C’est à Cahors, en 1990, que j’ai pour la première fois rencontré le travail de Didier Chamizo. À la faveur d’une exposition-vente, ce Cadurcien a investi la caserne Bessières, démilitarisée depuis peu. L’artiste n’est pas là. Il est retenu, entre quatre murs, à Lyon. Mais, sur les parois grisâtres du bâtiment, quelle explosion de couleurs, de formes et de liberté! C’est, pour moi qui en ai vu d’autres, une révélation. Ce n’est pas tout à fait une découverte car ma femme, Annette Kahn, alors rédactrice en chef adjointe au Point et spécialiste des affaires judiciaires, m’a déjà parlé de ce Chamizo. Au hasard d’une visite faite dans les prisons de Lyon en compagnie du procureur Pierre Truche, elle est enthousiasmée par les fresques peintes sur le béton des couloirs souterrains qui relient les deux centres pénitentiaires Saint-Joseph et Saint-Paul. Le cinéaste François Reichenbach et Alain-Dominique Perrin, initiateur de la fondation Cartier pour l’art contemporain, avaient déjà été séduits.
De la prison à la caserne, les toiles n’ont rien perdu de leur force, bien au contraire. Les tableaux cristallisent les pulsions libératrices. Ils font vibrer les accents de la révolte, non pas celle de l’artiste contre son propre sort, mais de façon plus générale, plus universelle, contre l’injustice, la violence, l’oppression, la guerre… On ne peut pas rester insensible à cet appel qu’en d’autres temps et sous d’autres formes clamait un Victor Hugo. On connaît la suite : l’exposition quai Albert-Ier à Paris, la même année, où, dès le soir du vernissage, dix-sept des dix-neuf tableaux présentés sont vendus; la libération de Chamizo, sa grâce… Et, sans discontinuer, cette fringale d’expression, cette frénésie de peindre, de rattraper le temps perdu, de se venger de la contrainte passée en créant toujours plus.
Demosthenes Davvetas, critique d’art renommé, considéré comme l’un des meilleurs connaisseurs de l’art contemporain, ne s’y trompe pas : il classe Chamizo dans la lignée des grands artistes qui, forts d’une expérience personnelle dense et d’un vécu intense, ont contribué à enrichir et à renouveler le langage plastique. Et, surtout, il est de ceux qui font sortir l’art de ses frontières pour le rendre accessible au plus grand nombre.
De son parcours explosé – à tous les sens du terme – d’où il est revenu avec des convictions fortes, généreuses, et une ligne de conduite tendue vers l’action et la création, Didier Chamizo présente à Cahors le panorama coloré. Ce n’est pas seulement une rétrospective, c’est un ressourcement et un tremplin pour la conquête de nouveaux espaces de l’art.