Certes, la gare de Cajarc n’a que peu de rapports avec celle de Perpignan, « centre du monde » jadis célébré par Dali. Pourtant un homme et une association se battent pour conserver les traces d’un passé pas si lointain : le premier train a sifflé le 14 juillet 1886, le dernier autorail régulier s’est arrêté en 1980. Presque un siècle, gros morceau de mémoire encore vive pour le petit peuple proche de la rivière.
Jacques Faure, cheville ouvrière des « Amis du rail » de Cajarc, regrette la disparition de l’ancienne lampisterie et des instruments, pompe à vapeur actionnée par une chaudière type « machine fixe », qui servait à remonter l’eau du milieu du Lot pour remplir le château d’eau. Ce dernier, lui, est toujours debout et depuis peu inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. Remis en état par les bénévoles de l’association, il est escorté des fontaines ou grues hydrauliques qui servaient à faire le plein des machines à vapeur. A deux pas, sur une voie de service, un vieux et rare exemplaire de grue 6 tonnes attend les énergies qui lui rendront sa jeunesse.
Lors de l’opération Portes ouvertes dans les monuments historiques du 27 septembre 92, ce petit musée en plein air a connu un gros succès, grâce à quelques attractions complémentaires : une draisine à bras pour inspection de la voie du siècle dernier (1885), une collection d’affiches anciennes, de nombreuses lanternes rutilantes, etc…
Dans les locaux de la gare sont entreposés quelques signaux et instruments qui, pour les générations à venir, seront certainement objets de surprise et de réflexion par leur nature marquée d’ingéniosité plus ou moins archaïque: la double pendule de quai, plusieurs modèles de lampes, un projecteur de chantier à acétylène articulé pour travailler dans les tunnels, la boîte noire ou « mouchard » qui équipait déjà les locos à vapeur et enregistrait les vitesses et freinages du convoi, la cloche d’annonce dont le son lourd et voilé fait surgir des images ferroviaires ; selon M. Faure, cette alarme aurait peut-être pu éviter l’accident de Flaujac. Un poêle à charbon type Paris-Orléans, un poste de téléphonie inter-gares à manivelle complètent cette petite exposition dont les encombrantes vedettes sont stationnées à Brive : les deux autorails anciens devenus pièces de musée, restaurés par l’association nationale Régiorail dont Jacques Faure est le correspondant local.
C’est avec ce matériel roulant que Régiorail se prépare à organiser sa saison touristique 1993. L’ouverture de la ligne est prévue pour le 1e’ mai, après un gros travail de nettoyage, défrichage et pose de quelque 140 panneaux par une trentaine de bénévoles. 60 à 80 voyages pourraient être proposés sur 6 mois, dans un autorail d’une centaine de places ; une collaboration avec les loueurs de bateaux est envisagée pour mettre en place des circuits complets. Les samedis et dimanches il est question de faire circuler des trains réguliers, ainsi qu’en semaine à la demande pour les groupes. Affaire à suivre, lorsque sera établi le programme définitif.
Michel Camiade Dire Lot N° 39, 1993