Jean-Auguste-Dominique INGRES,
un portraitiste de génie Montauban 1780 – Paris 1867
Proclamé l’émule, l’égal de Raphaël, Ingres apparaît malgré lui comme l’un des initiateurs du romantisme et du réalisme en France. Déjà, en 1855, Baudelaire remarquait dans son compte rendu de l’Exposition universelle: «Aux gens du monde, M. Ingres s’imposait par un emphatique amour de l’Antiquité et de la tradition».
Ingres se voulait « peintre d’histoire », mais paradoxalement les grandes compositions sur lesquelles il pensait établir sa gloire sont devenues caduques.
Ce sont ses portraits et ses tableaux de nus qui lui font atteindre la célébrité.
Sa technique s’écarte de celle de David ; pour lui, en effet, le dessin ne peut être un seul contour, mais une ligne génératrice de la forme et du mouvement.
Sa manière reste celle d’un visuel qui procède méticuleusement à l’inventaire des formes, où souvent l’exactitude d’un détail nuit à l’harmonie de l’ensemble. Il ne se sent à l’aise que dans les attitudes figées et les gestes lents. Pourtant son style «découpé » développe un univers poétique qui lui sera justement reproché par les défenseurs du néoclassicisme. Son art complexe (plus difficile à saisir que celui de son rival Delacroix) fut mal compris de son vivant.
Mais il ne fait pas de doute qu’il a joué un rôle considérable dans le développement de la peinture moderne : Seurat, les cubistes, Matisse, les surréalistes, et même Picasso, ont reconnu leur dette envers lui.
Autoportrait, 1858, Huile sur toile, Galleria degli Uffizi, Florence |
INGRES naquit à Montauban. le 29 août 1780. Son père, Joseph Ingres (1755-1814), était sculpteur et musicien. Il discerne très tôt le talent de son fils et l’encourage et enseigna très vite au petit garçon à dessiner et à jouer du violon : le premier dessin d’Ingres connu, d’après l’antique, date de 1789. Ses leçons portèrent vite leurs fruits : à neuf ans, Jean Dominique exécutait déjà des croquis qu’il signait et datait.
A treize ans, il reçut le premier prix de dessin à l’académie de Toulouse, et, à seize ans, le premier prix de composition.
En même temps il se perfectionnait dans le violon, jouant pendant deux ans, en qualité de second violoniste, dans l’orchestre de Toulouse. en 1791, il était admis à l’Académie Royale des Beaux Arts de Toulouse. Il y étudiera sous la direction de J. Vigan et G. Roques.
En 1803, il reçoit une commande de Bonaparte, alors Premier consul. Il reçoit également celle d’un riche bourgeois, Rivière, dont il exécute le portrait en 1805 (en compagnie de sa femme et de sa fille ).
Vicomtesse Othenin d’Haussonville, née Louise-Albertine de Broglie, 1845 huile sur toile, 131.8 x 92 cm Frick Collection, New York, USA |
Envoyé comme pensionnaire à la Villa Médicis à Rome, de 1806 à 1811 (grâce à la bourse du Prix de Rome), la découverte de la Ville éternelle éblouit le jeune artiste. Il dessine avec ardeur, passionné par les trésors de l’art classique, et surtout par les tableaux de Raphaël. Pendant quatre ans, il reste pensionnaire à la Villa Médicis.
Il fait parvenir en France les travaux obligatoires que réclame l’Académie : Œdipe et le Sphinx (1808, Musée du Louvre), la Baigneuse dite «de Valpinçon» (1808, Musée du Louvre), Jupiter et Thétis (1811, Musée d’Aix-en-Provence) sévèrement jugés par la classe des Beaux-Arts de l’Institut qui y voit, non sans raison, une transposition trop originale des leçons de David.
En décembre 1813, il épouse à Rome, Madeleine Chapelle (1782-1849), une modeste modiste de Guéret. En 1814 Ingres peint La Grande Odalisque commissionnée par la reine de Naples, sœur de Napoléon. L’œuvre n’est pas payé à cause de la chute de l’Empereur. En 1819, il enverra cette œuvre au Salon de Paris.
Pour n’être pas obligé de revenir à Paris, en 1820, il s’installe à Florence (où il étudie l’art de la Renaissance, tout particulièrement Raphael), après avoir achevé, pour la Trinità dei Monti, Jésus remettant les clefs du paradis à Saint Pierre (Musée de Montauban).
Autoportrait, 1804, Huile sur toile, |
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Vicomtesse Othenin d’Haussonville, née Louise-Albertine de Broglie, 1845 |
Pendant les dix années qui suivent, enseignant remarquable, il forme toute une génération de peintres étudiant dans son atelier ,dont Théodore Chassériau et Luigi Calamatta (1802-1869). A cause de son très long séjour en Italie, il ne peut pas comprendre le «Romantisme» et en devient un violent adversaire.
Il peint le Portrait du comte Gouriev (1821, Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg), et le gouvernement français lui commande Le Vœu de Louis XIII, destiné à la cathédrale de Montauban. Le tableau, envoyé au Salon de 1824, connaît un succès extraordinaire
En 1824, Ingres rentre à Paris. Enfin triomphant, il est élu à l’Institut comme successeur de Vivant Denon. Désormais célèbre, il fonde un atelier et le 30 décembre 1829, il est nommé professeur à l’École des beaux-arts. Il peint de nombreux portraits dont celui de Monsieur Bertin (Musée du Louvre).
En même temps, il songe à une grande composition à laquelle il travailla sept ans, Le Martyre de saint Symphorien
(Cathédrale d’Autun) ; mais, présentée au Salon de 1834, cette œuvre fut curieusement l’objet de jugements hostiles. Déçu, Ingres accepte le poste de directeur de la Villa Médicis, qu’il occupe de 1835 à 1841.
Son directorat terminé, Ingres revient à Paris en 1841 et y fait un retour triomphal. Il est le protégé du duc d’Orléans dont il fait le portrait (Collection de Mgr le Comte de Paris).
C’est peut-être lorsqu’il exprime par le dessin l’essentiel de la composition qu’Ingres réussit le mieux. C’est pourquoi les dernières toiles, la Vénus Anadyomène (1848, Musée de Chantilly), La Vierge à l’hostie (1854, Musée d’Orsay), Le Bain turc (1862, Musée du Louvre) apparaissent comme les œuvres modèles du peintre.
En 1849, décès de son épouse Madeleine Chapelle. En 1852 Ingres épouse Delphine Ramel.
Ce sont les nus qui constituent la part la plus originale de son œuvre ; alliant à une suprême sûreté du dessin des harmonies de couleurs délicatement modulées, ils sont une vibrante et sensuelle célébration de la beauté féminine.
Celle ci atteint son plus haut point dans La grande Odalisque (1814, Louvre) et dans l’érotisme retenu du Bain Turc (1863, Louvre). Longtemps opposé au romantisme de Delacroix, le classicisme d’Ingres apparaît plus aujourd’hui comme une effort vers une synthèse des moyens plastiques, une tentative d’abstraction intellectuelle que comme l’expression d’un académisme figé.
En 1857 il est membre de l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Anvers. Ingres meurt à Paris, le 14 Janvier 1867, léguant son atelier à la ville de Montauban.
Ingres a été souvent considéré comme un précurseur du réalisme en peinture, en particulier par Baudelaire qui, le rapprochant de Courbet, a souligné plus d’une fois son naturalisme, la réalité matérielle de ses objets, de même que la vérité psychologique de ses portraits.
La baigneuse, 1807, huile sur toile,
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Le bain turc, 1862, 1,08 x 1,10 m, Musée du Louvre |
Napoléon Ier sur le trône impérial, 1806, huile sur toile, 259 × 162, |
MUSÉE INGRES, MONTAUBAN
Le musée Ingres occupe l’ancien palais épiscopal, bâtiment du XVIIe siècle, devenu l’hôtel de ville de Montauban après la Révolution. Un premier musée y avait été installé en 1843, à partir du don de la collection du baron Vialètes de Mortarieu, ancien maire de la ville, qui désirait procurer ainsi des modèles aux élèves de l’école municipale de dessin.
En 1851, le peintre Jean-Auguste-Dominique Ingres, né à Montauban en 1780, fit don d’un certain nombre de peintures anciennes et de vases antiques provenant de sa collection privée. Puis, à sa mort, survenue en 1867, il légua à sa ville natale plus de 4000 dessins autographes, une vingtaine de tableaux, de nombreux objets personnels (dont le fameux violon), ainsi que plusieurs dizaines de cartons contenant gravures, dessins et photographies anciennes, calques, copies d’élèves et études diverses. C’est à la suite de ce legs que la municipalité décida de créer le musée Ingres qui occupe, depuis 1905, la totalité du bâtiment.
Aujourd’hui, six salles du premier étage sont consacrées à l’œuvre d’Ingres et à son époque. On y trouve de grandes compositions révélant l’influence de l’Antiquité et de Raphaël sur son art, mais aussi des œuvres de jeunesse, réalisées dans l’atelier de David ou à l’Académie de France à Rome, dont il fut pensionnaire. Quelques études peintes et, bien sûr, de célèbres portraits comme Mme Gonse, complètent l’évocation de la longue carrière de l’artiste. Les dessins, pour leur part, sont présentés par roulement dans trois salles.
Le second étage est consacré aux peintures des XIVe, XVe et XVI siècles des écoles italiennes et du Nord (Daddi, Masolino, Van Eyck, Spranger), puis des écoles françaises et étrangères du XVIIe siècle (Lesueur, Bourdon, Mignard, Jordaens, Van Dyck et Cuyp). Enfin, une section est consacrée à l’art du XVIIIe siècle, de Boucher à David.
Les salles du rez-de-chaussée rendent hommage à Armand Cambon, qui fut aussi le premier directeur du musée, mais surtout à l’autre célèbre Montalbanais, le sculpteur Emile-Antoine Bourdelle, représenté dans toutes ses périodes par des marbres, bronzes, plâtres, par des maquettes et des œuvres achevées.
Enfin, les œuvres des artistes de l’école de Montauban: Marcel Lenoir, Andrieu, Cadène ou Desnoyer introduisent les contemporains de la deuxième moitié du XXe siècle, parmi lesquels brillent particulièrement Hélion, Debré ou Vieira da Silva.
Pour leur part, les sous-sols du musée, vestiges de place forte du XIVe siècle, abritent d’importantes collections archéologiques, des salles de céramique, des objets liés à l’histoire locale depuis l’époque gallo-romaine.
19, rue de I’Hôtel-de-Ville Tél : 05.63.22.12.91
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VOIR DES ŒUVRES DE J.A.D. INGRES
La Source, entre 1820 et 1856 |