C’est en 1881 que commença la construction de notre viaduc.
Lors des études, avant les travaux, le projet ne semblait présenter ni plus ni moins de difficultés que ses onze frères qui étaient prévus de Cahors à Brive. Sa hauteur, de vingt et un mètres et sa longueur de cent huit mètres en faisaient un ouvrage très accessible aux techniques de l’époque.
Les travaux commencèrent par les piles extrêmes, des deux côtés de la vallée, qui furent établies facilement, à sec, sur le rocher. Il n’en alla pas de même lorsqu’on arriva aux piles centrales et les fouilles révélèrent l’absence de rocher bien qu’on soit descendu, par sondage, à dix-huit mètres. A la place du socle dur attendu, on s’aperçut que la vallée, qui résulte d’un plissement très obtus (dû selon les savants à un cataclysme géologique) a été remplie de blocs de calcaire noyés dans l’argile déposée par le ruisseau de Reignac.
A ce stade, on ne pensait pas pouvoir continuer l’ouvrage comme il avait été commencé. Les travaux furent interrompus en 1883 et trois projets étudiés pour combler le vide laissé au centre: Une poutre métallique droite, un arc métallique incurvé et un remblai de terre incurvé.
Si l’on peut retrouver facilement la preuve de ce qui précède, il n’en est pas de même de ce qui suit qui m’a été raconté par les anciens dans ma jeunesse.
Il semble que le projet de remblai, qui aurait défiguré le village, ait soulevé l’unanimité de nos prédécesseurs contre lui.
Que l’on s’imagine le chantier et l’état du village: Des ouvriers partaient dès l’aurore des villages voisins (Caillac, Crayssac, Saint-Pierre …) pour venir travailler à Calamane où des commerces s’étaient créés: restaurants, buvettes, artisans… Cet apport de population entraînait une effervescence inhabituelle dans le bourg et tout le monde disait du mal du projet de remblai.
En ces temps-là vivait dans l’actuelle maison Serres, un homme que l’on voyait toujours en haut de forme et médecin de son état: Monsieur Valette. Le Docteur, cousin de la femme de Gambetta, avait de plus usé ses fonds de pantalons avec ce dernier sur les bancs de l’école qui maintenant porte son nom.
Monsieur Valette partît donc à Paris – avec une barrique de bon vin selon les uns, après avoir juré de renoncer à son nom si le talus se faisait selon les autres – plaider auprès de son ami devenu président du conseil (1881-1882) la cause de notre viaduc.
Les travaux reprirent en 1887. Les piles centrales furent enchâssées dans du béton d’une largeur suffisante. La ligne Cahors-Brive fut mise en service le seize juin 1889.
L’ouvrage avait coûté six cent trente huit mille francs d’alors pour vingt deux mille six cent mètres cubes de maçonnerie. La charge à l’essieu qui était de dix tonnes en 1889 a été doublée pour répondre aux besoins actuels de la ligne sans que notre viaduc en paraisse affecté.
Reconnaissez qu’après une récente restauration, bien que conçu sans l’aide de l’ordinateur, le viaduc, plus que centenaire, se porte bien.
Bernard DAVIDOU 1998
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