Tableau représentant J.-J. Lefranc de Pompignan. Académie des Jeux Floraux, Hotel d’Assézat, Toulouse, Photo P. Cros. Ce portrait a été publié pour la première fois dans Marie-Olympe de Gouges, ouvrage d’ Olivier Blanc aux Éditions René Viénet, 2004. Dans cet ouvrage, l’auteur reprend et détaille la thèse de Marie-Olympe selon laquelle Jean-Jacques Lefranc de Pompignan est son père.C’est à Montauban que, le 10 août 1709, naquit Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, arrière-petit-fils de Géraud. Son frère plus jeune, Jean-Georges, fut archevêque de Vienne, en Dauphiné. Député du clergé aux Etats Généraux de 1789, Jean-Georges se joignit au Tiers-Etat, fut ministre de Louis XVI, puis président de l’Assemblée nationale de Versailles. Il ne put détourner le roi d’apposer sa sanction sur la constitution civile du clergé.
Lorsqu’aux Etats Généraux on proposa de charger d’un million et demi les biens ecclésiastiques pour les intérêts et d’amortissement d’un emprunt projeté, l’archevêque Lefranc de Pompignan fit cette déclaration à la tribune : « Nous serons très heureux d’offrir à la nation nos biens en hypothèque. »
Durant son épiscopat, il fut aux prises avec les philosophes, notamment avec Voltaire. Il publia un mandement contre l’édition projetée des oeuvres de Voltaire.
En 1747, il avait prononcé l’oraison funèbre de la Dauphine et, en 1768, celle de la reine Marie Leczinska.
Il mourut le 1er novembre 1790 à Pompignan (Tarn-et-Garonne) à l’âge de 75 ans.
Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, élevé au collège Louis-le-Grand, à Paris, eut pour maître Poré, qui avait été l’éducateur de Voltaire.
Il prit de bonne heure le goût de la poésie et de l’art dramatique, et maniait le latin dans un style pur et élégant. Élu membre de l’Académie de Cortone, en Italie, il adressa à ses collègues une dissertation en latin sur Les antiquités de la ville de Cahors, où il rend compte de ses recherches archéologiques, décrit les monuments de Cahors et exprime son opinion que l’emplacement de l’Uxellodunum de César confinait à sa terre de Caïx, dans le vieux bourg de Luzech.
C’est dans le belvédère, transformé en cabinet de travail, que Lefranc écrivit, à 22 ans, Didon (1734) sa première tragédie, qui fut représentée à Paris, à la Comédie-Française, avec un plein succès.
Ses poésies le firent classer parmi les principaux poètes lyriques de son siècle : Poésies sacrées (1751), Ode sur la mort de Jean-Baptiste Rousseau (1784).
Archéologue averti (1), il fut également un fervent du tourisme, ainsi que le prouve son instructif et amusant récit du Voyage de Languedoc et de Provence. Membre des Académies de Montauban et de Cortone, il entra plus tard à l’Académie Française. C’est là qu’avec son franc parler habituel, il ne craignit pas, à l’occasion de son discours de réception, de prononcer un réquisitoire contre les Encyclopédistes ; à dater de ce jour et jusqu’à la fin de sa vie, Voltaire, ce maître de l’ironie agressive et du ridicule meurtrier, l’accabla de ses sarcasmes, après avoir, dans les débuts, recherché son amitié.
Lefranc fut l’ami de Louis Racine.
Il aimait sa terre de Caïx, qu’il appelait Caïanus meus, et se plaisait à se faire appeler Lefranc de Caïx ; il revenait chaque année dans son manoir familial, qu’il avait fait embellir. Quelquefois, ses occupations l’en tenaient éloigné plus qu’il n’aurait voulu et c’est en ces vers charmants qu’il nous fait connaître les regrets qu’il en avait :
Et toi qui m’es si cher vieux berceau de mes pères,
Château qu’ils ont construit sur des bords solitaires,
Fleuve, bois et rochers, vignoble précieux,
Serez-vous donc toujours éloignés de mes yeux !
Il aimait les paysans et les encouragea par l’exemple à planter les coteaux en vignes. Il fut leur conseiller et leur protecteur. Il fit preuve, en maintes circonstances, d’un « civisme audacieux ». Voltaire, pourtant son ennemi, disait de lui : « Lefranc a été dévoré du zèle du bon citoyen. » Aussi, pour le récompenser, le roi Louis XV érigea-t-il sa terre de Pompignan en marquisat. C’est là que le poète mourut en 1784.
(*) L’activité du poète de Caix, bien que n’ayant, à cette époque, aucune base scientifique. n’en est pas moins à retenir comme preuve des richesses archéologiques de la région.
L’histoire rapporte que Lefranc de Pompignan demanda aux cultivateurs de la région de lui soumettre les trouvailles qu’ils feraient dans leurs champs. Une collecte de 2 000 pièces de monnaies anciennes fut ainsi rassemblée en une semaine. Ce trésor que l’on retrouva par la suite à Montauban est aujourd’hui perdu.
De la Barbacane au Pont du Diable, Docteur H. Pélissié, Cahors, 1967
Jean-Jacques LEFRANC, marquis de POMPIGNAN, Académicien
(1709-1784) – Élu en 1759 à l’Académie Française au fauteuil 8.
Prédécesseur : Pierre-Louis MOREAU de MAUPERTUIS
Successeur : Jean-Sifrein MAURY
Magistrat, économiste
Biographie : Né à Montauban, le 17 août 1709.
Magistrat, président de la cour des Aides de Montauban, il s’attira une réprimande du chancelier d’Aguesseau pour avoir adressé au Roi des remontrances sur la misère du peuple, et fut exilé pour un discours contre les abus. Poète, auteur dramatique médiocre, traducteur d’Eschyle, économiste, il est célèbre par sa dévotion.
Il se présenta une première fois à l’Académie et fut battu par Sainte-Palaye ; il remplaça, le 6 septembre 1756, Maupertuis, et fut élu à l’unanimité ; son élection semblait indiquer une trêve dans la lutte des partis, Pompignan ne le comprit pas et vint à l’Académie dans l’exaltation de ses sentiments religieux. Il fut reçu par Dupré de Saint-Maur le 10 mars 1760, et le discours de Pompignan fut un violent manifeste contre la philosophie ; il eut un grand succès sans lendemain, car si on le trouva courageux, les philosophes relevèrent le défi et ce fut une bataille de libelles et d’épigrammes, où Voltaire et Morellet eurent le dessus. Pompignan, couvert de ridicule, n’osa plus reparaître à l’Académie, et finalement, se retira à Montauban où il mourut le 1er novembre 1784.
Des nouvelles à la main de la ville de Montauban en Quercy (1er juillet 1760)
Le Mémoire de M. Lefranc de Montauban, présenté au roi étant parvenu à Montauban, et chacun étant stupéfait, les parents du sieur auteur du mémoire s’assemblèrent: et ayant reconnu que ledit sieur instruisait familièrement Sa Majesté de ses gestes, dits et écrits; qu’il parlait au roi des entretiens amiables que lui sieur Lefranc avait eus avec M. d’Aguesseau; qu’il apprenait au roi qu’il avait eu une bibliothèque à Montauban, et, de plus, qu’il faisait des vers; ayant remarqué dans ledit écrit plusieurs autres passages qui dénotaient une tête attaquée; ils députèrent en poste un avocat de ladite ville au sieur auteur, demeurant pour lors à Paris, et lui enjoignirent de s’informer exactement de sa santé et d’en faire un rapport juridique. Ledit avocat, accompagné d’un témoin irréprochable, alla à Paris, et se transporta chez le malade: il le trouva debout, à la vérité, mais les yeux un peu égarés, et le pouls élevé. Le patient cria d’abord devant les deux députés: Jeovah, Jupiter, Seigneur.
« Je ne suis qu’un avocat, répondit le voyageur; je ne m’appelle point Jeovah. — Avez-vous vu le roi? dit le malade. — Non, monsieur, je viens vous voir. — Allez dire au roi de ma part, reprit le sieur malade, qu’il relise mon mémoire, et portez-lui le catalogue de ma bibliothèque. » L’avocat lui conseilla de manger de bons potages, de se baigner, et de se coucher de bonne heure.
A ces mots le patient eut des convulsions, et dans l’accès il s’écria:
Créateur de tous les êtres,
Dans ton amour paternel,
Pour nous former tu pénètres
L’ombre du sein maternel
— Eh monsieur, dit l’avocat, pourquoi me citez-vous ces détestables vers, quand je vous parle raison? » Le malade écume à ce propos, et, grinçant les dents, il dit :
Le cruel Amalec tombe
Sous le fer de Josué ;
L’orgueilleux Jabin succombe
Sous le fer d’Albinoé.
Issacar a pris les armes:
Zabulon court aux alarmes.
L’avocat versa des larmes en voyant l’état lamentable du patient ; il retourna à Montauban faire son rapport juridique, et la famille, étant certaine que le malade était mentis non compos, fit interdire le sieur Lefranc de Pompignan, jusqu’à ce qu’un bon régime pût rétablir la santé d’icelui.
Voltaire
Laisser un commentaire