminé par la boisson, se figea. Il fit quelques pas de plus et agitant ses grands bras comme les ailes du moulin de Boisse, en courant vers elle il cria plusieurs fois :

– « Halte feu, Halte au feu, … Milladiou, … C’est le bedel de la Marquise .»

Attaché à la haie par ce qui restait de la corde de cisal effilochée, mouillé comme un canard, ils trouvèrent le fugitif avec qui ils rentrèrent penauds et silencieux à la ferme.

Quand ils furent à nouveau attablés devant un verre de ratafia pour se remettre de leurs émotions, le téléphone sonna à nouveau. Gus se leva et décrocha. Il reconnut la voix de son voisin l’anglais :

– « Hello Monsieur Gus, votre viô, il est tombèè dans ma piscine. Je vous ai accroché à l’arbre, fond du champ. »

Il bredouilla un merci et raccrocha.

Dehors l’air devenait enfin respirable et les bêtes dans la grange appelaient pour les soins du soir.

Bernard DAVIDOU Juin 2004

Le voyage

par Philippe Desjeux
Extrait ...

Il avait été prévu de quitter le Val de Loire pour rejoindre le Quercy et de passer quelques jours dans la propriété dont Flavien avait hérité des ses parents dans le Lot.

Après Brive et Martel, après le passage de la Dordogne à Montvalent la route remonte sur le causse de Rocamadour, traversant des étendues caillouteuses, plus ou moins désertiques, parsemées de loin en loin de bouquets de genévriers autour desquels poussent seulement quelques herbes rares. Et puis, tout d’un seul coup, en arrivant à Alvignac, le paysage change. On quitte le causse pour rentrer dans la Limargue, cette bande de terre fertile et verte, qui s’étend au nord, de Rocamadour à Saint Céré, en passant par Padirac. La coupure d’avec le causse est très brusque, mais, néanmoins, les habitudes de vie, de l’un ou l’autre coté, ne diffèrent guère. Le sentiment d’appartenance à une région bien déterminée ne touche pas les autochtones. Pourtant les familles ne sont pas dispersées. Elles vivent depuis toujours dans les mêmes lieux, sur les mêmes terres, enracinées.

En fin d’après midi, après avoir traversé cette bande de terre fertile, ils arrivèrent de nouveau dans le causse, de l’autre coté de Gramat, à Lunegarde. C’est là que Flavien avait sa propriété, un manoir du XVIII ème siècle, carré, trapu, avec une cour intérieure marquée en son milieu par un puits à qui l’on avait gardé son caractère un peu vieillot.

La maison, couverte de lierre, dans le style des maisons quercynoises, au toit de tuiles vieillies, était flanquée à l’ouest d’une tour carrée, qui, sans doute jadis avait servi de pigeonnier, mais où une vaste chambre confortable avait été aménagée. La vue par les fenêtres qui donnaient sur le causse portait au loin jusqu’à la braunhie, cette forêt de petits chênes rabougris, dans laquelle les promeneurs non initiés pouvaient se perdre.
Cette maison, le manoir de Tartadelle, avait été la propriété des parents de Flavien après la guerre de 1914. Son père l’avait restaurée avec soins ; sa position en dehors du village de Lunegarde l’avait séduit. Isolée, sans maisons voisines que l’on pouvait voir, elle était entourée d’une trentaine d’hectares de cailloux et de landes, où seule, sur une petite colline, avait été plantée une vigne rabougrie, qui à l’époque de son acquisition donnait un mauvais vin, proche d’une amère piquette. Depuis, le travail, le savoir-faire de son père, lui avait permis en quelques années de produire un vin très buvable. La rentabilité qui couvrait les frais de cette propriété était assurée par un troupeau de moutons aux yeux noirs qui font la renommée des moutons du Quercy.

Flavien était né dans cette maison et gardait pour elle une très grande tendresse. Il y avait passé naturellement sa plus petite enfance, un peu en sauvageon courant dans les bois, libre de toutes contraintes, autres que d’être à la maison aux heures des repas, signalées un quart d’heure avant par une sonnerie de la cloche qui avait toujours eu un son particulier dû au fait qu’elle avait été fêlée un jour par le gel d’un hiver rigoureux. Et puis un second appel signalait qu’il fallait se mettre à table, les mains propres.
– Mon père, dit Flavien, avait sa place au milieu de la table, en face de la grande cheminée, au-dessus de laquelle, semblant comme vous narguer, était accrochée la tête d’un énorme sanglier aux défenses inquiétantes. Cette salle à manger a gardé le décor que j’ai toujours connu. Je n’ai rien changé, en partie pour conserver la tradition, en partie parce qu’elle me plait telle qu’elle est. Sur un corbeau de pierre est placée une statue ancienne d’une sainte dont la tradition disait qu’il s’agissait de Jeanne d’Arc, et sur lequel mon père avait fait graver la devise  » Ne t’hesbahit pas, mais prend tout en gré, Dieu t’aidera  »

Flavien avait fait préparer les chambres. Lui retrouvait la sienne en haut de la tour dont les fenêtres donnaient au sud et à l’ouest, d’où il avait une vue étendue sur la campagne et d’où, par temps clair, il pouvait voir jusqu’au château de Rocamadour. Pour Prisca il avait choisi la chambre que sa grand’mère avait occupée à la fin de sa vie. Mais il n’avait pas voulu la séparer de Tiphaine à qui il avait donné la chambre contiguë que ses sœurs avaient choisie au cours de leurs présences à Tartadelle …

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