Extrait de la revue Les Etoiles du Quercy, N° 3, Imprimerie Coueslant, Cahors, 1944. (Archives Départementales du Lot, 3 PER 4/3)

« 3 200 tableaux, du département Peintures, du Musée du Louvre », dans le Lot :  « La plus forte densité de chefs-d’œuvre au km2 ». Trois mille deux cent tableaux, pour la plupart célèbres, quelques-uns illustres, surgissant à l’appel de leur nom : « La Joconde ! », « L’Embarquement pour Cythère ! », « Les Noces de Cana », dans la mémoire de tout homme cultivé, de Shangaï à San-Francisco, trois mille deux cent tableaux massés, concentrés, sur les quelque 700 m2 de rez-de-chaussée prêtés par trois châteaux du nord du Causse.

Il a fallu pour cela bien des événements – il a fallu la guerre et l’Europe bouleversée, convulsée, ravagée – il a fallu des armées en marche et des millions de morts. Quelle disproportion, diront certains ; rapprocher ainsi l’exil de quelques toiles de maîtres du cataclysme gigantesque, dont il n’a été qu’une des innombrables conséquences, infime épisode, bien infime en regard de sa cause.

Je ne suis point de cet avis, car j’y vois un symbole, le symbole même de la lutte qui s’est engagée et de son sens profond. Nous triomphons et avons presque déjà triomphé parce que nous représentons la continuité humaine ; le fardeau qui repose sur nos épaules et qui nous protège, invisible, c’est l’héritage humain ; tout ce que l’homme a pensé, a senti, a voulu de meilleur, s’est inscrit dans des textes, fixé dans des images que nous portons dans nos têtes et dans nos cœurs et qui font notre avenir parce qu’ils font nos aspirations et nos volontés. Rien ne projette plus sûrement vers l’avenir que le passé, quand il n’est pas une traîne pesante qui nous tire, mais un poids qui nous pousse et nous précipite à la manière d’une vitesse acquise.

L’Allemagne, elle, n’est qu’avidité et que voracité ; elle n’a besoin que de proies à dévorer ; elle pense que tout ce qui est ne peut servir que d’obstacle à ce qui doit être et qu’il faut détruire pour plus sûrement créer ; en un mot, elle ignore le respect. Quelle valeur consacrée juge-t-elle devoir ménager ? Aussi, n’a-t-elle jamais été que sursauts et spasmes – qui retombent, Que ne sait-elle qu’il faut des trésors, des trésors héréditaires et séculaires, donnant le juste prix de la vie, pour posséder le don de durer et de persévérer. Il n’y a que les civilisations ou, du moins, que la Civilisation qui dure. Parfois, telle l’arche du pont, elle s’élance de plus en plus amincie au-dessus du vide, mais elle sait qu’elle retombera de tout son poids intact sur la solidité, qui l’attend, de la pile suivante.

A certains, il est peut-être difficile de comprendre que c’est un peu parce que des chefs-d’œuvre reposent dans trois châteaux du Lot que la France combat, que c’est un peu pour cela qu’elle n’a pas péri et qu’elle ne pouvait pas périr. C’est pourtant parce qu’au cœur d’elle-même, moralement et matériellement, elle préserve des trésors où l’intelligence et la sensibilité humaines ont essayé de fixer ce qu’elles avaient de meilleur, qu’elle a droit à l’avenir. Il existe toujours, comme dans les légendes du Moyen Age, des reliques protectrices. Ce sont parfois des idées, parfois des convictions – la foi dans l’Humain, la foi dans la Justice – parfois des chefs-d’œuvre, de Villon à Rimbaud, de Pascal à Bergson, parfois, images tangibles de simples tableaux.

L’histoire de ceux-ci, je vous la devais conter. Les Musées sont, comme chacun sait, demeures du Passé. Malgré cela, peut-être à cause de cela, le présent ne leur est pas tout à fait étranger et l’agitation croissante d’Hitler et du Nazisme n’était pas sans les inquiéter. Quelques années avant la guerre, ils commencèrent donc à préparer, tant pour le Louvre que pour la province, les listes des évacuations à prévoir. Quand la secousse de Munich rappela qu’il n’est si vieille et quiète demeure, qu’un tremblement de terre ne puisse faire vaciller, voire s’écrouler, le Louvre s’affaira ; de jour, de nuit, l’emballage commença ; chaque tableau, méticuleusement décadré, enveloppé d’un papier d’amiante contre le feu, d’un papier cuir contre l’humidité, séparé de ses voisins par des tampons, comme s’il partait pour quelque lointaine exposition, vint prendre sa place dans les caisses qui avaient été préparées longtemps à l’avance. Lorsque Daladier rentra en triomphateur, aussi pitoyable qu’interloqué, les couvercles sautèrent et les tableaux de réintégrer leurs cadres. Pour peu de temps. Un an plus tard, la même opération se renouvelait.

Cette fois, c’était le grand départ. Chaque matin, chaque soir, un train de camions, chargés sous les platanes du quai, s’ébranlait et partait pour une destination inconnue. « Chambord, les Musées évacuent sur Chambord », chuchotait-on. Le bruit, pour mieux brouiller les pistes, en avait été volontairement répandu, renforcé par des étiquettes trompeuses. En réalité, chaque convoi avait sa destination particulière, un château de la Loire ou de l’Ouest ; les locaux étaient prêts, les voies d’accès minutieusement repérées. Problèmes imprévus pour un conservateur. Comme on avait décidé, pour ménager les grandes toiles, de ne les rouler qu’à la dernière extrémité, il restait quelques colosses, quelques mastodontes de la peinture. Passe encore de recruter seize hommes pour faire descendre, mieux qu’en un final de revue, le grand escalier du Louvre au « Radeau de la Méduse », mais où trouver une voiture idoine au transport de cet énorme châssis de plus
de 35 m2 ?

On fit appel à la Comédie Française et l’on attela à des tracteurs ses grandes remorques à décors. Et vous voilà sur route avec un bagage de 6 m. 50 de haut… Dès Versailles, les fils électriques des tramways, crachant des étincelles rappelaient qu’il est peut-être bon de regarder à ses pieds, mais indispensable, en tout cas, de lever le nez en l’air si l’on entend voyager en cet équipage. Transformé en agent-voyer et armé d’une tête de loup démontable, conçue à l’échelle des plafonds du Louvre, le conservateur dut s’initier aux problèmes des gabarits routiers. Les ponts, de savants détours les évitent, mais les câbles électriques, les fils téléphoniques, ils sont trop. En désespoir de cause, une voiture des P.T.T. ouvrit la marche, cisaillant les fils qu’une autre voiture rétablissait, après ce passage, perturbateur de maintes conversations. Encore fallut-il, ainsi que pour un raid sensationnel d’avion, consulter la Météo, pour connaître la vitesse du vent qui aurait pu s’engouffrer malencontreusement dans la voile trop vaste du « Radeau », pendant la traversée terrestre de la Beauce. Pour les « Noces de Cana » (record du monde, 65 m2 !), on avait capitulé et on s’était résigné à les rouler sur un fût gigantesque. Mais voilà une autre affaire : où trouver une automobile qui prit en charge une caisse de 9 m. de long ? Si le « Radeau » adopte la remorque à décors, les « Noces » du somptueux Véronèse se contentent d’une bétaillère…

Drôle de guerre. Les tableaux s’assoupissent en leur retraite. Le coup de tonnerre de la défaite les réveille. Et les voilà de nouveau lancés sur les routes. Les plus grands, les plus difficiles à transporter resteront en zone occupée, bientôt regroupés près du Mans, au château de . Les autres, les 3 200 autres, parcouraient 600 kilomètres, dans la cohue épouvantée et anarchique, achevaient de passer les ponts de la Loire quelques heures avant qu’ils ne sautent, échappaient aux Allemands, arrivaient en zone libre. Pas une caisse abimée, tout était intact.

Etait-ce fini ? Que non pas. Les conservateurs s’accoutumaient dans la belle lumière de Montauban à ce Musée classé ainsi qu’une bibliothèque, où l’on sortait si commodément et pour soi seul un Rembrandt ou un Cézanne, comme on extrait un livre de son rayon. Par les grandes fenêtres, il y avait des façades de briques qui égaraient leurs reflets roses dans l’eau rouge du Tarn, sous les arches gothiques du vieux pont. Du vieux pont que, le 11 novembre 1942, les bottes allemandes allaient marteler de leur pas lourd.

Il fallait s’éloigner à nouveau, chercher une retraite plus sûre, moins offerte aux curiosités germaniques. C’est alors que le convoi, les convois plutôt, qui totalisaient soixante camions, s’ébranlèrent de nouveau, et cette fois vers le Lot, vers le Causse discret.

La Ville de Paris venait s’agréger à cet ensemble et, face à l’Ile de Télémaque, sous le signe du doux Fénelon, confiait au Prieuré voisin de Carennac les principaux trésors de ses collections. Ce paysage « muséographique » était dominé par les ruines du château de Castelnau, où la Bibliothèque Nationale semblait abriter ses plus beaux manuscrits derrière des murailles défiant d’anachroniques bombardes ou couleuvrines.

Et maintenant, les toiles restent dans leurs emballages. On s’occupe désormais d’autre chose que de les regarder. Le nombre de gardiens s’accroît, on parle beaucoup alsacien autour des caisses. C’est qu’il y a plus que des tableaux qui soient mis à l’abri, il y a aussi ceux-là mêmes qui les gardent. On a mis, sous cette placide couverture, des hommes surs et menacés, des émigrés des provinces de l’Est, des réfractaires, des évadés, et même huit condamnés à mort, mais personne n’en sait rien, sauf le conservateur ; ils s’ignorent entre eux ; c’est discret un condamné à mort !

Au centre René Huyghe, à gauche le commandant Lavaysse et Raoul Dufour

Deux mois après l’arrivée, un groupe de Résistance s’organise ; mais, là encore, pour éviter des bavardages, pour ne pas compromettre la sécurité des œuvres, les membres se connaissent tout au plus par trois.

Groupe des résistants chargé de protéger les oeuvres du Louvre mises à l’abri au Château de Montal. 

Pendant ce temps, à Paris, les choses ne vont pas toutes seules. Le Directeur des Musées Nationaux, M. Jacques Jaujard, qui a constitué en France, pour les Musées de l’Etat, pour les Musées de province et même pour les Archives, plus de 80 dépôts, et qui orchestre avec une énergique activité cet énorme ensemble, dont il a d’ailleurs fait tenir la liste à nos amis anglais. M. Jaujard doit se battre avec une fermeté inlassable contre l’avidité des conquérants, qu’encourage sadiquement le gnome hydrocéphale Bonnard.

Cependant que, se prêtant complaisamment aux injonctions allemandes, l’Administrateur vichyssois de la Bibliothèque Nationale, Bernard Fay, extrait de Castelnau, pour les ramener à Paris, ses caisses les plus précieuses, M. Jaujard, entouré des conservateurs, qui à l’unanimité se sont solidarisés avec lui, fait traîner en longueur les négociations d’échange, s’oppose à tout enlèvement et même à tout rapatriement préliminaire à Paris.

Que d’aimables souvenirs ! M. Abel Bonnard, écumant, la voix aussi aiguë mais moins harmonieuse que celle d’un chantre de la Sixtine, s’emporte et déclare qu’il n’admettra « aucune résistance, ni rétive, ni chétive ». Charme de l’expression et charme des manières ! Evoquerai-je cette sorte de danse de Sioux que, convoqué impérativement à son bureau, il me souvient de l’avoir vu exécuter (c’était à la fin de 1943), le cheveu rare mais aérien et flottant, un élégant coupe-papier en sa main frêle et soignée, autour du fauteuil où il m’avait fait asseoir, pour me déclarer que nous étions « une bande de gôllistes », ainsi qu’il s’exprimait.

Jacques Chapou « Philippe »

Cependant, l’aimable jeune homme, qui lui servait de chef de cabinet, était posté derrière le dossier dudit fauteuil, pour sténographier les réponses qui constituaient ma part en ce cordial entretien, Cabinet de juge d’instruction, tout au plus.

Dans le même temps, nous étions entrés en liaison avec Chapou, l’admirable et héroïque « Philippe », chef déjà légendaire de la Résistance du Lot, pour envisager avec lui l’enlèvement dans le Maquis des tableaux du Louvre, au cas où le Gouvernement aurait voulu les livrer à l’Allemagne.

Le Commandant Lavaysse

Ce plan, nous devions le reprendre et l’étudier plus tard avec le Commandant Lavaysse, chef de notre secteur, une de ces figures de patriotes inflexibles qui confirmait la foi dans la France, perdue par des Maréchaux séniles.

Le temps passait. Il fallait résister aux pressions allemandes, faire traîner en longueur les négociations volontairement stériles, guetter d’un œil soucieux la montée croissante des menaces. En décembre 1943, le Maréchal Goering faisait savoir qu’il invitait mon collègue des Sculptures, M. Marcel Aubert, membre de l’Institut, et moi-même à passer un week-end en sa propriété proche de Berlin, pour visiter ses collections, fruit de ses razzias.

Trois semaines de résistances, de discussions et le voyage était finalement éludé. « Le Maréchal est furieux », énonçait son aide de camp, qui avec une finesse toute germanique ajoutait, comblant nos vœux : « Aussi, il ne vous invitera jamais plus ! ». On regardait vers l’horizon, celui des côtes. A quand le débarquement ? « Nous tiendrons bien jusqu’en février, pronostiquait M. Jaujard. D’ici-là… » Bien sûr, février, mars, avril passaient. Les pressions s’accentuaient. « Nous tiendrons bien jusqu’en… ». Six juin. Enfin. Le débarquement. Les communications coupées. Les Allemands occupés à bien d’autres choses. Ouf !

L’ère du Maquis commençait.

Qui d’entre nous ne se souviendra de cette période comme d’une des plus belles de sa vie, nourrie de tant d’espérance, de l’allégresse d’une fierté, d’une liberté reconquises qui s’affirmaient et s’étendaient chaque jour ?

Tout ce qui est beau dans la vie n’était plus perdu, n’était pas encore acquis, était à conquérir, à façonner, à chaque heure ; tenait dans la main, comme la glaise sous le pouce pétrisseur. Tout est possible. Les êtres pensaient encore à l’essentiel d’eux-mêmes, vivaient de l’essentiel d’eux-mêmes, n’avaient pas trop de temps de retourner à leurs petitesses. C’est bien cela : l’essentiel seul comptait ; on ne vivait plus que dans l’essentiel, et chacun révélait le plus pur de lui-même – parfois – souvent. Les laids avouaient plus crûment leur laideur, eux aussi. Il faudra se souvenir de ce temps-là.

Les colonnes de répression, la division Das Reich, celle qui s’illustra sinistrement à Oradour, venaient bien de temps à autre rechercher l’insaisissable Maquis ; elles brûlaient Terrou, fusillaient quelques civils. Sur l’une d’entre elles tomba, un jour, André Malraux. Par elle, fut fait prisonnier, pour notre plus grande angoisse. Et pourtant, chaque jour, la Libération se faisait plus sûre, plus définitive.

Le 14 juillet au matin, dans le ciel de un vrombissement formidable se répercutait aux échos des falaises proches de Césarines. Quatre-vingt-seize bombardiers américains, étincelles métalliques dans le soleil, environnés du vol de moucherons des chasseurs, venaient parachuter – un parachute blanc, un parachute bleu, un parachute rouge – des tonnes de matériel et d’armes pour le Maquis.

En l’honneur de la Fête Nationale, flottait un énorme drapeau tricolore de six mètres de long, celui-là même qui avait servi lors de l’inauguration officielle du château par Poincaré, et qui, depuis, n’était plus ressorti. Dans la vaste prairie proche s’étalaient de grandes lettres de huit mètres, « Musée du Louvre », que par précaution contre les bombardements possibles, on avait tracées sur le sol. Il n’en fallait pas plus pour tromper les aviateurs en quête du point de chute et pendant dix minutes, les appareils tournèrent, déchaînant leur vacarme au-dessus des toits, lançant fusées sur fusées « balisage insuffisant, préciser », pour s’éloigner enfin, après nous avoir offert ce magnifique carrousel de 14 juillet. Les containers de mitraillettes n’allèrent pas rejoindre les caisses de tableaux.

Peu à peu, les routes redeviennent libres, les voitures aux fanions tricolores roulent, enivrées de leur vitesse. Les visites se succèdent, bien peu officielles, pas encore officielles.

Jean Lurçat

Une nuit, c’est Jean Lurçat qu’il faut faire coucher dans la « Chambre du Gréco », pour lui rappeler qu’il existe de la peinture, car, dynamique et infatigable, il ne vit plus que pour le Front National.

Le vendredi c’est le Docteur Pierre qui passe, entre deux opérations de gars du Maquis, le Docteur Pierre dont nul n’ignore qu’il est le Docteur Rougier.

Dr Rougier

Le Docteur Pierre que Mme Rougier, intrépide, pilote sur les routes mal fréquentées d’uniformes verts.

Quel beau coup de filet, c’eut été que ce déjeuner qui groupa Jean Cassou, l’œil et la bouche plus plissés d’ironie que jamais, insoucieux de tout danger, et qui, quelques semaines plus tard, manquera périr sous le martèlement des crosses allemandes ; le grand Georges, pardon, le Colonel Georges, métallo, soldat et diplomate, aussi riche en bonhomie cordiale qu’en ferme autorité ;

Le Colonel Vény

Le Colonel Vény, jadis Commandant dans la Légion étrangère, naguère Chef d’Etat-Major de la défense de Madrid et qui, lancé à soixante ans, avec une fougue intacte, dans la Résistance, réunit 24 000 hommes sous ses ordres !

Qui donc encore ? Tous les Chefs du Front National ; Germain, Chef de la zone sud ; Tamaris, Chef régional ; Benoît, Chef départemental. Mais les gardiens du Louvre savent qu’ils montent ce jour-là double garde.

D’ailleurs, sur cinquante-deux gardiens, cinquante-deux se sont engagés dans les F.T.P., et le conservateur peut bien, sans compromettre la sécurité des dépôts, avouer qu’il est capitaine F.F.I. Une équipe du Louvre ne sera-t-elle pas parmi les premières troupes à entrer dans Cahors libérée ?

Mais voici que la place manque pour évoquer cette nuit intense, les rues désertes et noires, la ville en attente, les patriotes en bras de chemise, mal armés, montant la garde aux barricades qui ferment la ville et arrêtant de cris brefs et durs, qui résonnent dans le silence des façades closes, les autos hâtives des chefs du Maquis, fébriles d’allégresse, l’Hôtel de Ville, grouillant d’une foule affairée, derrière ses grilles qu’entrouvre à peine le concierge, les voitures qui de quart d’heure en quart d’heure déchargent, hommes et femmes, les collaborateurs qui croient encore au châtiment.

Mais l’armée allemande s’enfuit, abandonne le sol de France, comme un nuage dont l’ombre court, poussée par un vent furieux. Paris libéré ! Le drapeau de six mètres ressort et on y coud une croix de Lorraine, immense comme l’espoir.

Paris maintenant réclame ses chefs-d’œuvre, les attend, mais ils ne reviendront prendre leur place accoutumée que lorsque la victoire aura écarté toute menace d’un ultime danger. Et comme vous l’avez souhaité, n’est-ce-pas, mon cher Jean Lurçat, quelques-uns des plus illustres viendront auparavant à Cahors, dans tout l’apparat de leur beauté, se montrer enfin à ceux dont vous êtes, à ceux de la Résistance, qui ont eu si passionnément le souci de leur sauvegarde, au département du Lot, où ils ont trouvé une sûre retraite au moment le plus difficile de leur longue existence.

René Huyghe,  Conservateur en Chef des Peintures du Louvre

 

La Joconde réfugiée au château de Montal

En 1940, pour échapper à la convoitise allemande, 3 200 tableaux ou objets du Louvre sont mis à l’abri à Montauban, puis, après l’invasion de la zone « libre » en novembre 1942, transférés dans le Lot.

Pas moins de soixante camions pour les acheminer vers leurs repaires : Montal, La Treyne, Bétaille, Vayrac, Lanzac,…, notre département abritant ainsi, comme on a pu le dire, « la plus forte densité de chefs-d’œuvre au km2 ».

La Joconde

Parmi eux : La Joconde de Léonard de Vinci, L’indifférent de Watteau, l’Angélus de Millet, la maison du pendu de Cézanne, La Vierge au diadème bleu de Raphaël, L’élévation en croix de Rubens, La Sainte Famille de Rembrandt, etc… En même temps que les tableaux et antiquités égyptiennes, des membres des personnels des Musées Nationaux sont aussi mis à l’abri. Le silence, la discrétion de la population complice de cette sauvegarde… tout simplement un acte de résistance qui honore les Lotois. Aucune alerte n’est à déplorer.

Pour remercier nos compatriotes, le directeur des Musées de France, organisa en novembre 1945, à la Préfecture du Lot, une exposition de treize des œuvres les plus prestigieuses.

Une ombre à cette réussite : la mort de Maximin Guitard.

Un allemand, gravement blessé dans l’engagement du 19 juin 1944, près de Souillac, est secouru par un employé du Musée de Lanzac et soigné par le régisseur. Prévenus par la mairie de Souillac, les Allemands viennent de Brive pour récupérer le blessé le 21 juin.

Malgré cet acte humanitaire des Français, les Allemands emmènent en otage cinq employés des Musées Nationaux et deux habitants de la commune. Pendant que ces événements se déroulaient, Maximin Guitard, qui à leur approche essaya de s’enfuir, est froidement abattu. Les otages sont partis vers Brive, dans des camions chargés de troupes et d’otages, tombant sans doute dans des embuscades, au nord de Souillac, repassent en fin d’après-midi en route vers Cahors.

Ils seront emprisonnés à Cahors, puis à la prison Saint-Michel de Toulouse et seront libérés le 8 août 44. Deux d’entre eux seront gardés prisonniers jusqu’à la libération de Toulouse par les résistants Lotois, le 20 août. (Source : Musée de la Résistance, Cahors)

 

La résistance en Quercy
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