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Fabien Galthié Lotois de coeur

Le Quercy vu par Georges Coulonges

Quelques années avant sa mort, en octobre 2001, Quercy Net avait demandé à Georges Coulonges de nous parler de son Quercy !

Voici le texte qu’il nous avait gentiment adressé.

 

Fait du Lot et du Tarn-et-Garonne, de truffes et de chasselas, de roc et d’eau vive, de moulins, de châteaux, de ciel large et de grottes multiples, le Quercy a deux capitales : Cahors et Montauban.

Mon grand-père était né à Montauban. J’habite à quelques petits kilomètres de Cahors.

A Cahors se dresse, magistral, majestueux, le pont Valentré. Dés que je le vis, portant ses trois tours au-dessus de la rivière, dès que j’appris qu’en sept siècles jamais il n’avait cédé à l’ennemi, je décidai qu’il serait mon ami.

Mieux : sans modestie aucune, je décrétai qu’il me ressemblait, qu’il est un peu moi-même : il n’attaque jamais. Mais… si on l’attaque, on le trouve. Solide. Lorsque je vais le voir, à voix basse – pour ne pas effaroucher les touristes – je fredonne l’une de mes chansons que Ferrat mit en musique, chanta, porta au succès. Elle s’appelle Potemkine et n’a, bien sûr, rien à voir avec les barques qui glissent sur le Lot. Il n’empêche : il est des jours où (ne le répétez pas), je crois que, dans sa pierre, le pont, sûr de son droit, chante avec moi :

M’en voudrez-vous beaucoup si je vous dis un monde
Où l’on n’est pas toujours du côté du plus fort ?

A Montauban, bien sûr, vous connaissez la place Nationale, cette merveille entourée de briques roses, d’arcades, de galeries que l’on admire à la première rencontre, qui nous émeuvent lorsqu’on apprend qu’elles avaient nom « Couvert des fleurs » et « Couvert des sabots », « Couvert des drapiers » mesurant à l’aune de bois le cadis, gloire de la ville et fortune des tisserands.

Sous ces couverts peut-être joua mon grand-père. Et sur les bords du Tarn aux moulins imposants, aux gabarres emportant vers Bordeaux, les Colonies, les Amériques, le travail des hommes d’ici, joua sans doute ce petit garçon qui devait devenir M. Jean-Auguste Ingres, peintre de son état et violoniste à temps, peut-être pas perdu.

Le Musée de Montauban s’appelle le Musée Ingres. Le violon de M. Ingres est à l’intérieur du Musée. Le Musée est un étui grandiose, dominant le Tarn et valant dans sa pierre et ses bois autant que les expositions toujours renouvelées, toujours belles qu’il présente.

Cela commence par les sous-sols où somnolent, désormais inutiles, les instruments de torture de jadis. Montons. La torture disparaît, la culture se montre.

Oui, comme le pont Valentré, le Musée Ingres m’est cher : enfonçant la barbarie, il s’élève vers l’art. C’est-à-dire vers la Paix.

J’aime la paix du Quercy.

Je la trouve dans la plaine et sur le causse, au détour du chemin. Je la respire, je la garde et parfois je la mets dans un roman. Pour la partager.

Avec vous.

 

 

Georges Coulonges

auteur populaire, scénariste de télévision.
Il résida plus de 35 ans en Quercy Blanc  1923-2003

Si la chanson oblige l’homme à faire une toute petite gymnastique cérébrale, elle devient cet instrument grâce auquel l’homme se cultive. GEORGES COULONGES

La France entière a chanté et chante encore du Georges Coulonges. Car cet écrivain aux talents multiples, né le 4 avril 1923, à Lacanau, fut d’abord auteur pour les plus grands de nos chanteurs:

Potemkine, La fête aux copains et la commune pour Jean Ferrat, L’enfant au tambour pour Nana Mouskouri sont de lui.

Et Marcel Amont, Mouloudji, Les Frères jacques, Juliette Gréco, Bourvil, Annie Cordy,… lui doivent une part de leur succès, sans oublier, bien sûr, ce gigantesque PARIS POPULI qui, en deux heures de chant original, raconte sur une musique de Francis Lemarque l’histoire de Paris de 1789 à 1944.

Parallèlement, pour son premier roman, Georges Coulonges reçoit des mains de Jules Romains le Grand Prix de l’Humour 1964, suivi, pour son deuxième ouvrage, en 1966, du Prix Alphonse Allais.

Dès lors, il s’éloigne peu à peu de la chanson, pour laquelle il écrit encore deux essais très remarqués : LA COMMUNE EN CHANTANT, étude fouillée de la Commune de 1871 à travers les textes de ses chansons (dont il tirera un spectacle chanté notamment par Mouloudji) et LA CHANSON EN SON TEMPS, que ses confrères récompensant d’un Prix Exceptionnel de la SACEM. En 1980, la même SACEM couronne Georges Coulonges pour l’ensemble de son oeuvre.

II écrit ensuite pour la télévision et fait entrer Anatole France dans les foyers avec La Rôtisserie de la reine Pédauque, jouée entre autres par Georges Wilson. II adapte également ses propres romans : Pause-Café, Joëlle Mazart et La Terre et le Moulin.

Véritable « baladin de l’écriture », c’est au théâtre qu’il mène alors ses pas en écrivant pour Jean-Louis BARRAULT deux de ses plus belles réussites : Les Strauss et Zadig, d’après Voltaire, qui sera couronné par le Prix Plaisir du théâtre en 1979.

Depuis 1984, Georges Coulonges se consacre au roman. C’est d’abord la grande série romanesque des CHEMINS DE NOS PÈRES dont le cinquième volet, LA FÊTE DES ÉCOLES, contant l’aventure en Aveyron, à la fin du siècle dernier, d’une jeune institutrice partagée entre sa foi religieuse et son désir de servir l’école de la République, comptera plus de 400 000 lecteurs. La télévision le rappelle alors et son roman LES TERRES GELÉES, paru en 1994, est adapté par France 3 l’année suivante.

LA MADELON DE L’AN 40, (1995) – qui raconte l’histoire d’une adolescente révoltée par la défaite de 1940, par l’arrivée des Allemands et le comportement de ceux qui, dans son village, l’acceptent trop facilement et L’ENFANT SOUS LES ÉTOILES (1996) sont encore et toujours la plus belle illustration de ce que disait Jean-Louis Barrault :

 » Tout ce que Coulonges écrit est savoureux. Cela a du rythme. II y a du soleil dans son style. »

LES FLAMMES DE LA LIBERTÉ, (1997) parle du climat paroxystique de la France de 1944 où les passions exacerbées des habitants d’un village girondin se font jour: héroïsme ou lâcheté, haine ou amour. Dans MA COMMUNALE AVAIT RAISON (1998), Coulonges raconte sa vie jalonnée de rencontres, amis, interprètes, artistes ou comédiens, dont il fait le portrait vivant et pittoresque. LES BLÉS DEVIENNENT PAILLE (1999), narre la vie d’un couple, bouleversée par des circonstances exceptionnelles au début de 1914. Entre Albin, catholique patriote, et Janotte, protestante pacifiste, l’amour est-il possible ?

Dans L’ÉTÉ DU GRAND BONHEUR, Georges Coulonges évoque la joie des premiers congés payés en 1936 à travers le portrait de deux adolescentes. Ce livre a reçu le Prix des Maisons de la Presse 2000.

Mai 1968 et Limoges plantent le décor de son roman DES AMANTS DE PORCELAINE où, avec beaucoup de justesse, Georges Coulonges évoque le bouleversement des rapports parents / enfants.

En mars 2002 paraît LE PAYS DES TOMATES PLATES, une satire savoureuse sur notre société.

Texte bibliographique : Presses de la Cité, production Jeannine Balland, mars 2002.

Il décède le 12 juin 2003 dans sa maison « La Cachotte » à Lhospitalet.

 

Poèmes de Paul Froment

Retrouvez ci-dessous en graphie normalisée,

quelques poèmes de Paul Froment 


Nadal

Tot lo monde al canton s’arruca
Près del fuèc,viu coma un radal
E dins cada foguièr s’aluca,
Flamba la soca de Nadal.

De castanhas, a la velhada,
Grílhan e mínjan, dinc’apuèi
Qu’aniràn, figura emborlhada,
A la messa de mièjanuèit.

Dins son cap baissat l’ancian folha,
Cèrca quauque vièlh sovenir ;
La mamet, filant sa conolha,
Ditz un conte a ne’n plus fenir

Parla d’un prince a fièra mina,

Polit, joine e qué sabi mai !
Los drollets prés de la menina,
D’escotar s’alàssan jamai ;

E la blonda filheta ainada
Que dejà n’a pàs fred als-uèlhs
Rèiva benlèu que n’es l’aimada
D’un bèl galant d’aquels temps vièlhs.


En processiu

L’autre jorn qu’èra l’Ascensiu,
Sèi estat a la processiu,
Coma pas un en devociu.

Tant que podiái los uèlhs a tèrra,
Renat coma un soldat en guèrra
E la man dreita sus l’esquerra.

Son braç anant balinç-balanç,
Lo de darrèr vai me possant
Suls talons d’aquel de davant.

Lo solelh sus òmes flambava,
Sus las femnas, lo vent bufava,
E sus tots la calor tombava.

Dus per dus, plan-planet, tot doç,
Sul camin blancós e poscós,
Nos n’anàvem coma d’aucons.

En lai, la campana tintava,
Davant, la banièra flotava,
E darrer , lo curè cantava.

Cantava <<Criste, audi-nòs !>>
E los clèrcs, n’as aquí ne’n vòls,
Respondián, un fin, l’autre gròs.

Un degaunhava lo tonèrre,
L’autre, un pòrc que per tuar van quèrre,
E l’autre, las vacas del Pièrre.

Per tenir las femnas en reng,
Vai un vielh fabricièn que ten
Lo baston de comandament.

Près de las polidas se carra
E travèrs las joinas se sarra.
– L’an que ven, io, preni la barra ! –

E flor de lire al cur tot blanc,
Las filhetas, alai, davant,
Polidas coma un sòl se’n van !

En cantant, de printemps vestidas,
Sembla autant de ròsas floridas
Al solhel de mai espelidas.

Tant frisada coma d’anhèls,
N’i a que pòrtan al cap dels pièls
Un folard, d’autres de capèls

Ronds e grands coma de crubèlas
Que suls uèlhs, flambentas estèlas
Semblan d’eteignoirs a candelas.


Flor d’estiu

L’aire risent, tendre, amistós,
La pèl canda, la talha fina
E color d’òr, un pièl sedós,
Mitat defèit, frisant l’esquina,

L’uèlh, coquin, temptaire, amorós,
Viu, coma un miralh ilumina;
Sus sa boca, niu de potons
L’enveja vai cridant famina.

Mai leugèra qu’un parpalhòl,

Canta en venint de la segada
Milhor que cap de rossinhòl.

Son corsatge fai badalhòl
E, dinca el sen mièi despolhada;
Lo vent folet baisa son còl.


Per segasons

(Vist e sentit)

De las clicas dinca a la nuèit,
Lo blat rostit daureja anuèit
Coma lo solelh que l’a cuèit.

Un aigat de calor rajòla
D’aquel grand lustre que pindòla,
E la cigala se desòla.

Canta, vaquí tot çò que fai;
D’aicí, d’amont, d’aquí, d’en-lai,
Crida, mès trabalha jamai.

En ausint parèlha ressèga
Qu’estorditz las gents d’una lèga,
Lo paisan del lièit se derega.

Cal segar ! Lo blat es madur,
E, de paur qu’arribès malur
Diu s’arremausar viste e dur.

Es temps d’atrapar la faucilha;
Avant l’alba cadun se quilha
e dins los grans camps s’escampilha.

Lo rastolh atend de volams,
La canha a quitat los fenhants;
Partèm totis, pichos e grands;

Totis partèm a la segada,
L’utís al punh, mancha troçada.
E nos alinham en cordada.

Fasèm lo signe de la crotz.
Que Diu nos presèrve surtot
De tot mal ! en tot e pertot !

Començam: lo de davant tira,
Per lo siègre cadun s’estira,
En pausant juste se revira.

Un galòpa l’autre que fug,
Jan vai cauçat, Pièrre pè nut,
Paul marcha mèma tot cap nut.

Omes, vièlhas son en camisa,
Mès lo mantèl de nuèit defisa
Sus las dròllas tota analisa.

Portant un fin cotilhonet
Daissa prene l’aire al molet
E de genolhs mostra un cornet …

Lo vent folet que permena
Davant io fai flotar sans pena …
En curiós bufa a pèrdre alena.

Malur d’aver de distracciu !
Al flotament plen d’atenciu,
Ei picat un artelh al viu !

Ma curiosetat es pagada:
Per una maudita pensada,
Tortejarèi una mesada !

***

Lo pif en l’èr, rens corbats,
Lo morre al sòl, aquí doblats,
Copam, marcham escambarlats.

La tèrra se desemmantèla,
Darrèr nosauts cada gabèla
Pareis un riban de dantèla.

E davant, quitam pel costat,
Coma una mar d’espics de blat
Que lo vent fliussa a volontat.

L’òme, dins la granda estenduda,
Sembla una formic que se muda,
E portant l’aurà lèu tonduda.

***
Al solelh que tomba d’aplomb,
En aiga l’esquina se fond;
Un riu pissa del cap al fons;

E de susor nòstre front nada.
La luseta, seca, cramada,
Auriá besonh d’èstre luntada.

Pintam, pintam coma de traucs,
A plens veires, a plens ichaus,
E mai bevèm, mai venèm cauds.

Mès cada còp quaqu’un s’entalha,
Copa un det per copar la plaha,
Lo sang pissa coma en batalha …

De romècs e d’arrèsta-buèu,
De caucides, pertot ne plèu,
Dins las patas s’engúlhan lèu.

Sans permissiu e sans patanta,
N’èi sentit dintrar mai de cranta;
Un tronc sortit, l’autre se planta.

En veirent aquò, me sèi mes
Chirurgien; opèri per res,
Jamai digun n’a pus mens pres !

Tiri los troncs sans far de plaga,
Surtot als dets finòts sans baga
Dont la mèstra dins l’uèlh me paga !
***

« Ardit ! anem, nos cal botar,
Ça dits quauqu’un, viste e cantar ! »
Son tot prestes l’escotar !

E còp sec, d’una voès qu’enaira,
Fan bronzir la marcha tindaira
D’una vielha cançon segaira.

Aquò derevelha en passant,
Dels talons fai montar lo sang,
E dins las regas nos preissam.

Nos preissam tant qu’apuèi nos triga
D’adreçar los rens de fatiga,
E la coina ven nòstra amiga.

A pena avèm juntat las celhas,
Una voès bufa a las aurelhas;
« Se cal tirar de per las pelhas ! »


La cancon de la cigala

Levatz-vos, pauròts,
Cauçatz los esclòps,
E, lonjant la sèga,
Començatz, amics,
Dins lo talh d’espics !
Sèga, sèga, sèga !
En copant lo blat
Quilhetz pas lo cap
Per çò qu’avèm triga;
Arribats amont,
Galopatz al fons.
Sèga, sèga, liga !
Lo volam en man,
D’un jorn a doman
I a log d’una lèga,
Mès cal tirar dur,
Lo blat es madur.
Sèga, sèga, sèga !
Goiats, al trabalh !
Quitetz pas l’ostal.
D’anar veire miga
N’es plus la sason
Per velhar ‘l canton.
Sèga, sèga, liga !
Copatz bas e rond,
Tot fai plan besonh
E quand se derèga,
Sul volam, en crotz,
Ziu ! passatz la cot.
Sèga, sèga, liga !
Quan siòsque matin,
Viste cal partir
Car ciá que Diu crèga
Diuriá s’amassar
Sans tròp trigossar.
Sèga, sèga, sèga !
Que cadun amb io
Cante sa cançon,
De mon ziga-ziga,
Tot en caminant,
Seguiretz lo lanç.
Sèga, sèga, liga !


Pels paures !

A Jacques de Bonal

Riches, revelhatz-vos !… L’ivèrn negre qu’apròcha
Vos diu far sovenir dels malurós sans fuèc,
Sans un bocin de pan, sans un sòu dins la pòcha,
Sans abric per passar la nuèit.

Sèm per nos adujar dins aqueste bas monde;
Lo bon Diu nos a fèits per tant de nos aimar:
Donatz, riches, donatz ! Que vostre cur responde
Al que vos alonga la man.

Dels bens qu’avètz reçuts fasètz un bon usatge,
Si voletz viure urós e morir sans socis
Donatz als paures vièlhs que tot corbats per l’atge
Tristament siegon los camins.

Pels que a l’entorn de vos vívon la sofrença,
Tròp fièrs per demandar, rescondent lors dolors;
Sans o lor far sentir, sioguètz lor providença,
Sans dire res secorrètz-los.

Prenètz pietat d’aquels que n’an paire ni maire,
Coma d’ausels sans niu abandonats solets;
Que, pertot rebutats, digun n’aima, pecaire;
Pensatz als paures pichienets !

Donatz, n’auretz plan pro ! Quand seretz dins la tomba,
N’auretz besonh de res, ni res vos servirà;
Vostre òr se n’anirà coma l’aiga que tomba,
Lo bien fèit sol vos restarà.

Al mes n’aublidetz pas los de dins la misèra,
Zo meriten o non, donatz, donatz totjorn !
Diu vos en tendrà compte a vòstra ora darrèra;
La recompensa aurà son torn.

Lo Calelh, 23 d’octòbre de 1892


Lo ressegaire

Es amont, pincat dins l’aire.
Sus son chavalet tot dreit,
Fague calor, fague fret,
I es totjorn, lo ressegaire.
De sa femna, de son paire,
De son dròlle pichienet,
Cal que ganhe lo panet.
A ! cal far mai que se jaire !
Agusa quand pica gaire
Sa ressèga, beu s’a set,
S’a talent, minja’n crostet.
Guèita se tot vai d’escaire
E pincat amont, tot dreit,
Ressèga sul chevalet.

Massels 1892 – (Lo Calelh, 15 de març de 1892)


Novembre

La fuèlha dels albres rosseja
Tombarà dins gaire de temps.
Bufa dejà la bisa freja;
L’ivèrn adara nos atend.

Dins los bòscs despolhats e tristes,
Los casses van èstre flaurits
E los auselons que havem vistes,
Pendent los bèls temps son partits.

L’iròndela se n’es anada,
Quitent nòstre cèl sombre e gris,
Vèrs una pus doça contrada,
Luènh, plan luènh, dins un caud païs.

Los brolhards, la plèja, los gibres,
Arríban per nos enojar.
Grivas e mèrles pels genibres
Cèrcan quaques gruns a minjar.

Dins los prats capelats d’albièra,
buèus o vacas paisseran plus.
Caldra restar sus la litièra,
Per tots mets verds, de caulets crus.

Mosca, parpalhòl e ligosta
Disparesséran a bèl talh,
Quand pels rius lo gèl farà crosta,
Cambiarà l’aiga en fred cristal.

Lo solelh, plen de fenhantisa,
Se levarà plus de matin,
Cobèrt de quauqua bruma grisa,
Lo pus sovent per l’escantir.

E la nèu, de sa raubba blanca,
Sailarà las planas, los tucs,
Per aquèls que son a tot manca,
Piètre temps, pels paures pè-nuds.


Vendenhas

Nòstres valents paisants, lo long de la penjada,
Pér anar vendenhar se son escampilhats;
En man los grans panièrs, atentifs e corbats
Amàssan vistament la recòlta sucrada.
Quan del bèl madur, la desca es emplenada,
Líuran dins lo tonèl ont los rasions grudats,
Bulíran pauc a pauc, cada còp empacats,
E forníran bien lèu la liquor tant aimada !
Qu’as d’amics, paure vin, tu qu’escauduras tant
Lo còs. l’esprit, lo cur. Per io, res qu’en pensant
A ton gos parfumat, me’n prusís la luseta !
S’enquèra los marchands te daissàven tit pur !
Mès lo diable sol sap qual es lo pus volur;
Nos fóton un bardís que val pas de piqueta !


Floressàs, mon país natal

Benlèu de mos lecturs que m’interèssi gaire,
Digun n’a jamai vist l’endreit ont sèi nascut
E d’ont sèi davalat aiciu, tal qu’un perdut,
En quêtant mos amics e mon paire e ma maire.

O Floressàs aimat, per tant de poder plaire
Al passant que te vei, sès pas pro bien metut !
Mes ses mon brèç, es pro, t’èi totjorn conescut,
Ei galopat tos camps e viscut de ton aire.

Tanben, se quauque còp vèni te visitar,
Corri mai qu’un lapin, mon cur bat a petar
Quand vesi puntejar tas duas tors que s’enàrtan.

Aquò’s pus fort que io, me ven la grema a l’uèlh
En pensant al bèl temps, dins l’ostal paternèl…
A ! malurós tres còps, malurós los que pàrtan !

(Lo Calelh. 1èr de janvièr de 1893)

Paul Froment

Humble et charmant poète laboureur
(1875-1898)

Paul Froment est né près de Floressas, commune de Puy-L’Evêque dans le Lot, le dimanche 17 janvier 1875.On peut voir encore, au hameau de Lamuraque, à 1.500 mètres du bourg, l’humble maison, aujourd’hui transformée en grange, où il vit le jour.

Il était l’aîné d’une honnête famille de petits paysans, à peu près ruinés par le phylloxéra, qui prirent le parti héroïque, pour payer quelques dettes, de se mettre en condition.

Aller à la journée dans les fermes voisines, puis se louer à l’année, ce fut aussi le sort de Paul, dès que ses bras eurent la force de tenir un outil, c’est-à-dire presque au sortir de l’école primaire.

Nous le trouvons, en 1892, à Massels, près de Penne, en Agenais. Dès ce moment, sans aucune préparation livresque, ignorant même les notions élémentaires de la prosodie, il commence à rimer, tout en labourant, ses premières inspirations.

« Au bout de chaque sillon la stance s’envolait (fragnolo); à la fin du journal de labour, il tenait son poème. « 

1892, c’est l’époque où Victor Delbergé lance, à Villeneuve, un petit journal de patoisants, lou Calel, largement ouvert à toutes les bonnes volontés; Froment y fait ses débuts (15 mai 1892), y rencontre quelques bons amis: Alban Vergne, Aristide Salères, et devient un collaborateur régulier et apprécié du journal.

En 1893, se trouvant à Bélugue, près de Floressas, il fait la connaissance d’un écrivain de talent, son voisin de Ferrières, Francis Maratuech.

Celui-ci a raconté, comment il fit la conquête de cet adolescent timide et un peu ombrageux, sa joie de le voir arriver chaque soir dans le négligé de sa tenue de travail et les bonnes veillées littéraires, sous le manteau d’aïeule de la vaste cheminée, où on lisait en commun quelques pages à la lueur économique du calel.

Ce qu’il faut noter, c’est l’influence des plus heureuses qu’exerça Maratuech, homme de goût autant que de cœur, sur le développement du jeune talent. Il fut des premiers à comprendre le poète et à l’encourager. Leur amitié ne se démentit jamais et, après avoir mis à Flous de Primo une préface étincelante, Maratuech fut en quelque sorte l’exécuteur testamentaire de Froment et donna à la Revue de France et au Feu Follet les derniers poèmes que nous connaissions de lui.

L’existence de Froment se partage dès lors entre Floressas, où il fait des séjours prolongés, et la région de Villeneuve, où il occupe diverses places.

En 1895, Froment – il était alors valet de ferme au Laurier, près de Villeneuve – envoya aux jeux floraux de l’Escolo Moundino, à Toulouse, un manuscrit de Sasous e Mesados et obtint un deuxième prix de sonnet.

Il fit plus : il se rendit à Toulouse et prit part à la félibrée du 26 mai. Il faut imaginer l’apparition, dans la salle des fêtes du Conservatoire, de ce petit paysan timide, disant simplement, sans grands gestes, les yeux au ciel, sa pauvre vie de misère et les histoires du village.

Les toulousains ne lui ménagèrent pas leurs bravos. Encouragé par ce premier succès, Froment résolut de réunir en volume ses premières pièces. Ce fut un gros sacrifice pour sa pauvre bourse; il dut faire presque entièrement les frais de l’édition.

Vers la fin de l’année, A trabès regos paraissait à Villeneuve, chez Victor Delbergé, en une élégante plaquette de soixante-douze pages. L’auteur avait vingt ans.

Ce petit livre fut une révélation.

Mistral, le premier, en deux longues colonnes de l’Aiôli (17 janvier 1896), souhaitait une affectueuse bienvenue au  » poète Froment  » et résumait ainsi son appréciation:  » A trabès regos es la cansoun veritablamen viscudo d’un enfant de la terro que la Muso a flourejat « .

Paul Mariéton saluait, dans la Revue Félibréenne,  » L’avènement de ce pur artiste de nature  » et ajoutait, en conclusion:  » Paul Froment est en situation favorable pour donner au Midi un nouveau grand poète « .

Antonin Perbosc, dans la même revue, consacrait un article important au nouveau venu, et l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse, qui avait rétabli, en 1895, ses concours en langue d’oc, « marquait d’une note blanche cette œuvre de début  » (rapport de 1896).

Le petit valet, cependant, continuait à produire et, I’année suivante, il adressait à la même Académie le manuscrit de Flous de Primo. Un œillet d’argent récompensa cet envoi.

L’œillet d’argent, applicable à tous les genres, avait une valeur de 100 francs, et le pauvre Froment, dons les gages à l’époque étaient de quelque 30 pistoles, s’autorisant au surplus de précédents illustres, troqua contre un beau billet la fleur immortelle.

Quelques mois après, au début de novembre 1897, le recueil de Flous de Primo sortait de l’imprimerie Chabrié, à Villeneuve. Sur ces entrefaites, le poète était appelé au service militaire et, le 15 novembre, il partait pour le 12è régiment d’infanterie, à Lyon.

Mistral le recommanda à un de ses bons amis lyonnais, Eugène Vial ; mais, en dépit de cette amitié précieuse, Froment, qui gardait la nostalgie de la terre natale et n’arrivait pas à se consoler d’un amour malheureux, connut à Lyon des jours de profonde tristesse: témoin ses dernières poésies, d’un accent étrange, inouï dans son œuvre antérieure, et qui ont une amère saveur de larmes et de désespoir.

Sept mois après son entrée au régiment, le 10 juin 1898, au retour d’une permission passée à Floressas, le petit soldat disparut. Le 15 juin, son corps était retiré du Rhône, aux Roches-de-Condrieu (Isère), à une quarantaine de kilomètres au-dessous de Lyon.

Ses amis s’émurent, on fit une enquête, mais le mystère de cette fin tragique ne fut jamais pleinement élucidé. Mistral, qui l’appréciait et qui songeait à lui pour le grand prix de poésie aux Jeux Floraux du Septénaire de 1899, pleura la fin prématurée de  » l’humble et charmant poète laboureur, tombé, comme un fils de roi, sous le poignard de quelque assassin stupide « .

Des démarches entreprises par ses amis, au premier rang desquels Georges Leygues, député de Villeneuve, aboutirent au transport du corps à Floressas aux frais de l’Etat. Les restes de Paul Froment reposent dans le petit cimetière du village natal.

En 1903, ses admirateurs lui érigèrent, par souscription publique, à Penne-d’Agenais, un monument modeste qui fut inauguré le 23 juillet, sous la présidence de M. Chaumié, ministre de l’Instruction publique.

En 1998 à Floressas, à l’occasion du centenaire de sa mort, une stèle réalisée par Jean Luc Rouquié tailleur de pierre à Floressac était édifiée à la mémoire de l’enfant du pays. Le buste de Paul Froment est l’oeuvre de Louis Laur sculpteur villeneuvois.

A l’initiative du Maire de Floressas, Yves Froment, la place du village porte désormais son nom.


ŒUVRES DE PAUL FROMENT :

Retrouvez quelques poèmes de Paul Froment en cliquant ici

1892. – Les premiers essais de Froment ont paru dans lou Calel, Journal patois de Villeneuve-sur-Lot, directeur Victor Delbergé, année 1892, 1893, 1894, 1895 et 1896.

1895.-A trabès régos, rimos d’un pitiou paysan 72 pages. Imprimerie Victor Delbergé, Villeneuve-sur-Lot.

1897.-Flous de Primo, rimos d’un pitchou paisan, pre-facío de Francis Maratuech, XVI-72 pages. Imprimerie Ernest Chabrié, Villeneuve-sur Lot

1898.-Dernières poésies de Paul Froment, publiées par Francis Maratuech à la Revue de France, numéro spécial de septembre 1898, consacré aux Cadets de Gascogne.

1899.-Voix d’outre-tombe, poésies inédites de P. Froment publiées par Francis Maratuech à la revue le Feu Follet décembre janvier 1899.

1928.-Lous èls e la bouco, poème inédit (Oc, 1″ juin 1928).

 

Olivier de Magny

Poète Cadurcien de la Renaissance  (Cahors, 1529-1561)

Olivier de Magny est né dans une famille bourgeoise de Cahors, d’un père magistrat et banquier, d’une mère très cultivée ayant la passion des lettres.

Après des études à l’Université de Cahors, poussé par le goût de l’aventure, il part pour Paris en 1547, ayant avec lui, grâce à sa mère, une lettre de recommandation de l’évêque de Cahors au poète Hugues Salel (Abbé de Saint-Chéron).

 

Extrait de A ELLE MESME - Sonet, Les gayetez.

J’entreboyoi soubz un vestement noir,

Le marbre blanc de ta cuisse arrondie,

Lors que ta main jalousement hardie

Priva mes yeux du bon heur de la voir.

C’est auprès de lui, entouré aussi de Pierre de Ronsard et de Joachim du Bellay qu’il perfectionne ses aptitudes naturelles à la poésie. Secrétaire du poète, il fréquente la cour de François 1er. A la mort de son protecteur, il s’attache à Jean de Saint-Marcel qui, chargé d’une mission diplomatique auprès du Saint-Siège, l’emmène avec lui à Rome en 1555.

En passant à Lyon et rencontre Louise Labé dont il tombe amoureux. Il s’exprime à son propos ou en rapport avec elle dans plusieurs de ses recueils et il est l’auteur de trois textes des Escriz de divers poètes, à la louenge de Louize Labé. Certains textes parfois attribués à Louise Labé sont présents dans les livres de Magny.

Grâce à Hugues Salel, il se voit attaché au conseiller du roi, Jean d’Avanson, proche de Diane de Poitiers. De 1550 à 1555 il l’accompagne en qualité de secrétaire dans son ambassade d’Italie.

Après son retour en France (1556), il est nommé au poste de secrétaire du roi Henri II, qu’il occupe deux années.

Disciple de Ronsard, Magny se montre souvent plein de grâce et d’invention, mais ses oeuvres sont souvent marquées par un abus d’érudition et d’un maniérisme à la Pétrarque. Il a surtout cultivé le sonnet. On lui doit Les Amours (1553), Les Gayetez (1554), Les soupirs (1557), Les Odes (1559) et Sonnets (1560).

Il meurt en 1561. Ce fût un poète doué d’un vrai mérite, bien que ses vers soient aujourd’hui tombés dans l’oubli. Il fût enterré dans l’église de la Daurade sur l’emplacement de laquelle se trouve le square Olivier de Magny.

 

Quelques poèmes :

A sa demeure des champs

Petit jardin, petite plaine
Petit bois, petite fontaine,
Et petits coteaux d’alentour,
Qui voyez mon être si libre,
Combien serais-je heureux de vivre,
Et mourir en votre séjour !

Bien que vos fleurs, vos blés, vos arbres,
Et vos eaux ne soient près des marbres,
Ni des palais audacieux,
Tel plaisir pourtant j’y retire
Que mon heur, si je l’ose dire,
Je ne voudrais quitter aux dieux :

Car ou soit qu’un livre je tienne,
Ou qu’en rêvant je me souvienne
Des yeux qui m’enflamment le sein,
Ou qu’en chantant je me promène,
Toute sorte de dure peine
Et d’ennui me laisse soudain.

Toutes fois il faut que je parte,
Et faut qu’en partant je m’écarte
De vos solitaires détours,
Pour aller en pays étrange
Sous l’espoir de quelque louange
Mâlement travailler mes jours.

Ô chaste vierge Délienne,
De ces montagnes gardienne,
Si j’ai toujours paré ton dos
D’arc, de carquois et de sagettes,
Couronnant ton chef de fleurettes
Et sonnant sans cesse ton los :

Fais que longtemps je ne séjourne,
Ainçois que bien tôt je retourne,
En ces lieux à toi dédiés,
Revoir de tes nymphes la bande,
Afin qu’en ces autels j’appende
Mille autres hymnes à tes pieds.

Mais soit qu’encore je revienne
Ou que bien loin on me retienne,
Il me ressouviendra toujours
De ce jardin, de cette plaine,
De ce bois, de cette fontaine
Et de ces coteaux d’alentour.


Bienheureux est celuy, …

Bienheureux est celuy, qui loing de la cité
Vit librement aux champs dans son propre heritage,
Et qui conduyt en paix le train de son mesnage,
Sans rechercher plus loing autre felicité.
Il ne sçait que veult dire avoir necessité,
Et n’a point d’autre soing que de son labourage,
Et si sa maison n’est pleine de grand ouvrage,
Aussi n’est-il grevé de grand’ adversité.
Ores il ante un arbre, et ores il marye
Les vignes aux ormeaux, et ore en la prairie
Il desbonde un ruisseau pour l’herbe en arouzer :
Puis au soir il retourne, et souppe à la chandelle
Avecques ses enfans et sa femme fidelle,
Puis se chaufe ou devise et s’en va reposer.


Je cherche paix …

Je cherche paix, et ne trouve que guerre,
Ores j’ay peur, ores je ne crains rien,
Tantost du mal et tantost j’ay du bien,
Je vole au ciel et ne bouge de terre.

Au cueur doubteux l’espérance j’enserre,
Puis tout à coup je luy romps le lyen,
Je suis à moy et ne puis estre mien,
Suyvant sans fin qui me fuyt et m’enferre.

Je voy sans yeux, je cours sans desplacer,
Libre je suis et me sens enlacer
D’un poil si beau que l’or mesme il egale.

J’englace au feu, je brusle dedans l’eau,
Je riz en pleurs et ronge mon cerveau,
Chantant tousjours comme fait la cigalle.

 

Hugues Salel, poète

Hugues SALEL,

poète de la Renaissance  1504 – 1553

Ouvrage de Salel, 1545, (Bibliothèque Municipale de Cahors)

Hugues Salel est né à Cazals en 1504, d’Hilaire Salel et de Jeanne Peyrusse, dans un milieu aisé. Ayant perdu son père à l’âge de cinq ans, il est sous la protection du seigneur de Montcléra et à ce titre, il est l’un des treize boursiers du Collège Pelegry, de 1516 à 1526.

Il acquiert à l’Université de Cahors une parfaite connaissance des langues et littératures grecques et latines, érudition essentielle à cette époque. Il est enthousiasmé par la poésie et surtout celle de Virgile et d’Homère avec son ton héroïque. A l’Université, il rencontre la famille d’Olivier de Magny qui deviendra son secrétaire en 1547.

A Toulouse, il est secrétaire des Présidents du Parlement Jacques Minot puis Jean Bertrandi ; c’est ce dernier qui l’aurait recommandé à la Cour. Tout à sa vocation poétique, Salel se joint à l’entourage de François Ier, à une époque où le Roi tente de ressusciter l’éclat des beaux-arts pour fixer tous les regards sur le royaume de France.

La place Hugue Salel à Cazals

Son goût dominant pour l’étude l’amène à fréquenter assidûment les leçons de Du Bellay et de Guillaume Budé qui avaient ouvert chez eux une sorte d’académie. Son talent retient l’attention de ses maîtres, qui s’empressent de le distinguer aux yeux du roi.

Jodelle et Ronsard consacrèrent à sa mémoire des vers qui prouvent la haute réputation que Salel s’était acquise.

L’épitaphe que lui fit Jodelle commence ainsi :

Quercy m’a engendré, les neuf soeurs m’ont appris ;
Les rois m’ont enrichi, Homère m’éternise

Plusieurs essais poétiques le révèlent alors ; sa renommée s’accroît. François Ier l’élève à la dignité de valet de chambre ; il devient le compagnon de Clément Marot auprès du monarque.

Dizain

Un jour Vénus, désirant me fâcher

Pour un dépit piéça! sur moi conçu;

Fit à son fils Cupidon delâcher

Un trait sur moi, mais il fut bien déçu,

Car, aussitôt que j’eus le coup reçu,

Et que la plaie était fraîche et entière,

Pallas y mit tel onguent et matière

Que je me vis guéri le lendemain ;

Arrière donc, Vénus rebelle et fière,

Puisque Minerve y met pour moi la main.

Entré en défaveur sous Henri II (1547), il se retire dans l’abbaye que lui a donnée François Ier, à Saint-Chéron près de Chartres. Il s’y consacre à sa grande œuvre : une traduction en vers de l’Iliade. Désirant se vouer tout entier à son entreprise, le poète endosse l’habit ecclésiastique. Pension et riche bénéfice lui permettent d’accomplir sa tâche.

Hugues Salel meurt malheureusement en 1533, avant l’achèvement de son ouvrage. Il n’a pu traduire que les douze premiers livres d’Homère. Son travail, incomplet, parut quelques années après sa mort, en 1553.

A Cazals, sur l’un des piliers de l’Hôtel de ville, on peut lire ces vers de Clément Marot :

Quercy, Salel de toy se vantera

Et comme croy de moi ne se taira

Clément Marot

D’après : La Mémoire vive, Sophie Villes, Cahors, 1998 et Anthologie des Poètes du Quercy, par Gilles Lades, éditions du Laquet et Encyclopédie du Lot, Bonneton Statistique du Département du Lot, JA Delpon, 1831.

La statue de Gambetta était aussi au vietnam !

 

Sur cette carte postale, on peut retrouver la statue de Gambetta.

Mais on est à Saigon/Hô Chi Minh Ville

Cette statue de Gambetta est la même que celle qui est à Cahors et avait été installée à Saïgon.

 

 

Je me suis rendu à Saïgon/Hô Chi Minh Ville en mai 2005, je l’ai cherchée, je ne l’ai pas trouvée. Je pense qu’elle a été déposée et sans doute fondue… JB

Clément Marot : le blason

Outre le sonnet, qu’il a contribué à imposer, Clément Marot est l’inventeur d’un jeu littéraire : le blason.

Blasonner, initialement, consiste à détailler et expliquer les armoiries d’un écu. Ici, les poètes rivalisent en chantant à leur tour telle ou telle partie du corps féminin.

Le blason du beau tétin  Épigrammes (1535)  (Extrait)

Tétin refait, plus blanc qu’un œuf, (1)
Tétin de satin blanc tout neuf,
Toi qui fait honte à la rose
Tétin plus beau que nulle chose,
Tétin dur, non pas tétin voire (2)
Mais petite boule d’ivoire
Au milieu duquel est assise
Une fraise ou une cerise
Que nul ne voit, ne touche aussi,
Mais je gage qu’il en est ainsi.
Tétin donc au petit bout rouge,
Tétin qui jamais ne se bouge,
Soit pour venir, soit pour aller,
Soit pour courir, soit pour baller (3)
Tétin gauche, tétin mignon,
Toujours loin de son compagnon,
Tétin qui portes témoignage
Du demeurant du personnage, (4)
Quand on te voit, il vient à maints
Une envie dedans les mains (5)
De te tâter, de te tenir :
Mais il se faut bien contenir
D’en approcher, bon gré ma vie,
Car il viendrait une autre envie.
Ô tétin, ni grand ni petit,
Tétin mûr, tétin d’appétit,
Tétin qui nuit et jour criez
«Mariez moi tôt, mariez !»
Tétin qui t’enfles, et repousses
Ton gorgias de deux bons pouces : (6)
A bon droit heureux on dira
Celui qui de lait t’emplira,
Faisant d’un tétin de pucelle,
Tétin de femme entière et belle.

(1) refait : nouvellement formé
(2) voire : qui n’est pas, à vrai dire, un tétin
(3) baller : danser
(4) demeurant : de tout le reste de la personne
(5) trois syllabes
(6) décolleté, haut de la robe, corsage

 

D’après : X. Darcos, J.-P. Robert et B. Tartayre, Le moyen âge et le XVIème siècle en littérature, Hachette, 1987

Clément Marot

Clément MAROT, une adolescence clémentine
(Cahors, 1496 ou 1497 – Turin, 1544)

Fils de Jean Marot, réthoriqueur célèbre, Clément Marot passe son enfance en Quercy, terre de langue d’Oc puis, en 1506, il s’en va « en France ». Ses études sont sommaires : il ne savait pas le grec et son latin était hésitant. Malgré les efforts qu’il fera plus tard pour combler ces lacunes, on ne pourra jamais le comparer aux artistes et érudits de sa génération.

Ayant, grâce à son père, approché très tôt les fastes de la cour, il ne songe guère qu’à s’assurer l’existence facile d’un amuseur de cour. Il devient d’abord page au service de Nicolas de Neufville (secrétaire des finances). Lorsque François 1er monte sur le trône (1515) il lui compose un hommage (Temple de Cupido), œuvre sans originalité.

Clément Marot,
par Christian Verdun,
artiste plasticien

En 1527, il prend une charge de « valet de chambre » de François 1er et connaît un certain succès comme amuseur de cour.

Lors de l’affaire des Placards (1534), il est inscrit sur la liste des suspects et a juste le temps de se réfugier à Nérac, en Navarre, d’où Marguerite, remariée en 1527 avec Henri d’Albret (grand père d’Henri IV), le fait passer à Ferrare où il devient secrétaire de la princesse Renée de France. Ferrare est alors le refuge de nombreux huguenots, et l’on pense que Marot a l’occasion d’y rencontrer Calvin.

Il meurt à Turin le 10 septembre 1544.

Maniant avec aisance le décasyllabe, il contribua à épurer la langue de son temps, s’exprimant avec un pittoresque (inventions verbales) et une clarté que vantèrent Boileau et La Fontaine.

On lui doit le recueil l’Adolescence de Clémentine (1532), les Épîtres (Épître à Lyon Jamet, 1526, Épître au roi, pour le délivrer de prison (1527), L’Enfer (une satire allégorique des mœurs judiciaires), les Élégies et la traduction des Psaumes (1536).

… au lieu que je declaire
le fleuve Lot coule son eau peu claire
qui maints rochers traverse et environne
pour s’aller joindre au droict fil de Garonne
a brief parler c’est Cahors en Quercy

La tradition rapporte que le poète Clément Marot serait né à Saint Clément commune de Cezac et que son nom lui viendrait du lieu de Marot où existait une maison forte. L’on dit qu’il y était né. Dans la fameuse épitre au roi, sur le vol dont il avait été l’objet de la part d’un valet de gascogne, il dit à François 1er:

« Avisez donc si vous avez désir
De me prêter, vous me ferez plaisir
Car depuis peu, j’ai bâti à Clément
La où j’ai fait un grand déboursement
Et à Marot qui est un peu plus loin
Tout tombera, qui n’en aura le soin »

Sur la cloche de la chapelle de Saint Clément (inscrite sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du 29 mars 1929) deux vers de Clément Marot figurent sur la cloche :

« J’ai la langue pendue au milieu de mon corps
J’appelle les vivants et sonne pour les morts »

Clément Marot est l’inventeur d’un jeu littéraire : le blason

 

Contribution : Gilbert Pons    

Jehan des mares

Jehan des Mares, dit Jean Marot (Mathieu, vers 1450 – Cahors, vers 1526)

Malgré une éducation très incomplète car élevé dans une famille pauvre, Jean se forme comme il peut par la lecture du Roman de la rose et autres vieux ouvrages français.

En 1471, il se rend à Cahors où il se marie et exerce le métier de chapelier. Très féru de poésie, il y montre tant de talent qu’il attire l’attention d’Anne de Bretagne.

En 1507, il devient son secrétaire et l’accompagne à la cour de France. Nommé ensuite historiographe par Louis XII, il le suit en Italie dans sa guerre contre le pape Jules II. Il sera plus tard valet de chambre de François 1er.

On lui doit :

  • La Vraydisante Advocate des dames (1506) écrit pour Anne de Bretagne,
  • le Doctrinal des princesses et des nobles dames (1508), dédié à la même,
  • les Voyage de Gênes (1507) et Voyage de Venise (1509) rapporté de l’expédition italienne,
  • l’Épit sur la défaite des Suisses à Marignan (1515).

 

La collégiale Saint Martin

Édifice de style gothique qui abrite des tapisseries flamandes d’exception, la collégiale Saint-Martin fait référence à son constructeur le cardinal Pierre des Prés (vers 1280-1361).

La publication consacrée à cet imposant édifice présente les tapisseries flamandes illustrant des épisodes de la vie de Saint Martin, tissées pour l’église vers 1519-1524 et qui ont été restaurées en 2016.

Visite : Tous les jours, du 01/04 au 30/09, de 8 h à 18 h ; du 01/10 au 31/12, de 9 h à 18 h. Visite libre gratuite ou possibilité de visite guidée sur réservation. Collégiale Saint-Martin. Avenue du cardinal Des Prés, 82270 Montpezat-de-Quercy. Tél. 05 63 02 05 55 (Office de Tourismecontact@tourisme-montpezat-de-quercy.com

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Texte : Emmanuel Moureau  Photographies : Claude Moureau
Graphisme : Jérôme Soleil Graphiste  Édition : édicausse  Causse de Pasturat – 46090 Arcambal 05 65 31 44 00

Documentaire sur Louis Malle et le Lot

Le documentaire pour l’émission d’Arte « Invitation au Voyage que nous vous annoncions au mois de mai a été diffusé le 8 janvier dernier.

L’idée de l’émission est de faire découvrir au spectateur un village, une ville, une région à travers le travail réalisé sur place par un artiste, cinéaste ou écrivain… Il est notamment question des deux films tournés à proximité de son village Lugagnac Lacombe Lucien et Black Moon

On peut revoir ce documentaire jusqu’au 14 mars en cliquant CE LIEN

Maurice Faure

Maurice FAURE est né le lundi 2 janvier 1922 à Azérat en Dordogne. Agrégé d’histoire et de géographie, docteur en droit, il enseigne au Lycée Pierre de Fermat à Toulouse.

1948 : Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse.
1947 : Attaché au Cabinet d’Yvon Delbos, ministre d’Etat.
1947-1948 : Chargé de mission au cabinet de Maurice Bourgès-Maunoury (secrétaire d’Etat au Budget).
1950-1951 : Chef de cabinet de Maurice Bourgès-Maunoury (secrétaire d’Etat à la Présidence du Conseil).
1951 : Élu député radical-socialiste du Lot à 29 ans, et réélu en 1956 (député du Lot jusqu’en 1983).
1953-1955 : Secrétaire général du Parti Radical-Socialiste.
1956-1957 : Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères dans le cabinet de Guy Mollet. 1957-1958 : Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères dans les cabinets Bourgès-Maunoury et Félix Gaillard.
Mai 1958 : Ministre de l’Intérieur puis Ministre des Institutions européennes dans le cabinet Pierre Pflimlin.
1958 – 1983 : Député du Lot.
1960-1962 : Président du Groupe de l’Entente démocratique de l’Assemblée nationale.
1961-1965 et 1969-1971 : Président du Parti Radical-Socialiste.
1962-1967 : Président du groupe du Rassemblement Démocratique de l’Assemblée nationale.
1964-1970 : Président de la Commission de Développement Economique Régionale (CODER) Midi-Pyrénées
1965-1990 : Maire de Prayssac (de 1953 à 1965), maire de Cahors (de 1965 à 1990).
1971 : Président du Conseil Général du Lot (jusqu’en 1995)
Depuis 1974 : Vice-président du Conseil de la région Midi-Pyrénées.
1979 : Député européen de 1979 à 1981.
Mai 1981-Juin 1981 : Garde des Sceaux, Ministre de la Justice dans le premier gouvernement de Pierre Mauroy, sous la présidence de François Mitterrand.
1983-1988 : Sénateur du Lot, inscrit au groupe de la Gauche Démocratique
1988-1989 : Ministre d’Etat, ministre de l’Equipement et du Logement.
1989 : Membre du Conseil Constitutionnel.
1994 : Président d’honneur du Conseil général du Lot.
Il fût aussi Conseiller général du canton de Montcuq (Lot) pendant plus de trente ans.

foule

Photo aimablement prêtée par Charles Farreny, 46800 Montcuq

 

Maurice Faure : Européen radical

Ministre de François Mitterrand à deux reprises, membre du Conseil constitutionnel pendant dix ans, Maurice Faure reste l’une des figures historiques de la vie politique française.

Dernier représentant d’envergure du radicalisme, il a été l’un des artisans de la construction européenne. Un livre d’entretiens, “D’une République à l’autre”, retrace l’itinéraire de ce pur lotois.

Rencontre avec Maurice Faure lors de sa venue à la librairie Castéla à Toulouse.

Opinion Indépendante : Vous rappelez dans votre livre que le radicalisme après-guerre a tenté d’incarner ce fameux “centre” (ce qu’il avait été d’une certaine manière durant l’entre-deux-guerres). Ne pensez-vous pas que c’est finalement le gaullisme qui a réussi à transcender le clivage gauche / droite ?

Maurice Faure : C’est quand même le parti radical qui a compté le plus de Présidents du Conseil sous la IVème République. Il a été de presque tous les gouvernements et c’était autour de lui que se faisaient les coalitions. C’était un pivot. Le gaullisme c’est avant tout l’élection du Président de la République au suffrage universel auquel les Français tiennent beaucoup. Mais cela coupe la France en deux : droite et gauche. Le parti radical lui-même s’est coupé en radicaux de gauche et de droite sous la Vème République.

à propos du Parti Radical de gauche aujourd’hui, vous dites “Il est condamné (…) il n’a plus grand chose de nouveau à proposer” et sa disparition est “inéluctable”. Ce n’est pas très gentil pour vos successeurs…

On m’a reproché les mêmes travers qu’eux. J’ai cherché des idées nouvelles pour les apporter au radicalisme et je n’en ai pas trouvé. Je constate que mes successeurs non plus n’en ont pas trouvé. Tous ces discours que nous faisons sont creux – comme la plupart des autres discours. Dans une certaine mesure, peut-être que le Parti Socialiste représente aujourd’hui ce qu’était le Parti Radical sous la IIIème République.

Vous êtes entré aux Jeunesses Radicales en 1938 puis dans la Résistance en juin 44 après le débarquement. Cela veut-il dire que vous avez été – comme beaucoup de Français – plus sensible aux accords de Munich signés par le radical Daladier qu’à l’appel du 18 juin 40 ?

Daladier parlait à propos des accords de Munich de “connerie” qu’on ne pouvait pas éviter de faire. Il a dit quand il a vu la foule qui venait l’acclamer à l’aéroport : “Ils ne savent pas ce qu’ils applaudissent”. Daladier le savait. Tout le monde applaudissait les accords de Munich. Moi aussi, j’étais pour. Mais cela n’a pas été un élément déterminant. Ils étaient inévitables. On a eu des mots très excessifs pour condamner Munich mais c’était pratiquement inévitable.

à propos de l’Europe, vous dites que la France doit lui transférer sa diplomatie, sa politique de défense, sa politique monétaire et sa politique économique. Comprenez-vous que de tels transferts puissent inquiéter de nombreux républicains et pas seulement “les gaullistes, les communistes et les lepénistes” que vous désignez comme les adversaires de l’Europe ?

Les gaullistes sont très divisés sur l’Europe. Ils ont beaucoup changé et par la voix de Chirac ils ont rallié l’idée européenne. Ils sont pour le vote à la majorité et l’élargissement de la communauté. Ceux qui sont avec Pasqua restent hostiles à l’Europe. Peut-être que l’Europe que je défends est en avance sur la conception de Chirac ou de Jospin ? Le principe de subsidiarité veut que chacun s’occupe de ce pour quoi il est le mieux qualifié. La diplomatie, la défense, la justice, l’économie, tout cela découle maintenant de la mondialisation. Si nous ne faisons pas en Europe un bloc qui adhère dans son ensemble à la mondialisation, que deviendra chacun des pays européens ? Unie, l’Europe existe. Divisée, elle n’est pas grand chose.

Selon vous, l’avenir de l’Europe c’est l’Euro et vous déclarez qu’une politique économique commune entraîne une politique commune. Ne pensez-vous pas qu’inféoder la politique – et le politique – à l’économie, à la monnaie et à la finance ne marque pas un renoncement des hommes politiques ?

C’est une vaste question. Le Mark est devenu en 1848 la monnaie commune des pays qui allaient former la Prusse. Cette monnaie commune les a conduits à avoir une politique commune. Je fais ce même pari pour l’Euro. J’espère qu’il est bon. Je n’en suis pas sûr mais je crois qu’il est bon. Est-ce un désavoeu pour les politiques ? Je ne le crois pas. L’Euro pose les mêmes problèmes qu’une monnaie nationale mais à l’échelle de l’Europe.

Toujours sur l’Europe, vous dites : “L’unité européenne est inscrite dans le destin, elle se fera inéluctablement”. Ce qui est frappant chez les partisans de l’Europe c’est ce messianisme – on invoque le “destin” ou un déterminisme historique – mais on a aussi connu cette croyance dans un “sens de l’Histoire” pour le communisme ce qui n’a pas empêché le communisme de s’effondrer…

L’Europe a 50 ans. Elle a commencé avec Robert Schumann qui a lancé un appel à une politique nouvelle qui sous-entendait la réconciliation avec l’Allemagne. Puis, il y a eu le début de la construction européenne avec le charbon, l’acier, le Traité de Rome… Cinquante ans après, on peut dire que le Traité de Rome a engendré l’Euro. Aujourd’hui, tout le monde parle d’une défense européenne commune. L’Euro va se réaliser et la politique étrangère commune finira par se réaliser. C’est quelque chose de solide car c’est voulu par les gouvernements, les parlements et les opinions. Cela plaide en faveur de ce que j’ai appelé le côté “inéluctable” de l’Europe.

Vous dites : “J’estime que nous devrions avoir une politique plus franchement pro-américaine”. Est-il possible pour la France d’être encore plus pro-américaine qu’aujourd’hui ?

Tous nos partenaires sont favorables à une politique pro-américaine. La France est le seul des pays de la Communauté qui réclame son indépendance. Je suis pour cette indépendance mais il faudrait que les autres pays soient d’accord. Les Allemands, les Italiens et les autres n’ont qu’une idée : suivre les Américains. La France seule ne pourra pas réaliser son rêve d’indépendance.

Il y a quelques mois, le Commissaire au Plan Henri Guaino a été limogé pour avoir établi un rapport affirmant qu’il y avait sept millions de Français en situation d’exclusion sociale ou de grande précarité. Pour votre part, vous estimez le nombre “d’exclus” à trois millions. Sur ces trois millions, vous jugez qu’un quart de ces gens, “qui se plaisent sans domicile fixe”, est “irrécupérable” tandis qu’un autre quart “vit grâce aux prestations sociales et surtout, grâce au travail au noir”. Cette vision des choses n’est-elle pas un peu anachronique ?

Un quart de ces trois millions sera toujours chômeur. Pas pour en profiter mais ce sont des personnes qui sont inaptes au travail. Ensuite, il y a 800.000 à un million de personnes pour lesquelles c’est un métier d’être chômeur. Le système est le suivant : ils travaillent six mois puis se font licencier. Ils ont des allocations élevées pendant deux ans et ils font du travail au noir. Les véritables chômeurs ce sont les jeunes et surtout les gens entre 45 et 50 ans. Quand on est licencié à cet âge-là, on a du mal à retrouver un emploi. Ce sont de véritables chômeurs à plaindre.

Propos recueillis par Christian Authier

ouvrage01

Entretiens avec Christian Delacampagne, éditions Plon 

Les confessions de Maurice Faure

Il a fait l’Histoire

Maurice Faure vient de publier le seul ouvrage de son exceptionnelle carrière politique. «La-Dépêche du-Midi» a rencontré en exclusivité cet homme qui a tutoyé un demi siècle de politique française.

Il n’écrit pas. Il parle. Il parle très bien. A l’aune de sa carrière politique, Maurice Faure aurait pu prendre le temps d’écrire ses mémoires.

Des tomes et des tomes n’auraient pas épuisé ses souvenirs intacts. Cet orateur de génie s’est contenté de raconter sa vie politique à Christian Delacampagne, ami de son fils, spécialiste de philosophie politique et d’histoire contemporaine. Un bref ouvrage (trop bref ?) dans lequel l’ancien président du conseil général du Lot porte un regard sur sa très longue carrière. Sans fard ni miroir déformant il décrit plus d’un demi siècle de politique française. Un demi-siècle où il a souvent occupé des postes essentiels.

Maurice Faure nous invite à pénétrer dans cet univers, nous permet de rencontrer des grands personnages du siècle.

Le chemin parcouru par Maurice Faure ressemble à une ascension fulgurante de l’Everest suivie d’une promenade de santé, parfois agréable sinon monotone. Son Everest à lui c’est le Traité de Rome. L’acte fondateur de l’Europe. Il n’avait alors que 34-ans et déjà il était devenu le Mozart de la négociation, un diplomate reconnu.

En cette IVe république, armé du levier radical, il s’apprêtait à devenir l’un des plus grands hommes d’Etat français.

Mais la Ve république est passée par là avec son bipolarisme, son manichéisme droite-gauche.

Maurice Faure n’a pas choisi son camp. Il est du centre, du consensus, de l’harmonie des idées. A partir de cet instant il n’a trouvé que bien peu d’intérêt au combat politique. C’était un surdoué épicurien, un séducteur, qui n’a pas vraiment forcé son talent pour se maintenir parmi l’élite politique de l’Hexagone.

«Je ne regrette rien, j’ai fait ce que je voulais, je n’en demandais pas plus», affirme-t-il aujourd’hui. Il a compris sans doute avant tout le monde, qu’au regard de l’Histoire, la construction de l’Europe serait indélébile. Les hommes, eux, s’effacent.

Prayssac  Le forum et l’Empereur

Dans la cité du maréchal d’Empire Bessières, les références historiques ne manquent pas. On se plait à dire que le signataire français du Traité de Rome, acte fondateur de la construction européenne, n’était autre que le maire de Prayssac.

Dans la cité du maréchal d’Empire Bessières, les références historiques ne manquent pas. On se plait à dire que le signataire français du Traité de Rome, acte fondateur de la construction européenne, n’était autre que le maire de Prayssac. En 1956, Maurice Faure gérait la ville depuis trois ans. En deux mandats, il va assurer le décollage de l’économie et des infrastructures, avant de passer la main en 1965 à son épouse, Andrée, pour deux autres mandats. Les vieux Prayssacois vous diront qu’en fait il était resté un mairebis.

La station d’épuration, l’une des premières dans le Lot, la salle des fêtes, la piscine, le mille-clubs, le VVF, etc., c’est lui.

Michel Lolmède, le maire d’aujourd’hui, explique que «Maurice Faure est né politiquement à Prayssac et Bernard Charles biologiquement».

D’un maire à l’autre

Chaque personnalité d’envergure alimente le livre aux anecdotes. On raconte à Prayssac qu’un jour de foire, alors que Maurice Faure discutait sur la place lorsque la secrétaire de mairie vient lui annoncer que son fils est reçu à l’ENA. Un quidam s’écrie alors dans la foule : «Ça ne m’étonne pas, sa mère est si intelligente».

Bien entendu, il voulait dire : sa mère aussi est intelligente, corrige-t-on aussitôt, personne ne contestant les capacités intellectuelles de l’ancien ministre.

Le quiproquo résume en tous cas assez bien les rapports de déférence taquine entre celui qui a tant marqué de son empreinte la vie des Lotois et ses administrés eux-mêmes. Prayssac garde un peu la nostalgie de cette époque où les enjeux politiques quercynois se cristallisaient autour de la place d’Istrie, autour de «L’Empereur du Lot».

Extrait de « La Dépêche du Midi »

Le Lot a-t-il été pour vous un tremplin ou une histoire d’amour ?
– S’il n’avait été qu’un tremplin, j’aurais été ministre vingt fois. Si je l’ai été moins que j’aurais pu l’être, c’est précisément parce que lorsque j’étais ministre, le Lot me manquait. Je me plais plus dans le Lot qu’à Paris et ce fut peut-être la faiblesse de ma carrière politique nationale.
Ce pays est le mien. J’aime ses hommes, leur tempérament, leurs mœurs. Je me sens comme un poisson dans l’eau. C’est une longue histoire d’amour qui ne s’est pas démentie.
Extrait d’une interview de Maurice Faure parue dans Dire Lot n° 26, février-mars 1991

Jean LARTIGAUT, l’Historien du Quercy

Jean Lartigaut était né en 1925 à Montauban où son père, originaire du Bazadais et officier de cavalerie, tenait alors garnison. Sa mère, née de Camy-Gozon, appartenait à une très ancienne famille quercynoise établie en Bouriane, au château du Vigan. Il fit ses études secondaires au collège des Jésuites de Sarlat qui lui inculquèrent notamment les vertus de la discipline et le goût de l’Histoire.

En août 1944, il s’engage au 3ème régiment de hussards avec lequel il fait campagne jusqu’à la fin des hostilités. En 1947, après un passage à l’Ecole spéciale militaire interarmes, il est nommé aspirant. Promu sous-lieutenant en 1948 et lieutenant en 1950, il est volontaire pour servir dans la Légion étrangère et rejoint le 2ème REI. En 1954, après deux longs séjours en Indochine, il rentre en France pour être affecté au 126ème RI de Brive. En 1956 il quitte le service actif et en 1957 il est promu capitaine de réserve (il sera nommé chef de bataillon de réserve en 1965). Titulaire de la croix de guerre des TOE avec quatre citations, il a été décoré de la Légion d’honneur en 1955.

C’est donc en 1954, à son retour d’Extrême-Orient, que Jean Lartigaut épouse Guillemette de Valon, descendante d’une illustre famille du Quercy, qui lui donnera cinq enfants. Il quitte l’uniforme trois ans plus tard pour résider définitivement à Pontcirq et seconder son épouse dans la gestion du domaine de Labastidette.

Madame Lartigaut sut accepter avec philosophie la nouvelle vocation de son époux : la recherche historique. Vocation née lors de ses études à Sarlat, attisée par la passion de la lecture et la découverte de riches archives familiales 1. Sa rencontre avec Louis d’Alauzier fut déterminante 2. Celui qui devait devenir son “guide” l’initie à la paléographie et au dépouillement méthodique des Archives. D’emblée le néophyte s’enthousiasme pour le Moyen Age, avec une prédilection pour les XIVe et XVe siècles, se plongeant dans les minutes notariales et disséquant toutes les sources utilisables. L’occupation du sol, l’origine des seigneuries, l’organisation des réseaux paroissiaux, autant de sujets qui stimulent son insatiable curiosité. Tout naturellement il oriente ses investigations vers le repeuplement du Quercy après les malheurs de la guerre de Cent Ans, faisant sienne “l’immense peine des hommes”, celle de ces laboureurs qui furent les humbles artisans de la reconstruction de nos campagnes.

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Jean Lartigaut entre Louis d’Alauzier (à gauche) et le Professeur Michel Labrousse lors du Congrès de la Fédération régionale des Sociétés Savantes – Cahors, 1977. (Archives S.E.L.)

En 1978, sous la direction de Philippe Wolff, il soutient à l’Université de Toulouse-Le Mirail sa thèse de doctorat sur “Les Campagnes du Quercy après la guerre de Cent Ans”. Cette œuvre majeure, publiée avec le concours du CNRS, attire aussitôt l’attention des médiévistes sur ses travaux et lui vaut, en 1980, le second prix Gobert de l’Académie des Inscriptions créé, doit-on le rappeler, pour “couronner le travail le plus savant et le plus profond sur l’Histoire de France”.

Il serait difficile d’énumérer tous les congrès, colloques ou journées d’études auxquels il a activement participé, comme les Journées internationales d’histoire de Flaran ou les Rencontres internationales d’archéologie et d’histoire de Commarque qui avaient sa préférence. Innombrables sont ses articles et communications parus dans notre bulletin et d’autres publications lotoises, régionales ou nationales. On en donnera prochainement une bibliographie détaillée.

Rappelons que parmi ses ouvrages figurent “Puy-l’Evêque au Moyen Age” (1991), les Atlas historiques de Cahors et Figeac (CNRS, 1983) et l’Histoire du Quercy, publiée sous sa direction (Privat, 1993), dont il a rédigé les quatre chapitres consacrés à la période médiévale (Xe-XVe siècles).

On se souviendra de l’accueil courtois et souriant qu’il réservait à ceux qui venaient le consulter à Labastidette, dans son cabinet de travail, au milieu de ses dossiers. Il prêtait une oreille attentive aux étudiants préparant un mémoire de maîtrise, un DESS, un DEA ou une thèse. Il se faisait un devoir de les conseiller, de les orienter, de les encourager, tout en leur communiquant généreusement ses sources d’information et ses notes personnelles.

Voici le moment venu d’évoquer la place tenue par Jean Lartigaut au sein de la Société des études du Lot. Il avait adhéré à 19 ans, avant même son départ sous les drapeaux ! Entré au conseil d’administration en 1960, il fut élu président en 1981 au fauteuil laissé vacant par le décès du général Soulié. Il était assidu à nos permanences du mardi et à nos séances mensuelles. Il était rarement absent de nos manifestations, à la fois organisateur, animateur et conférencier. En 1984 il avait été appelé pour quatre ans à la présidence de la Fédération des sociétés académiques et savantes Languedoc-Pyrénées-Gascogne (aujourd’hui Fédération historique Midi-Pyrénées).

On pourrait certes apporter d’autres éléments à cet essai biographique. Pour rappeler, par exemple, que de 1959 à 1965 il avait été maire de Pontcirq. Ou qu’en plus des décorations obtenues à titre militaire, il était également officier du Mérite et officier des Palmes académiques.

Doué d’une puissance de travail étonnante et d’une rigoureuse honnêteté intellectuelle, Jean Lartigaut était aussi un personnage profondément humain, d’un contact agréable, toujours heureux de partager ses vastes connaissances et sa riche expérience.

Nous garderons de lui l’image d’un chercheur exemplaire dont la notoriété n’avait en rien altéré la modestie naturelle. Il était notre maître. Il était notre ami.
Pierre Dalon

Hommage à Jean Lartigaut (1925-2004)

Les Archives départementales tiennent à évoquer dans ce numéro la mémoire d’un grand médiéviste récemment disparu : Jean Lartigaut.

Issu d’une famille de militaires, et militaire lui-même, rien ne paraissait prédestiner Jean Lartigaut .à une carrière de chercheur. Pourtant, en lisant l’avant-propos de la publication de sa thèse (Les campagnes du Quercy après la guerre de cent ans), trouve sous sa plume l’évocation de ces étés qui le ramenaient en Quercy, durant son enfance, vers une maison aimée et un vieux grenier où gisaient alors des archives familiales baignoire en zinc d’époque Napoléon Ill et une malle ventrue, usée par des voyages en diligence. Déjà l’intérêt pour l’histoire, en particulier celle du Moyen Age, était présent. L’installation définitive de Jean Lartigaut en Quercy, après des années de campagnes militaires,dans une maison au long passé, elle aussi nantie d’archives, lui permit d’entreprendre des recherches, épaulé et guidé par Louis d’Alauzier, autre grand médiéviste du Quercy, et par Philippe Wolff, professeur à l’Université de Toulouse.

Après sa thèse, publiée en 1978, Jean Lartigaut continua de dépouiller les minutiers de notaires et de publier de nombreux articles. Mais il contribua également à faire rentrer aux Archives du Lot plusieurs fonds d’archives privées, dont certains ont été classés par ses soins : citons notamment le fonds Camy-Gozon, le fonds de Valon, le fonds Lavaur de Laboisse…

Ses activités de recherche valurent à Jean Lartigaut d’être président de la Société des Études du Lot de 1981 à 2003 et président de la Fédération historique Languedoc-Pyrénées-Gascogne de 1984 à 1988.

Mme Duthu dans Archives Info n°16 – janvier 2005.

Notre ancien président et président d’honneur nous a quittés discrètement, le 4 novembre 2004, victime d’un malaise cardiaque, dans sa 79ème année. Sa santé s’étant progressivement altérée au cours des derniers mois, il avait dû se résoudre à abandonner la présidence de la société. Lors de l’assemblée générale du 4 mars il avait été, à l’unanimité, élu président d’honneur en hommage à son œuvre d’historien et en reconnaissance des éminents services rendus à la Société des Études du Lot. 

Une importante délégation s’est rendue le 6 novembre à Pontcirq pour assister à ses obsèques, avant de l’accompagner jusqu’à la chapelle de Labastidette où un hommage lui a été rendu avant l’inhumation dans le caveau de famille.

Article publié dans le Bulletin de la Société des Études du Lot, 4ème fascicule 2004,
(Octobre-Décembre)

 

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