Jean Lartigaut était né en 1925 à Montauban où son père, originaire du Bazadais et officier de cavalerie, tenait alors garnison. Sa mère, née de Camy-Gozon, appartenait à une très ancienne famille quercynoise établie en Bouriane, au château du Vigan. Il fit ses études secondaires au collège des Jésuites de Sarlat qui lui inculquèrent notamment les vertus de la discipline et le goût de l’Histoire.

En août 1944, il s’engage au 3ème régiment de hussards avec lequel il fait campagne jusqu’à la fin des hostilités. En 1947, après un passage à l’Ecole spéciale militaire interarmes, il est nommé aspirant. Promu sous-lieutenant en 1948 et lieutenant en 1950, il est volontaire pour servir dans la Légion étrangère et rejoint le 2ème REI. En 1954, après deux longs séjours en Indochine, il rentre en France pour être affecté au 126ème RI de Brive. En 1956 il quitte le service actif et en 1957 il est promu capitaine de réserve (il sera nommé chef de bataillon de réserve en 1965). Titulaire de la croix de guerre des TOE avec quatre citations, il a été décoré de la Légion d’honneur en 1955.

C’est donc en 1954, à son retour d’Extrême-Orient, que Jean Lartigaut épouse Guillemette de Valon, descendante d’une illustre famille du Quercy, qui lui donnera cinq enfants. Il quitte l’uniforme trois ans plus tard pour résider définitivement à Pontcirq et seconder son épouse dans la gestion du domaine de Labastidette.

Madame Lartigaut sut accepter avec philosophie la nouvelle vocation de son époux : la recherche historique. Vocation née lors de ses études à Sarlat, attisée par la passion de la lecture et la découverte de riches archives familiales 1. Sa rencontre avec Louis d’Alauzier fut déterminante 2. Celui qui devait devenir son “guide” l’initie à la paléographie et au dépouillement méthodique des Archives. D’emblée le néophyte s’enthousiasme pour le Moyen Age, avec une prédilection pour les XIVe et XVe siècles, se plongeant dans les minutes notariales et disséquant toutes les sources utilisables. L’occupation du sol, l’origine des seigneuries, l’organisation des réseaux paroissiaux, autant de sujets qui stimulent son insatiable curiosité. Tout naturellement il oriente ses investigations vers le repeuplement du Quercy après les malheurs de la guerre de Cent Ans, faisant sienne “l’immense peine des hommes”, celle de ces laboureurs qui furent les humbles artisans de la reconstruction de nos campagnes.

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Jean Lartigaut entre Louis d’Alauzier (à gauche) et le Professeur Michel Labrousse lors du Congrès de la Fédération régionale des Sociétés Savantes – Cahors, 1977. (Archives S.E.L.)

En 1978, sous la direction de Philippe Wolff, il soutient à l’Université de Toulouse-Le Mirail sa thèse de doctorat sur “Les Campagnes du Quercy après la guerre de Cent Ans”. Cette œuvre majeure, publiée avec le concours du CNRS, attire aussitôt l’attention des médiévistes sur ses travaux et lui vaut, en 1980, le second prix Gobert de l’Académie des Inscriptions créé, doit-on le rappeler, pour “couronner le travail le plus savant et le plus profond sur l’Histoire de France”.

Il serait difficile d’énumérer tous les congrès, colloques ou journées d’études auxquels il a activement participé, comme les Journées internationales d’histoire de Flaran ou les Rencontres internationales d’archéologie et d’histoire de Commarque qui avaient sa préférence. Innombrables sont ses articles et communications parus dans notre bulletin et d’autres publications lotoises, régionales ou nationales. On en donnera prochainement une bibliographie détaillée.

Rappelons que parmi ses ouvrages figurent “Puy-l’Evêque au Moyen Age” (1991), les Atlas historiques de Cahors et Figeac (CNRS, 1983) et l’Histoire du Quercy, publiée sous sa direction (Privat, 1993), dont il a rédigé les quatre chapitres consacrés à la période médiévale (Xe-XVe siècles).

On se souviendra de l’accueil courtois et souriant qu’il réservait à ceux qui venaient le consulter à Labastidette, dans son cabinet de travail, au milieu de ses dossiers. Il prêtait une oreille attentive aux étudiants préparant un mémoire de maîtrise, un DESS, un DEA ou une thèse. Il se faisait un devoir de les conseiller, de les orienter, de les encourager, tout en leur communiquant généreusement ses sources d’information et ses notes personnelles.

Voici le moment venu d’évoquer la place tenue par Jean Lartigaut au sein de la Société des études du Lot. Il avait adhéré à 19 ans, avant même son départ sous les drapeaux ! Entré au conseil d’administration en 1960, il fut élu président en 1981 au fauteuil laissé vacant par le décès du général Soulié. Il était assidu à nos permanences du mardi et à nos séances mensuelles. Il était rarement absent de nos manifestations, à la fois organisateur, animateur et conférencier. En 1984 il avait été appelé pour quatre ans à la présidence de la Fédération des sociétés académiques et savantes Languedoc-Pyrénées-Gascogne (aujourd’hui Fédération historique Midi-Pyrénées).

On pourrait certes apporter d’autres éléments à cet essai biographique. Pour rappeler, par exemple, que de 1959 à 1965 il avait été maire de Pontcirq. Ou qu’en plus des décorations obtenues à titre militaire, il était également officier du Mérite et officier des Palmes académiques.

Doué d’une puissance de travail étonnante et d’une rigoureuse honnêteté intellectuelle, Jean Lartigaut était aussi un personnage profondément humain, d’un contact agréable, toujours heureux de partager ses vastes connaissances et sa riche expérience.

Nous garderons de lui l’image d’un chercheur exemplaire dont la notoriété n’avait en rien altéré la modestie naturelle. Il était notre maître. Il était notre ami.
Pierre Dalon

Hommage à Jean Lartigaut (1925-2004)

Les Archives départementales tiennent à évoquer dans ce numéro la mémoire d’un grand médiéviste récemment disparu : Jean Lartigaut.

Issu d’une famille de militaires, et militaire lui-même, rien ne paraissait prédestiner Jean Lartigaut .à une carrière de chercheur. Pourtant, en lisant l’avant-propos de la publication de sa thèse (Les campagnes du Quercy après la guerre de cent ans), trouve sous sa plume l’évocation de ces étés qui le ramenaient en Quercy, durant son enfance, vers une maison aimée et un vieux grenier où gisaient alors des archives familiales baignoire en zinc d’époque Napoléon Ill et une malle ventrue, usée par des voyages en diligence. Déjà l’intérêt pour l’histoire, en particulier celle du Moyen Age, était présent. L’installation définitive de Jean Lartigaut en Quercy, après des années de campagnes militaires,dans une maison au long passé, elle aussi nantie d’archives, lui permit d’entreprendre des recherches, épaulé et guidé par Louis d’Alauzier, autre grand médiéviste du Quercy, et par Philippe Wolff, professeur à l’Université de Toulouse.

Après sa thèse, publiée en 1978, Jean Lartigaut continua de dépouiller les minutiers de notaires et de publier de nombreux articles. Mais il contribua également à faire rentrer aux Archives du Lot plusieurs fonds d’archives privées, dont certains ont été classés par ses soins : citons notamment le fonds Camy-Gozon, le fonds de Valon, le fonds Lavaur de Laboisse…

Ses activités de recherche valurent à Jean Lartigaut d’être président de la Société des Études du Lot de 1981 à 2003 et président de la Fédération historique Languedoc-Pyrénées-Gascogne de 1984 à 1988.

Mme Duthu dans Archives Info n°16 – janvier 2005.

Notre ancien président et président d’honneur nous a quittés discrètement, le 4 novembre 2004, victime d’un malaise cardiaque, dans sa 79ème année. Sa santé s’étant progressivement altérée au cours des derniers mois, il avait dû se résoudre à abandonner la présidence de la société. Lors de l’assemblée générale du 4 mars il avait été, à l’unanimité, élu président d’honneur en hommage à son œuvre d’historien et en reconnaissance des éminents services rendus à la Société des Études du Lot. 

Une importante délégation s’est rendue le 6 novembre à Pontcirq pour assister à ses obsèques, avant de l’accompagner jusqu’à la chapelle de Labastidette où un hommage lui a été rendu avant l’inhumation dans le caveau de famille.

Article publié dans le Bulletin de la Société des Études du Lot, 4ème fascicule 2004,
(Octobre-Décembre)