Premier siècle avant J.-C., Lucterios (aussi connu sous la version latinisée Lucterius) est le dernier chef gaulois à résister à Jules César. Un an après la reddition de Vercingétorix à Alésia, Lucterios et Drappès se réfugient dans l’oppidum d’Uxellodunum où eut lieu la dernière bataille de la guerre des Gaules, en 51 avant J.-C. Il trouve refuge chez le chef arverne Epasnactos, qui le livre à César. Wikipedia

Lucterius est le nom du véritable Abraracourcix, c’est-à-dire du véritable dernier chef gaulois qui résista à César. Son retranchement ne s’appelait pas Petitbonum mais Uxellodunum. Il n’était pas en Bretagne mais dans le Quercy. En plus de ces légers détails et pour tout le reste il ressemble plus à Asterix : il était courageux, volontaire, plein de bonnes idées, sans peur et sans reproche. La ressemblance avec la bande dessinée est d’ailleurs si forte que, aussi incroyable que cela paraisse, les disputes en Quercy n’en finissent pas pour savoir exactement où était situé l’oppidum d’Uxellodunum.

Gravure représentant Uxellodunum comme on se l’imaginait au XVIème siècle.

La première grande personnalité qu’aient connu les terres du Quercy est sans nul doute Luctérius. A l’époque où vécut Luctérius le Quercy n’existait pas sous ce nom du moins, c’était le pays des Cadurques, nom du peuple qui habitait ces terres. Luctérius s’est grandement distingué durant les deux dernières années de la guerre des Gaules, mais ne semble pas être reconnu à sa juste valeur par les historiens lotois. Il fit pourtant preuve d’ héroïsme sur le territoire même du Quercy. Nous savons que Luctérius vécut durant le premier siècle avant J.C., et nous connaissons ses agissements grâce aux témoignages de César ainsi que d’Hirtius (compagnon de César), qui sont relatés dans les livres VII et VIII de la Guerre des Gaules (Bello Gallico).

Luctérius était issu du peuple des Cadurques, qui occupé approximativement le territoire de l’ancienne province du Quercy. Il fut une des grandes figures de la Gaule un allié de Vercingétorix et vraisemblablement, également un ami. Son peuple, les Cadurques furent en effet parmi les premiers à répondre à l’appel à la rébellion de Vercingétorix. Le grand César lui-même se méfiait de Luctérius dès le début de la révolte gauloise, qualifiant le chef Cadurque d’être un homme « d’une extrême audace ».

On sait que Vercingétorix l’envoya dans le territoire des Rutènes, peuple voisin des Cadurques, sur qui il devait avoir une certaine influence, le livre VII de la guerre des Gaules nous rapporte ceci : « Luctérius le Cadurque qui avait été envoyé chez les Rutènes les gagne aux Arvernes. Bien mieux il trouve de nouveaux alliés dans son voisinage : les Gabales du Gévaudan et les Nitiobriges de l’Agenais. Puis ayant réuni une forte troupe il entreprend d’envahir la Province en direction de Narbonne ». Il contraint César qui revenait d’Italie, à rejoindre Narbonne où il fit fuir ses troupes .

Puis, bien qu’il ne soit pas nommé, on peut déduire que Luctérius ait été présent à l’assemblée de Bibracte, qui se déroula après le succès de Gergovie. Vercingétorix décida alors d’empêcher César de rentrer en Italie, et distribua alors les règles à chacun. « Il envoie les Rutènes et les Cadurques ravager le pays des Volsques Arécomiques ». Luctérius descendit donc une nouvelle fois vers la Province romaine.

Mais la suite des événements perturba les plans Gaulois. Vercingétorix se retrouve encerclé dans Alésia et effectue un appel, 12.000 hommes sont alors réclamés aux Rutènes, 35.000 aux Cadurques, afin de former une armée de secours capable de libérer les assiégés d’Alésia.

Luctérius fut donc vraisemblablement présent au siège d’Alésia, puisque l’on nous dit qu’il en a « gardé un douloureux souvenir », au moment où il prépare la ville d’Uxellodunum à ce qui sera l’ultime siège mené par César en Gaule.

Uxellodunum, les irréductibles

Après la déroute d’Alésia, notre chef Cadurque, ne désarma pas, et continua à vouloir résister à l’envahisseur. Luctérius, s’associe alors à un autre chef rebelle, Drappès de Sens, à eux deux, il vont vivre les derniers moments de la lutte pour l’indépendance gauloise. En 51 avant J.C., les deux chefs gaulois Drappès et Luctérius sortant de l’enfer d’Alésia, vont prêter main-forte à Dumnacos qui se bat du côté de Poitiers. Ils subissent là une nouvelle défaite par Labiennus, mais rassemblent quelques 3000 rescapés ils descendent dans le sud. Mais, poursuivis par Caninius et ses deux légions, ils s’enferment dans la ville d’Uxellodunum qui se situait dans le pays des Cadurques.

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Enluminure médiévale origine BNF représentant la bataille d’Uxellodunum

Luctérius, qui eut autrefois cette ville dans sa clientèle, gagna facilement les habitants à sa cause. Les deux chefs, décidèrent alors d’aller faire de grandes provisions de blé, afin de pouvoir tenir un long siège. C’est lors d’un des convois pour introduire du blé dans la place, que la troupe de Luctérius est surprise. Tous les Gaulois furent alors massacrés, seul Luctérius et quelques hommes purent s’enfuir. Les hommes de Drappès furent également défaits. Drappès fait prisonnier, honora sa mort en ajoutant volontairement la privation de toute nourriture aux douleurs que lui causaient les fers dont il était chargé, il se laissa mourir en peu de jours. Fabius et deux légions, puis César lui-même avec toute sa cavalerie ainsi que Calénus avec deux légions vinrent continuer le siège Uxellodunum où il ne restait plus que deux mille défenseurs dépourvus des deux chefs emblématiques Drappès et Luctérius.

Les Gaulois était bien pourvus en vivre, César résolut donc de les priver d’eau. Portant des archers, des frondeurs et des machines de guerres sur la rive gauche de la rivière qui entourait presque toute la montagne sur laquelle la ville était juchée et en face des pentes plus aisées, les Gaulois ne possédaient plus pour s’approvisionner en eau qu’une source au nord de la place qui coulait au pied du mur de celle-ci. César fit construire une terrasse (agger) de 18 m, une tour de 10 étages du haut de laquelle de l’artillerie empêchait les Gaulois de sortir de leurs murs. Par des tranchées couvertes et des galeries sous roche, les Romains parviennent à tarir la source et les Gaulois se rendirent. César fit couper les mains à tous ceux qui avaient porté les armes et se fit livrer Lucter par Epasnactos. Drappès lui se laissa mourir de faim.

Quant à Luctérius, qui était parvenu à s’enfuir, il fut livré à César par le chef Arvernes Espagnactos

Jacques-Joseph Champollion rappelait dans son ouvrage « Nouvelles recherches sur la ville gauloise d’Uxellodunum », que « les auteurs romains avaient écrit de ces deux chefs Gaulois que ce qu’ils ont cru dire de défavorable à leur mémoire. » Le même auteur écrivit sur Luctérius, que son « sort variable des armes le ramenant dans son propre pays, il y rendit ses compatriotes témoins de ses derniers efforts pour l’indépendance des Gaules, et vint, chargé de chaînes, expier, en présence de César, son inutile courage. »

Jacques-Joseph Champollion constatait avec regret, au sujet de Luctérius le Cadurque, qu’ « aucun monument public n’en consacra le souvenir ; l’empire des vainqueurs ne pouvoit le permettre ». Champollion l’aîné, découvrit néanmoins une inscription latine inédite qui se trouvait à Pern, sur une pierre de marbre servant de marche pied à l’autel. L’inscription en beaux caractères romains laissait lire : MARCO LUCTERIO. Champollion Figeac, alors accompagné de M. Lacoste (Hist. de la province Quercy en 4 vol.) purent déchiffrer la précieuse pierre, qui indique que ce monument fut élevé par la cité des Cadurci à Marc Lucter, surnommé Lion, fils de Lucter surnommé Senicianus, qui avait exercé toutes les charges publiques dans sa patrie, et qui était alors le prêtre envoyé par la même cité pour desservir l’autel dédié à Auguste, situé au confluent de la Saône et du Rhône, à Lyon.

Jacques-Joseph rappelait que « plusieurs monuments de même genre que celui-ci rappellent les noms de quelques prêtres de l’autel que les soixante cités des Gaules consacrèrent à Auguste .» Cette tablette est très importante, car le Marc Lucter mentionné est un descendant de notre Luctérius, qui fut le dernier chef Gaulois connut à lutter pour l’indépendance de son peuple. Il pourrait même être le petit fils du grand chef rebelle. Encore de nos jours, nous ne connaissons pas le sort qui fut attribué à notre illustre irréductible gaulois, César l’emmena-t-il à Rome comme Vercingétorix, ou bien sa soumission lui a-elle sauvée sa vie ? A l’heure actuelle nul ne peut prétendre le savoir.

Jacques-Joseph Champollion regrettait en 1816, qu’aucun monument n’eut était consacré à Luctérius, de nos jours le constat reste le même, seul un buste en marbre blanc exécutée en 1844 par un certain Dominique Molhnet, qui est exposé à la bibliothèque municipale de Cahors, honore la mémoire du grand Luctérius. A noter que Capdenac qui prétend être le lieu de l’ancienne Uxellodunum, a appelé sa place principale, « place Lucter ».

Mathieu MARTY